Le Sénat, à majorité de droite, qui a entamé ce mardi la deuxième lecture du projet de loi bioéthique, a sérieusement écorné sa mesure phare sur l’ouverture de la PMA, limitant l’extension aux couples de femmes et sans prise en charge par la Sécurité sociale..
Ce texte hautement sensible est de retour, pour la semaine, dans l’hémicycle du palais du Luxembourg, après un premier passage il y a un an. Largement modifié, il avait alors été adopté à dix voix près. Il revient de sa deuxième lecture à l’Assemblée nationale, cet été, avec des points de désaccord majeurs entre les deux chambres, en particulier sur la PMA (procréation médicalement assistée).
Au terme de vifs échanges, la chambre haute a rejeté par 122 voix pour et 174 voix contre (33 abstentions) les amendements portés par des sénateurs LR et centristes visant à supprimer purement et simplement l’article 1er ouvrant la PMA à toutes les femmes.
Mais comme en première lecture, les sénateurs ont exclu les nouvelles bénéficiaires de la prise en charge par la Sécurité sociale et ont maintenu l’exigence d’un critère médical pour les couples hétérosexuels.
Pour le secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles Adrien Taquet, ces modifications reviendraient « à consacrer un droit formel et pas un droit réel ».
De manière plus inattendue, le Sénat a aussi adopté à main levée un amendement du sénateur LR Dominique de Legge prévoyant de limiter l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, excluant les femmes célibataires.
« La PMA enfin ouverte à tous les couples de femmes, mais pas aux femmes seules. Le Sénat avance, mais à reculons… », a aussitôt réagi la sénatrice écologiste Esther Benbassa.
Juste avant la suspension de séance ce mardi soir, a été voté, à main levée, un amendement de Daniel Chasseing (Indépendants) ouvrant la possibilité de PMA « post mortem », c’est-à-dire la poursuite du projet parental après le décès du conjoint. Le gouvernement y est opposé. Le résultat du comptage a été bruyamment contesté sur la droite de l’hémicycle, des sénateurs LR réclamant en vain un nouveau vote.
La GPA « ligne rouge »
Le principe même de l’extension de la PMA a donné lieu à un long débat, « un débat entre deux conceptions de la vie », selon la sénatrice LR Anne Chain-Larché pour qui cette disposition conduira « inévitablement demain » à la GPA (gestation pour autrui).
« La GPA est une ligne rouge pour le gouvernement et ça le restera à l’avenir », a assuré M. Taquet. Pour Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs LR, « la PMA sans père, c’est faire primer la volonté des adultes sur l’intérêt des enfants ».
À gauche, Laurence Cohen (CRCE à majorité communiste) a dénoncé des « postures » et Bernard Jomier (PS), « un discours beaucoup plus radical » que lors de la première lecture, il y a un an.
Absent dans l’hémicycle, le ministre de la Santé Olivier Véran a clairement exprimé devant la commission spéciale le souhait que « ce texte puisse être adopté de façon définitive avant l’été, car il est porteur de droits nouveaux dont beaucoup de Français, beaucoup de familles, attendent de pouvoir profiter ».
Selon les calculs de l’Association des parents gays et lesbiens (APGL), entre la navette parlementaire et les listes d’attente pour les PMA, « ce n’est pas avant 2022 que les inséminations pourront commencer en France ».
De leur côté, les opposants au projet de loi maintiennent la pression. Après les manifestations du week-end, La Manif pour tous a organisé mardi après-midi une « grande parade » autour du palais du Luxembourg, un défilé de bébés gonflables géants, couverts du symbole « euro » pour dénoncer « la marchandisation humaine ».
Dans l’hémicycle, plusieurs autres dispositions du texte devraient à nouveau être âprement débattues, dont la réforme de la filiation, conséquence de l’extension de la PMA, mais aussi l’autorisation de l’autoconservation des gamètes (ovocytes et spermatozoïdes) hors raisons médicales, l’accès aux origines des enfants nés d’un don de gamètes, ou encore le volet recherche.