Rassemblement en soutien aux Palestiniens : « Nous sommes là pour la paix »

Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées samedi à Paris et en régions, alors qu’un cessez-le-feu a mis fin vendredi aux affrontements meurtriers entre Israël et le Hamas.

14 h 45. Alors qu’un déluge de grêle, aussi soudain que brutal, vient de s’abattre sur la place de la République, à Paris, Doria, la vingtaine, distribue à qui veut des masques qu’elle a coloriés à l’effigie du drapeau palestinien. Elle est venue avec cinq amies, connues sur les réseaux sociaux, rassemblées par la cause palestinienne : «On n’est pas là parce qu’on est musulmanes, mais parce qu’on est humaines», lance Soraya, 26 ans, qui l’accompagne. Depuis deux semaines, elles voient passer sur Internet des centaines de vidéos montrant la violence de la situation en Israël. «Nous sommes pour la paix, pour que les Palestiniens puissent vivre tranquillement, comme les Israéliens», reprend-elleA quelques mètres du groupe, un gigantesque drapeau palestinien vient d’être déployé, tenu par des dizaines de militants.A lire aussi

Appelé par différents collectifs de soutien à la cause palestinienne, le rassemblement parisien est finalement statique après que le préfet de police, Didier Lallement, a pris le 19 mai deux arrêtés pour limiter deux marches déclarées. La première, convoquée par l’Association France Palestine Solidarité, devait se tenir samedi entre République et la place de la Madeleine. La deuxième, appelée par l’association des Palestiniens en Ile-de-France, devait se dérouler dimanche entre la station de métro Barbès-Rochechouart et la place de la Bastille.

«En raison des troubles à l’ordre public, malheureusement constatés le samedi 15 mai [qui ont donné lieu à 45 gardes à vue, ndlr] le préfet de police demande que ces manifestations se limitent à des rassemblements statiques», annonce le communiqué de la préfecture.

«On tue des gens, là-bas»

Dans la foule qui rassemble entre 3 000 et 4 000 manifestants, selon la CGT dont le secrétaire général Philippe Martinez était présent, flottent, éparpillés parmi les drapeaux palestiniens, ceux des drapeaux des partis de gauche, du NPA, de Solidaires et des organisations de soutien à la cause palestinienne. «Avec cette interdiction de manifester, on a l’impression qu’on commet un crime», proteste Doria. Pour elle, montrer son soutien à la Palestine relève pourtant de l’évidence. Les jeunes filles étaient d’ailleurs aussi présentes à la manifestation du samedi 15 mai, qui avait été interdite«On avait l’impression de faire quelque chose de mal», soupire-t-elle, entre l’incompréhension et la révolte. Un peu plus loin, Mamadou, 17 ans, participe lui à sa première manifestation, avec cinq autres amis vivant à Porte de la Chapelle. Il fallait venir «parce qu’on tue des gens, là-bas», défend-il.

La pluie a repris de plus belle, et des dizaines de manifestants se sont réfugiés sous le gigantesque drapeau, qui fait désormais office de chapiteau. «Israël, assassin ! Macron, complice !» Eclairée par les reflets verts des couleurs palestiniennes, une jeune fille voilée, en survêtement, scande le slogan le poing levé, imitée aussitôt par la foule. Elle aussi abritée par les couleurs palestiniennes, Yamina, 67 ans, l’observe silencieusement. Elle n’est membre d’aucun collectif, mais est présente à toutes les manifestations de défense de la Palestine. «Je viens en tant que citoyenne, pour soutenir mes frères, dit-elle simplement. Quand on voit des enfants qui meurent, on ne peut pas rester sans rien faire, il faut agir.» Ses yeux sourient : «Mais aujourd’hui on est là le cœur léger. Il y a quand même un petit espoir», souffle-t-elle en référence au cessez-le-feu décidé entre Israël et le Hamas vendredi 21 mai.

«Le cessez-le-feu ne règle rien», estime pourtant Jacques Frochen, membre du comité national de l’Association France Palestine Solidarité, comme beaucoup d’autres militants présents. «Pendant que les fusées et les drones se taisent, la colonisation, la destruction de maisons, les expulsions continuent», fustige-t-il, en demandant «l’arrêt de la colonisation et l’égalité des droits entre Israéliens et Palestiniens».

Espoirs

Les jeunes qui animaient la foule sous le chapiteau sont maintenant montés sur la statue, avec le drapeau qui s’étend maintenant autour de Marianne. La sénatrice EE-LV de Paris, Esther Benbassa, a fait le déplacement : «De cette guerre, personne ne sortira vainqueur, ni Israël, ni le Hamas, affirme-t-elle. Il ne reste que la souffrance et la désolation des populations civiles.» L’élue déplore que «la question n’avance pas, les Occidentaux l’oublient dès qu’il y a un cessez-le-feu». Elle attend du gouvernement français une réunion avec les autres Etats pour faire respecter le droit international et faire avancer la question. «Je suis présente pour exprimer ma solidarité au peuple palestinien», dit, de son côté, la députée LFI Danièle Obono, également sur place. «J’exige de mon gouvernement une attitude ferme face au gouvernement d’extrême droite israélien qui porte la responsabilité de cette situation, que l’association Human Right Watch a qualifiée d’apartheid. La crédibilité de notre pays est remise en cause par le suivisme de ce gouvernement, qui s’aligne systématiquement sur la position américaine.»

Dans la foule, les poings et les drapeaux se sont dressés pour crier «Palestine vivra, Palestine vaincra !» Derrière la tribune, Lana Sadeq, Palestinienne, présidente du forum Palestine citoyenneté, est touchée. La militante, dont la famille s’est réfugiée de la ville de Lod à Ramallah, dit «être pleine d’inquiétude» et «en colère» : «Cela fait soixante-treize ans que nous sommes privés de nos droits.» Malgré tout, elle garde un «espoir grâce à la résistance palestinienne et au soutien de l’opinion internationale».

Vers 18 h 15, une centaine de jeunes manifestants, certains fumigènes en main, se sont déplacés de la statue vers une extrémité de la place. Un important dispositif de CRS, déployés auparavant dans les rues adjacentes, encercle désormais le lieu. Progressivement, les agents resserrent la nasse et acculent les jeunes en direction des bouches de métro. Une trentaine de minutes plus tard, sans heurts, les derniers manifestants se trouvent contraints de rentrer. De l’extérieur de la sortie de métro, on entend encore leurs voix qui scandent, tapant sur les portes : «Palestine, Palestine !»

Lien de l’article : https://www.liberation.fr/societe/rassemblement-de-soutien-aux-palestiniens-nous-sommes-la-pour-la-paix-20210522_OXHN3DR4AJEJVAAKGK6YWP5T7U/?redirected=1