Réforme des retraites : l’exécutif ne lâche qu’en apparence

Hier, Edouard Philippe a dit oui à une conférence sur l’âge pivot mais selon les confidences d’un ministre il n’entend pas le retirer pour autant du projet de loi.

« En Conseil des ministres, nous n’avons presque pas parlé des retraites, le vrai sujet a été la crise iranienne ». Cet aveu, fait par un secrétaire d’État, hier matin, à La Dépêche, en dit long sur l’état d’esprit du gouvernement alors qu’au même moment se tenaient d’énièmes négociations au ministère du travail. Fermeté et sérénité semblent être devenues, en ces temps de forte houle, les deux mantras du gouvernement.

En apparence, hier, l’exécutif a pourtant semblé ouvrir une porte à Laurent Berger. Le leader de la CFDT souhaite réunir une conférence de financement afin de sortir l’âge pivot du texte de loi actuellement discuté. « Je suis ouvert sur les modalités », assurait, hier, sur RTL, le locataire de Matignon. Peu après, il annonçait avoir proposé aux partenaires sociaux de se retrouver vendredi à Matignon pour déterminer le « contenu » d’une telle conférence. Pas assez pour Laurent Berger qui est ressorti, hier, des négociations au ministère du Travail en saluant « la volonté d’ouverture » du gouvernement mais estimant qu’il fallait continuer à se mobiliser. Il a annoncé que son syndicat serait sur les rangs en région, samedi, date de la manifestation choisie par l’intersyndicale. « Cette ouverture, il faut qu’elle aille plus loin en rejetant maintenant du projet de loi la question de l’âge pivot », a-t-il déclaré à l’issue des discussions.

Car si l’exécutif semble approuver, sur la forme, la proposition de la CFDT, il n’entend pas retirer l’âge pivot du projet de loi. « On ne lâchera rien. Ce serait une erreur car on nous reprocherait de ne pas dire comment on finance. On nous soupçonnerait de cacher un truc, ce serait une façon de propager les peurs. Et puis on ne va pas repartir pour 6 mois de négos », assurait, hier, à La Dépêche, un secrétaire d’État très proche d’Emmanuel Macron. Et d’ajouter : « On va voir si les syndicats réussissent à mobiliser jeudi et samedi, si ça n’est pas le cas on en sortira plus forts ».

En Conseil des ministres, lundi, le chef de l’État s’est, lui aussi, montré déterminé d’autant que les membres du gouvernement sont revenus de vacances en constatant que les grèves n’impactaient pas la province. « Il nous a dit : ce que j’ai entendu pendant mes vacances c’est : tenez bon ! », assure un participant à La Dépêche. À en croire ce ministre, proche du cœur du pouvoir, l’exécutif est prêt à faire perdurer le bras de fer encore trois semaines. « La paie de fin janvier, quand elle va tomber, va tout changer », assure-t-il, confiant, ajoutant « je ne vois pas d’issue avant ».

Le texte déjà au Conseil d’Etat

La réforme des retraites est-elle déjà sur les rails ? Alors que les concertations avec les partenaires sociaux reprenaient hier, Le Parisien révélait que le projet de loi a déjà été envoyé au Conseil d’État. Il serait même « rédigé à 95 % » indique au quotidien une source de l’exécutif. L’information a été confirmée par Marc Fesneau, ministre des Relations avec le Parlement. Mais il assure qu’il est encore possible « d’amender, corriger, apporter des compléments » et « de l’étoffer ». Selon lui, « les députés auront le dernier mot », le travail parlementaire permettant de compléter ou amender le texte.« On ne peut pas nous dire qu’il y a des négociations, qu’il faut trouver un compromis et aller au pas de charge », regrette Yves Veyrier, patron de FO. « Les concertations avec les partenaires sociaux, c’est pour amuser la galerie ? Quel mépris du peuple qui galère, qui fait grève et se mobilise pour une retraite juste ! », a renchéri sur Twitter la sénatrice écologiste Esther Benbassa, tout comme le député LR Daniel Fasquelle, qui s’interroge : « pourquoi, dans ces conditions, faire croire aux syndicats et aux Français que la négociation est encore ouverte ? » Le texte doit être présenté en Conseil des ministres le 24 janvier.