« Peu d’annonces », « pas de nouveau dessein », les sénateurs restent sur leur faim suite à l’interview accordée par Emmanuel Macron à Léa Salamé et Gilles Bouleau.
Des sénateurs dans l’attente. C’est le sentiment général qui prévaut, à la Haute chambre, après l’interview accordée par Emmanuel Macron à Léa Salamé et Gilles Bouleau. Ce mardi, le président de la République a renoué avec cette ancienne tradition qu’il avait pourtant bannie, affirmant que la France se trouvait « dans un moment particulier de son histoire ». Pendant plus d’une heure, Emmanuel Macron est revenu sur les prises de décision qui ont prévalu au moment de la crise sanitaire, sur les raisons qui l’ont poussé à changer de gouvernement, et sur le plan de relance qu’il comptait mettre en œuvre pour relever le pays. « On reste un peu sur notre faim », commente le chef de groupe des sénateurs centristes Hervé Marseille. « Nous avons plus assisté à une explication sur la politique menée depuis le début du quinquennat que sur des pistes données pour l’avenir. Les perspectives du nouveau chemin promis par le président restent inconnues. Il faudra sans doute attendre le discours de politique générale du premier ministre pour en savoir plus. »
Emmanuel Macron « garant de la présomption d’innocence »
Interrogé par les journalistes, Emmanuel Macron est revenu, d’abord, sur sa décision de former un nouveau gouvernement capable, selon lui, d’ouvrir « un nouveau chemin » plus porté sur le dialogue social, la concertation. Il a également abordé la question de la nomination de Gérald Darmanin, au ministère de l’Intérieur alors que celui-ci fait l’objet d’une enquête pour viol. Rappelant le principe de la présomption d’innocence dont il s’est dit être le garant, le président a soutenu : « Si à partir du moment où quelqu’un est accusé il devient la victime d’un jugement de rue, parce qu’il y a une émotion que cela détermine un choix politique, alors notre démocratie devient une démocratie de l’opinion. » « Nous sommes tous, évidemment, d’accords avec le principe de la présomption d’innocence », soutient la sénatrice EELV Esther Benbassa. « Mais, symboliquement, placer une personne qui fait l’objet d’une enquête pour viol à la tête de la police de France, c’est déplorable. Et lui associer la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, c’est tout bonnement risible. »
Les jeunes « priorité » du plan de relance économique
Revenant sur la gestion de la crise liée à l’épidémie de Covid-19, et la possibilité d’une deuxième vague évoquée par de nombreux spécialistes, le président a tenu à se montrer rassurant, affirmant que le pays était « prêt » à affronter un tel cas de figure, et que les erreurs commises ne seraient pas reproduites. « La meilleure prévention possible, ce sont les gestes barrière contre le virus : le port du masque, l’observation de la distanciation sociale, et l’utilisation de gel hydroalcoolique », a soutenu Emmanuel Macron. « J’ai donc demandé qu’on rende obligatoire le masque dans tous les lieux publics clos, par exemple à partir du 1er août. » La concrétisation d’une revendication formulée par beaucoup de soignants depuis déjà plusieurs semaines. « Tout ça pour ça… », commente Hervé Marseille. « Il y a, depuis des semaines, des commissions d’enquête qui cherchent à comprendre pourquoi on ne l’a pas fait avant ; les maires qui ont tenté de le faire dans leurs communes ont été contrariés par les tribunaux ; et finalement Emmanuel Macron prend cette décision en juillet… On est loin du nouveau dessein. » « Le nouveau chemin c’était une grande interview dans la presse régionale, un remaniement et un entretien du 14 juillet. Les trois auront été sans perspective ni vision. Pour la réinvention on repassera… » a, quant à lui, commenté sur Twitter, le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau.
Abordant la question du plan de relance économique, le président de la République a réaffirmé qu’il était nécessaire de « se préparer collectivement pour défendre les emplois et soutenir l’activité. » Il a assuré qu’un certain nombre de mesures seraient prises, en concertation avec les partenaires sociaux. « Notre jeunesse doit être la priorité de cette relance », a soutenu Emmanuel Macron, détaillant la mise en place d’un plan d’accompagnement des entreprises pour permettre l’embauche facilitée des apprentis. Une annonce qui ne convainc pas tous les sénateurs. « J’ai entendu le mot « priorité » appliqué à tant de thématiques depuis le début du quinquennat… », lâche Eric Bocquet, sénateur communiste du Nord. « A force de prioriser tous les sujets, on n’en finalise vraiment aucun. Evidemment qu’il faut s’occuper des jeunes, mais je ne pense pas que ce soit le chemin pris par l’exécutif pour répondre à cette problématique aujourd’hui. »
Intégrer la lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution
Questionné sur le maintien de la réforme des retraites, annoncé par le Premier ministre quelques jours auparavant, Emmanuel Macron a confirmé son intention. « La réforme des retraites ne peut pas se faire comme elle était emmanchée, on va la remettre à la discussion et à la concertation. Je pense que la réforme du système universel par points est juste », a-t-il affirmé. « On n’apprend rien de nouveau », soutient le sénateur LR Alain Joyandet. On savait déjà qu’il souhaitait la maintenir en la modifiant quelque peu. Il lui faudra toutefois le faire avec beaucoup d’habileté, s’il ne souhaite pas obtenir les mêmes résultats que la première fois. »
Enfin, s’attardant sur la question de l’écologie, Emmanuel Macron a soutenu qu’il souhaitait bien inscrire « le plus vite possible » la lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution. Un référendum devrait donc être organisé pour permettre cette modification. « Intégrer la lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution est une bonne chose », soutient Esther Benbassa. « Mais le président évoque la rénovation thermique, l’absence de voitures dans les centre-villes, la généralisation du train… Des mesures pour lesquelles on se bat depuis des années. S’il ne l’a pas fait en trois ans, cela m’étonnerait qu’il entame une révolution écologique dans les deux années qu’il lui reste. » « Tout le monde a bien compris que l’écologie était au cœur du débat politique », réagit pour sa part Alain Joyandet. « Mais ce référendum, je ne suis pas certain que ce soit urgent. Ce qui l’est vraiment, c’est le plan de relance pour atténuer au maximum les effets économiques et sociaux de la crise sanitaire. »