La France va-t-elle enfin se mettre au cannabis thérapeutique ?

Ce mercredi 26 juin, l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) remet un rapport historique ouvrant la porte à deux ans d’expérimentation du « cannabis thérapeutique » et une commercialisation en pharmacie pour 2020.

C’est un « interminable débat » français, pour reprendre l’expression de l’INA. Depuis le début des années 80, la France se demande si le cannabis thérapeutique est, oui ou non, quelque chose d’envisageable, de positif pour les personnes souffrant d’une maladie très douloureuse comme une sclérose en plaques ou un cancer.

Le problème est avant tout culturel – vous avez vu le même débat sur les opiacés que les Français consomment de plus en plus ? Le cannabis, c’est mal vu. En France, on fume des clopes, on boit du pinard et on prend des médocs. Point de salut dans le joint.

C’est bien là qu’est l’essentiel du problème avec le « cannabis thérapeutique » : on ne va pas l’acheter chez le dealer du coin de la rue, on ne le fume pas, ça n’est ni de la résine ni de l’herbe, c’est de la chimie ! Contre toute science, tout sondage d’opinion, le cannabis thérapeutique demeure interdit en France parce que « cannabis ». Même les médecins se montrent excessivement prudents, par peur que le cannabis thérapeutique ne serve de cheval de Troie vers la légalisation du cannabis dit « récréatif ».

Or, tout ce qui est intéressant ici, c’est la molécule de THC. Certains experts demandent d’ailleurs à ce que l’on cesse de dire « cannabis thérapeutique » pour préférer l’expression « THC médical », moins connotée drogue. D’autant qu’on estime à plus de 250.000 personnes consommant déjà quotidiennement du cannabis thérapeutique en France – ils sont d’ailleurs traités comme des criminels, des narcotrafiquants.

THC ou opiacés, il faut choisir

Ceux qui bloquent l’ouverture du cannabis thérapeutique se rendent indirectement comptables de la consommation, dangereuse et légale, d’opiacés. Aux Etats-Unis, cette crise sanitaire est devenue une plaie sans précédent. Non seulement ces médicaments – bien plus proches de l’héroïne que le cannabis thérapeutique n’est comparable à un joint – ne sont pas efficaces, mais ils rendent les patients accros, quand ceux-ci ne finissent pas par faire une overdose : 200.000 morts sont déjà à déplorer ces dernières années. Est-ce donc le scénario que la France souhaite ? Nous sommes déjà un des plus gros consommateurs d’anxiolytiques…

Si l’ANSM autorise aujourd’hui une expérimentation de deux ans du cannabis thérapeutique, il faudra encore répondre à diverses questions : d’où vient le THC ? Qui le produit ? Comment sera-t-il prescrit ? Sera-t-il accessible à ceux qui en ont besoin ? Sera-t-il remboursé ? « Les plus pauvres doivent-ils souffrir plus que les plus riches ? », pour reprendre les mots de la sénatrice écolo Esther Benbassa. Reste juste à obtenir l’aval du ministère de la Santé…

Vous n’imaginez pas les bienfaits du THC

Le 28 mai dernier, Esther Benbassa organisait une conférence à ce sujet. Des années qu’elle lutte pour que la France progresse vers le cannabis thérapeutique et, enfin, la victoire semble poindre. Le Sénat, pourtant dominé par la droite conservatrice, peu encline à ce genre de sujets, y est très majoritairement favorable. En réalité, nous explique la sénatrice, l’accélérateur a été la bonne volonté de l’exécutif : Agnès Buzyn, ministre de la Santé, ainsi que le Premier ministre Edouard Philippe n’y sont « pas opposés ».

Pour mieux comprendre l’utilité du cannabis thérapeutique, il faut entendre le témoignage d’une personne atteinte d’une grave maladie nécessitant d’importants antidouleurs. Dans la salle est présente Mado Gilanton, porte-parole du collectif Espoir (Im)patient. Après une lésion de la moelle épinière, sa vie n’est que souffrances incommensurables. Les médicaments ne l’apaisent pas, il la déconnecte. Soit son esprit est ailleurs, soit son corps lui est insupportable. C’est en quelque sorte son fils qui va la sauver d’un suicide inévitable. Simplement en lui roulant un joint. La sensation est immédiate : la douleur s’estompe.

Voilà tout ce que ces gens demandent : un médicament contenant la molécule du cannabis, le THC, à une dose juste pour vivre en paix, sans drogue. Il est temps.

 

Loïc Le Clerc