Les sénateurs ont supprimé en commission des lois un article de la proposition de loi sur les violences conjugales visant à demander au gouvernement un rapport sur la prise en charge des victimes de violences dans les couples de même sexe. La sénatrice EELV Esther Benbassa, a déposé un amendement pour le rétablir. Amendement qui a été rejeté ce mercredi 10 juin. Elle a répondu aux questions de TÊTU.
TÊTU : Selon vous, qu’est-ce qui a motivé la suppression de l’article 15 de la proposition de loi sur les violences conjugales en commission des lois ?
Esther Benbassa : Je pense que c’est par conservatisme. À la commission, on a l’impression qu’il n’y aurait que les femmes qui seraient victimes de violences. L’idée même qu’il y ait des couples de même genre est probablement quelque chose qui les dépasse. J’ai insisté pour qu’on introduise cet aspect, qu’on y voie un peu plus clair, qu’on sache exactement quelle est la proportion de violences parmi les couples gays et lesbiens. Même si le taux est beaucoup plus bas, ce n’est pas une raison pour qu’on n’ait pas une perspective et qu’on ne voie pas plus clairement les choses. Ce conservatisme est parfois insupportable.
Les sénateurs LREM ont justifié la suppression de cet article en affirmant que recueillir des données relatives à l’orientation sexuelle serait contraire à la réglementation européenne. Estimez-vous que cet argument soit recevable ?
Et alors, qu’est-ce qu’on fait avec les femmes victimes de violences ? On les compte bien. Pourquoi on ne le ferait pas aussi pour les couples de lesbiennes ou d’homosexuels ? Je ne vois pas. On fait bien le calcul pour les femmes à partir du genre. Ce sont toujours des non-dits. Ensuite, ça devient un vrai problème et on commence à s’y pencher, et à ce moment-là souvent le mal est fait. Même si je reconnais que le nombre est inférieur à celui des femmes subissant des violences de la part de leur compagnon. Les hommes violents sont en général des pervers, on le sait, l’emprise relève d’une certaine perversité. Pourquoi les femmes ne pourraient pas elles-mêmes être perverses ?
Les députés qui ont introduit cet article dans la proposition de loi partent du constat que les dispositifs de prise en charge des violences conjugales sont parfois inadaptés aux violences subies dans les couples de même sexe. Partagez-vous ce constat ?
Je crois qu’il faut dépasser ces barrières qu’on s’impose. Il y a une situation de violences conjugales, alors il faut la prendre en considération. Sinon, c’est nier le fait que les couples lesbiens ou homosexuels puissent constituer des foyers. Il n’y aurait pas de violence conjugale parce qu’ils ne pourraient pas vivre ensemble. C’est la négation même de l’existence de couples du même genre. On ne pourrait pas être en couple parce qu’on n’est pas hétérosexuel. Ce n’est pas ce que les sénateurs ont dit mais ça relève de ça.
Vous avez déposé avec Laurence Cohen, Christine Prunaud et vos collègues du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) un amendement afin de rétablir l’article 15 du texte. Il a été rejeté. Pourquoi selon vous ?
Pour les mêmes raisons pour lesquelles l’article a été supprimé en commission : par conservatisme.