Question écrite n° 15371 de Mme Esther Benbassa (Paris – CRCE-R)
publiée dans le JO Sénat du 16/04/2020 – page 1782
Mme Esther Benbassa attire l’attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la situation de nos concitoyens dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), dans le cadre de la pandémie de coronavirus.
Depuis le début de la crise sanitaire liée au Covid-19 jusqu’au 9 avril 2020, la pandémie a tué 4 166 personnes dans les EHPAD sur les 12 210 morts que compte notre pays.
Actuellement, sur le territoire français, au moins 2 355 établissements ont constaté des cas de Covid-19 parmi leurs résidents. L’EHPAD de Mougins, près de Cannes, est par exemple particulièrement touché par le coronavirus. Sur ses 109 résidents, 35 sont déjà décédés et 33 autres ont été testés positifs. Les résultats du dépistage du personnel révèlent en outre que 14 des 50 employés de cette maison de retraite médicalisée sont infectés par le Covid-19. On peut citer bien d’autres établissements notamment dans le Grand Est ou à Paris.
Ces chiffres sont alarmants et probablement pas encore complets. Pendant des semaines, les autorités se sont contentées de publier le nombre de décès dans les hôpitaux, occultant la situation de nos aïeux dans les EHPAD.
Pourtant, le quotidien de ces établissements est tout simplement inhumain. Depuis maintenant près de six semaines, ceux-ci ont reçu pour consigne de cloîtrer chaque résident dans sa chambre, sans visites des proches, susceptibles d’introduire le virus dans ces lieux. Le personnel soignant, surchargé, ne peut dans ces conditions assurer le suivi social et sanitaire de chacun des résidents.
Par ailleurs, lorsque la situation du locataire contaminé s’aggrave, son transfert à l’hôpital n’est plus possible. Les personnes âgées ne sont donc plus prises en charge et décèdent, esseulées, dans leurs établissements sans que leurs familles puissent les accompagner dans ces derniers moments difficiles.
Il est souvent dit que la manière dont une société traite ses anciens en dit long sur son degré de solidarité. Il n’est pas acceptable que nos seniors subissent un tel désintérêt des autorités publiques. Des solutions concrètes doivent donc être trouvées.
Il a été annoncé par le ministère de la santé que des tests seraient réalisés dans tous les EHPAD de France. Des mots, il faudrait désormais passer aux actes. En effet, notre pays compte 7 200 lieux d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, pour 750 000 locataires. Avec le personnel soignant et à raison d’environ trois dépistages par personne afin d’obtenir des résultats fiables, ce sont pas moins de trois millions de tests qui devraient être mobilisés, afin de sécuriser les maisons de retraite. Or, pour l’heure, la France n’a la capacité de tester qu’environ 20 à 30 000 personnes par jour. Nous sommes donc bien loin du compte et il est à craindre qu’une fois encore, il soit nécessaire de trier nos concitoyens entre ceux qui pourront être dépistés et ceux qui seront laissés à l’abandon.
Sur quels critères s’effectuerait cette sélection ? Sur la gravité des symptômes d’un individu ? Sur l’âge ? Sur des critères territoriaux ? Peut-être même sur des critères sociaux ? Aucune de ces solutions n’est viable, ni juste, puisque chacune entraînerait le risque qu’un porteur sain non dépisté poursuive malgré lui la propagation du virus dans son entourage.
Ainsi, elle lui demande quelle va être la stratégie du ministère de la santé afin de réaliser un dépistage urgent et systématique des résidents et du personnel soignant des Ehpad, tout en palliant le volume insuffisant de la production de tests. Il est impératif qu’une solution soit trouvée. Il en va de notre identité en tant que Nation qui se doit de protéger chacun de ses citoyens, en particulier ses anciens. Si une solution n’était pas trouvée, serait commise une faute morale grave, qui marquerait la mémoire collective.
En attente de réponse du Ministère des solidarités et de la santé