Face au danger fasciste, il faut un front unique sur une ligne claire

Divisée ne serait-ce qu’en deux candidats, la gauche n’aura plus que ses yeux pour pleurer au soir du premier tour de la présidentielle. Elle peut, elle doit, renouer avec une ligne de masse.

Sur la situation et le risque d’avoir Le Pen au pouvoir (il faut imaginer le vieux Le Pen exultant juste avant de mourir et sa fille organisant des funérailles nationales 40 ans ou presque après la mort d’Aragon – l’horreur).

Je ne partage pas, même quand elles viennent de mes amis, les railleries contre celles et ceux qui, « à gauche », appellent à l’unité au prétexte, précisément, que le risque d’une arrivée de l’extrême droite au pouvoir est une réalité. Cette éventualité est réelle et dès lors, il est clair qu’une division de la gauche même avec deux listes aura pour effet un second tour entre Macron et Le Pen ou entre une autre figure de la droite radicalisée et Le Pen (et oui, Xavier Bertrand a un programme très « national » – avec sa proposition de perpétuité réelle – et « social » dont on peut penser qu’il sera réservé aux « Français »).

Face à cette situation, renoncer à faire l’unité pour la présidentielle l’année prochaine est juste une dinguerie dont le réveil pourrait être extrêmement douloureux. En cela, les fanfaronnades narcissiques de Mélenchon ne me font pas du tout rire. Il faut tout faire pour avoir un seul ou une seule candidat(e) de la gauche l’an prochain et il faut que la FI admette que ce puisse ne pas être Mélenchon.

Pour autant, une unité qui ferait fi d’un accord programmatique âprement discuté (l’union est un combat…) serait au moins aussi désastreuse que pas d’union du tout. C’est pour cela qu’il faut définir un espace politique clair constitué de tout ce qui peut rassembler un électorat populaire et petit-bourgeois « de gauche ».

La gauche républicaine ne peut participer à cette unité. La gauche qui n’a pas défilé il y a un peu plus d’un an à la manifestation contre l’islamophobie en la dénonçant par ailleurs ne peut prétendre à fournir un candidat unitaire de gauche l’an prochain. Poser cela ne ruine aucunement la volonté unitaire parce qu’il y a eu, à gauche, des membres y compris anciennement du PS qui ont participé à cette manif, Benoît Hamon notamment et nombre de dirigeants d’EELV dont le parti est aujourd’hui attaqué, plus encore que la FI, par l’islamophobie de droite et de gauche. L’abrogation de la « loi » séparatisme, au moins, doit être un axe unitaire. Nous sommes évidemment minoritaires sur cette question face à l’islamophobie consensuelle mais je suis certain qu’en faisant face au consensus raciste et réactionnaire, nous avons une chance de le réduire. On ne gagne jamais rien à ranger son drapeau au lieu de le déployer.

Le deuxième point est le rapport des organisations de gauche au mouvement des Gilets jaunes. On pourrait dire de ce mouvement ce que le Diplo titrait en janvier 1996 à propos des grandes grèves d’un mois plus tôt, « une grande révolte contre l’Europe libérale ».

On a vu comment un mouvement qui était travaillé l’extrême droite a fini par être largement perdu pour celle-ci avec, par conséquent, une interlocution reprise entre le peuple prolétaire petit-blanc et l’extrême gauche sur les propositions de celle-ci, y compris par exemple contre l’islamophobie. Esther Benbassa, par ex. d’EELV était à la fois en première ligne dans la manif contre l’islamophobie et au côté des Gilets jaunes. C’était insupportable pour le consensus médiatico-parlementaire qui a pris prétexte d’un autocollant jaune dans la manif contre l’islamophobie pour discréditer Esther Benbassa et, plaisir subtil du pétainisme désormais philosémite, la traiter d’antisémite.

Avec ces deux axes, au moins, on a quelque chose qui peut engranger une dynamique puisque la liaison combat contre l’islamophobie (et racisme d’Etat en général) et soutien aux Gilets jaunes nous extirpe de deux écueils mortels que seraient un « antiracisme petit-bourgeois » et un traitement purement « social » de la question nationale (typiquement la ligne Ruffin, par ex.). Il y a peut-être d’autres axes mais voilà, avec ça, on peut mettre ensemble Thomas Piketty, Elsa Faucillon, Éric Coquerel, Clémentine Autain et Esther Benbassa qui peuvent créer une dynamique, à condition que l’extrême gauche sectaire ne nous balance pas un candidat dans les pattes.

Lien de l’article : https://blogs.mediapart.fr/edition/mille-communismes/article/130421/face-au-danger-fasciste-il-faut-un-front-unique-sur-une-ligne-claire