La loi Sécurité globale « mène à la dictature de la pensée »

La loi Sécurité globale «<small class="fine d-inline"> </small>mène à la dictature de la pensée<small class="fine d-inline"> </small>»

La mobilisation contre le projet de loi Sécurité globale a repris mardi 16 mars, en pleine discussion du texte au Sénat. Mais face à une majorité de droite largement acquise au projet, les sénateurs de gauche n’auront qu’une bien faible marge de manœuvre.


Ils ont bravé la pluie, la crainte du Covid et la morosité ambiante. Mardi 16 mars, plusieurs centaines de personnes se sont retrouvées devant le Sénat, qui examinait le projet de loi Sécurité globale, quatre mois après l’Assemblée nationale. Un texte qualifié de liberticide par la soixantaine de membres de la coordination Stop Loi Sécurité Globale, organisatrice du rassemblement.

Dans la foule assez hétéroclite flottaient des drapeaux de différentes organisations : les syndicats bien sûr, mais aussi le Droit au logement, en passant par des militants d’Amnesty International ou encore d’Extinction Rebellion. Les participants à ce rassemblement, autorisé par la Préfecture, ont été étroitement encadrés par un dispositif policier très conséquent, qui filtrait sévèrement les passants.Fabien Gay sénateur communiste de Seine-Saint-Denis.

«C’est la première fois que je vois le Sénat avec un tel dispositif policier. La dernière fois, lorsque la Manif pour tous est venue devant l’entrée, ce n’était pas aussi bouclé», remarque Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis. Avec son groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), il a tenté de déposer une question préalable afin de rejeter le texte dans sa globalité. Sans succès. «La question de la sécurité est bien entendu importante, mais ce texte ne résoudra rien, bien au contraire. Il faut retisser les liens entre les polices et la population mais ce n’est pas avec ça qu’on va y arriver.»

À la tribune, Esther Benbassa, sénatrice Europe Écologie les Verts, s’est réjouie d’une telle mobilisation au vu du contexte sanitaire. «Vous devez nous soutenir pour qu’on puisse porter votre voix. Car nous ne voulons pas accepter un texte qui mène vers la dictature de la pensée.» À ses côtés, la sénatrice du Val-de-Marne (Génération•s) Sophie Taillé-Polian a rappelé que la droite, majoritaire au Sénat, était favorable à l’ensemble de la proposition de loi. «Il faut restaurer le lien de confiance entre la police et la population. Et pour cela, il faut une loi qui permette de retrouver le chemin d’une démocratie apaisée dans la sérénité et la concorde. Mais nous nous battrons contre ce projet liberticide.»

Quelques minutes plus tard, Pierre Laurent, sénateur communiste de Paris, prenait à son tour la parole pour rappeler que l’article 24, qui sanctionne la diffusion d’images de policiers, était loin d’être le seul problématique. «D’autres articles visent aussi à privatiser la fonction régalienne de la sécurité publique. Et c’est particulièrement dangereux.»

Les discussions vont durer trois jours et les sénateurs de gauche vont tenter de faire passer des amendements pour modifier les articles problématiques. Mais face à une majorité de droite largement acquise à ce projet de loi, leurs marges de manœuvre demeurent faibles. Mais Fabien Gay tente de rester optimiste : «Les batailles qu’on ne mène pas sont des batailles perdues d’avance.»


AU SÉNAT, PLUSIEURS POINTS CRISTALLISENT LES DÉBATS

Les discussions sur la proposition de loi doivent se tenir au moins jusqu’au jeudi 18 mars au Sénat. Mardi 16 mars, les discussions se sont ouvertes par le dépôt d’une motion du groupe communiste contre la loi, rejetée par la majorité des sénateurs. Alors que les débats se poursuivent, voici quelques-uns des enjeux :

- Le texte prévoit une expérimentation du renforcement des pouvoirs des agents de police municipale. Jusqu’où iront ces nouveaux pouvoirs? Le Sénat serait favorable à plus d’encadrement que le gouvernement.

- Sur la sécurité privée, les sénateurs devraient là aussi largement entériner l’élargissement des pouvoirs de ces agents. «Des missions de service public sont déléguées à des entreprises qui n’ont comme finalité que la recherche de la rente», a dénoncé la sénatrice communiste Éliane Assassi.

- Sur les questions de surveillance et d’usage des vidéos, malgré quelques garde-fous ajoutés, le fond du texte est inchangé : l’usage des drones est autorisé, l‘usage des caméras de tous types est généralisé, les images des différentes caméras des forces de l’ordre pourront être retransmises en direct au poste de commandement, rendant ainsi possible l’usage de logiciels permettant de repérer divers comportements et d’analyser les images. La reconnaissance faciale n’est pas évoquée, mais la porte lui est ouverte avec cette disposition.

- Concernant l’article 24, accusé de vouloir empêcher la diffusion d’images permettant de dénoncer les violences policières, il a été largement modifié par le Sénat, qui l’a retiré de la loi de 1881 sur la presse et a créé à la place un délit «de provocation à l’identification» des forces de l’ordre. Mais il est toujours vivement critiqué. «Ce délit reste très vague, avertit Anne-Sophie Simpere, chargée de plaidoyer libertés à Amnesty International France. L’identification c’est le nom, l’adresse mais aussi le visage, le rio [numéro d’identification des policiers], et ce à l’heure où l’on a des difficultés à identifier les forces de l’ordre quand elles sont responsables de violences policières. Les délits trop larges sont utilisés contre les manifestants pacifistes. Cet article 24 reste une entrave à toute personne qui cherche à documenter les actions des forces de l’ordre.» Le gouvernement tient pourtant à conserver cet article 24. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a indiqué qu’il s’en remettrait sur ce sujet à la «sagesse» des parlementaires.

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