La ministre des Transports a pris la succession de François de Rugy au ministère de la Transition écologique et solidaire. Si son profil est souvent salué à droite, la gauche ne se fait pas d’illusion sur la politique environnementale.
Lorsque la nouvelle du départ de François de Rugy est tombée ce mardi après-midi, les sénateurs étaient aux premières loges, eux qui entamaient l’examen du projet de loi Énergie et climat. La remplaçante du ministre de la Transition écologique, la ministre chargée des Transports Élisabeth Borne, n’est pas une inconnue au palais du Luxembourg. L’ancienne présidente de la RATP a laissé des bons – et des moins bons – souvenirs aux parlementaires, lors de l’examen de ses deux réformes : le pacte ferroviaire et la loi d’orientation des mobilités (LOM).
À droite, la promotion d’Élisabeth Borne à un portefeuille de plein exercice est plutôt vue d’un bon œil. « J’accueille cette nomination avec bienveillance, très clairement. Je suis plutôt satisfait », commente le sénateur (LR) Michel Vaspart, estimant que ses collègues devraient lui présenter un « bon accueil ». L’élu des Côtes-d’Armor vante le côté « attentive » de celle qui devra incarner la politique environnementale du gouvernement. « C’est l’ancienne directrice de cabinet de Ségolène Royal [ministre de l’Environnement de 2014 à 2017]. Elle connaît bien ce ministère. Elle a un profil de technicienne, c’est évident, mais elle sait aussi être à l’écoute des élus locaux et du Sénat », souligne-t-il.
« J’en pense plutôt du bien »
L’avis n’est pas isolé au sein de la commission de l’Aménagement du territoire et du développement durable. « J’en pense plutôt du bien. Pour ma part, c’est une plutôt une bonne nouvelle », salue le sénateur (LR) Patrick Chaize. « J’ai toujours apprécié sa méthode, son écoute et sa volonté de comprendre aussi […] Elle était ouverte aux inquiétudes et aux attentes que chaque sénateur – quelle que soit leur sensibilité – pouvait avoir. » Le sénateur de l’Ain estime que la nouvelle ministre est « mieux placée » que ses prédécesseurs, François de Rugy et Nicolas Hulot, pour prendre en compte toutes les dimensions du développement durable, à savoir « le pilier économique » et le « pilier sociétal ». « Je pense qu’elle sera plus pragmatique, sûrement moins sexy pour les écologistes pure souche, mais avec des résultats sûrement plus rapides », conclut-il.
Sensible à la thématique environnementale, le sénateur Jean-François Husson (LR), s’il salue une « sécurité en termes de compétence », jugera néanmoins sur les actes, notamment au moment de la discussion budgétaire de l’automne. « Est-elle bien placée ? On verra bien. Je lui souhaite de réussir. Je jugerai la méthode, la feuille de route, le contenu et les moyens […] Il faut arrêter de planquer des choses et travailler à livre ouvert […] Et rassembler le plus de Français possible : cela veut dire changer de méthode ». Les sénateurs n’ont pas oublié les arbitrages financiers de l’an dernier, et le fléchage d’une partie de la taxe sur les carburants au budget général de l’État. L’auteur du rapport sur le coût de la pollution atmosphérique espère désormais avec l’arrivée d’Élisabeth Borne une installation durable à l’Hôtel de Roquelaure, le siège du ministère. « Le plus important, c’est de mettre fin à une période d’instabilité ministérielle sur les femmes et les hommes. »
« Comment réussirait-elle ? »
Sur les bancs les plus au centre du Sénat, le profil rassure également. « Je connais sa capacité à affronter les sujets d’avenir pour avoir travaillé en proximité avec elle sur le projet de loi mobilités », applaudit le sénateur (Les Indépendants) Alain Fouché. Le sénateur de la Vienne semble avoir gardé un bon souvenir de celle qui fut préfète de son département. Au groupe La République en marche, sans surprise, la nouvelle ministre est acclamée. « Femme de convictions, ses grandes compétences seront plus qu’utiles à un tel poste », appuie le président du groupe, François Patriat. Le sénateur estime que cette nomination « marque un engagement fort du gouvernement » pour la Transition écologique.
À gauche, en revanche, les critiques, sinon les réserves, s’étalent au grand jour. « Bien sûr Élisabeth Borne devra être jugée sur ses actes. Mais comment réussirait-elle, là où des personnalités à l’engagement écologiste ancien ont échoué face au défaut de volonté du Président et du Premier ministre ? » s’interroge le sénateur (apparenté PS) Bernard Jomier. Le socialiste Rémi Féraud, observe qu’avec la démission de Gérard Collomb (à l’Intérieur) mais aussi les deux derniers ministres de la Transition écologique, plus aucun membre du gouvernement n’est ministre d’État, titre honorifique témoignant du poids politique reconnu à un portefeuille ministériel. « L’expérience n’ayant pas été concluante depuis le début du quinquennat Macron, le titre de ministre d’État est supprimé. Mais espérons surtout que l’#écologie devienne enfin une priorité de la politique gouvernementale ! » lâche le sénateur parisien.
« Élisabeth Borne championne des privatisations »
Chez les écologistes du Sénat, l’instabilité à l’hôtel de Roquelaure génère une forme de lassitude. « En sept ans, depuis mai 2012, nous aurons donc eu six ministres de l’écologie. On attend la nomination du septième. Dans ce pays, l’écologie n’est jamais un combat de longue durée, mené dans la constance et la continuité. Hélas », se désole la sénatrice (Europe Écologie-Les Verts), Esther Benbassa. Son collègue Guillaume Gontard partage son impatience. « Nicolas Hulot nous a fait espérer. François de Rugy nous a désespérés. Élisabeth Borne ne va rien changer. À la fin c’est l’écologie qui trinque », résume-t-il sur Twitter.
Quant aux communistes, la réforme de la SNCF est encore dans toutes les mémoires. « La ministre Élisabeth Borne, qui rajoute 25.000 camions sur les routes en supprimant le fret Perpignan-Rungis, est nommée à l’Écologie pour remplacer De Rugy », s’indigne Laurence Cohen. « Élisabeth Borne championne des privatisations et ouverture à la concurrence dans le secteur des transports (SNCF, RATP) a fini le boulot ! Maintenant elle va s’attaquer au secteur de l’énergie et à EDF », craint le sénateur Fabien Gay.
Le projet de loi sur l’énergie et le climat, qui doit servir de base pour la transition écologique et les investissements d’avenir dans les énergies vertes, servira de baptême de feu pour la nouvelle ministre de l’Écologie, qui défend le projet de loi dès cet après-midi au Sénat, quelques minutes après sa passation de pouvoir.
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