A la prison d’Alençon, une nouvelle preuve du fiasco de la lutte contre la radicalisation

Au centre pénitentiaire de l’Orne, l’attentat montre qu’il faut en finir avec les colloques mais allouer des moyens et créer de vrais systèmes d’évaluation.

A l'entrée du centre pénitentiaire d'Alençon, à Condé-sur-Sarthe, le 5 mars 2019.

JEAN-FRANCOIS MONIER via Getty Images
A l’entrée du centre pénitentiaire d’Alençon, à Condé-sur-Sarthe, le 5 mars 2019.

Dans ces mêmes colonnes, en janvier 2018, j’attirais l’attention sur la situation de nos prisons face à la radicalisation des détenus.

Je mentionnais d’ailleurs très largement la situation de la prison de haute sécurité d’Alençon-Condé, aujourd’hui au cœur de l’actualité avec l’ignoble attaque subie par deux gardiens de la part d’un détenu converti, radicalisé, retranché dans l’unité de vie.

Bien sûr, mon soutien va d’abord aux personnels pénitentiaires, mais c’est la colère qui domine. La colère de n’être pas entendue, la colère de n’être pas écoutée, la colère de l’inertie du système une fois les grèves des personnels passées.

Nous péchons par naïveté, nous péchons par inefficacité, nous péchons par autosatisfaction.

Le budget de la justice n’est pas à la hauteur des enjeux. Quant à notre système pénitentiaire, il est au bord de la crise de nerfs.

Le Comité Interministériel de Prévention contre la Délinquance et la Radicalisation-CIPDR ne produit rien, pour une simple et bonne raison, c’est que nous n’avons toujours pas mis en place les outils d’évaluation réclamés par beaucoup d’entre nous.

Le fiasco de la lutte contre la radicalisation a été largement démontré par mes collègues Catherine Troendlé et Esther Benbassa, dans un rapport fait au nom de la Commission des Lois.

Nous sommes nombreux à nous époumoner dans l’indifférence avec un sentiment d’impuissance face aux besoins évidents, aux nécessités absolues du terrain.

Les gilets jaunes et grands débats occupent le terrain, rejoints aujourd’hui par la campagne lancée par le Président de la République pour les élections européennes, qui veut lancer « une agence européenne de protection des démocraties ».

La première des libertés est la sécurité et, comme je l’écrivais en janvier 2018, il ne faut pas de commissions d’enquête, pas de colloques et pas d’Etats généraux, cette fois il faut des mesures fortes et déterminées pour marquer notre soutien indéfectible aux personnels pénitentiaires qui assurent notre sécurité.

Il faut aussi en finir avec les palabres et les colloques sur la lutte contre la radicalisation et mettre en place des vrais systèmes d’évaluation.

Ça fait si longtemps que nous le demandons.

Il faut aussi donner les moyens de lutter contre la radicalisation avec fermeté.

L’attaque d’aujourd’hui est bien la preuve que les marches diverses pour les grandes causes ne servent à rien, c’est bien la preuve que les commémorations et les bons sentiments sont sans effet sur ces terroristes. Il faut bien accepter le fait que nombre d’entre eux sont perdus pour la réinsertion.

Comme je l’ai déjà indiqué, je ne crois pas à la lutte contre la radicalisation, je crois à la prévention, mais ce n’est pas le sujet du jour.

Le sujet du jour est le suivant: depuis 4 ans et les attentats de Charlie, quels budgets ont été consacrés aux prisons et à la lutte contre la radicalisation en milieu fermé?

La réponse, pas assez!

La question est quelles mesures ont été prises pour faciliter le recrutement et le statut d’aumôniers des prisons?

La réponse, pas assez!

La question est quel budget pour les formations des personnels pénitentiaires face à la radicalisation?

La réponse est pas assez!

Combien de temps va-t-on pécher par délit de naïveté et ne pas réintroduire pour ces terroristes dangereux la fouille au corps et des dispenses de la réglementation européenne en matière de droit des détenus?

Le premier droit en milieu carcéral est celui de la sécurité des personnels.

Et puis l’attentat d’aujourd’hui percute une autre actualité, celle du traitement des jihadistes de retour de Syrie et d’Irak, ceux que Mathieu Delahousse appelle les « encombrants », plutôt que les revenants.

A titre personnel, je me suis beaucoup exprimée contre leur rapatriement en France pour y être jugés, en raison notamment de la situation générale de notre système judicaire et carcéral, incapable d’absorber de nouveaux détenus radicalisés qui apparaîtront à leurs pairs dans leurs divisions comme des caïds, des héros du Califat.

Et bien l’attentat d’aujourd’hui me donne raison.

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