Le 12 février, le Sénat examinait en deuxième lecture le projet de loi Réforme de la Justice.
Esther Benbassa est intervenue dans l’hémicycle à cette occasion pour défendre divers amendements.
Défense d’amendement de l’article additionnel après l’article 32 :
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes cher.e.s collègues,
Le présent amendement vient ajouter un article permettant la présence de l’avocat lors de la perquisition.
Alors que sa présence est prévue dans le code de procédure pénale pour les visites domiciliaires, un vide juridique subsiste quant à la possibilité pour celui-ci d’être présent lors de la perquisition pénale. Nous proposons ainsi de mettre fin à cette absence et aux incertitudes qui en résultent, notamment au regard de la législation européenne.
En effet, la directive 2013/48/UE de 2013 relative au droit du justiciable énonce qu’« avant qu’ils ne soient interrogés par la police ou par une autre autorité répressive ou judiciaire, les suspects ou les personnes poursuivis ont accès à un avocat sans retard indu ».
Au-delà de la mise en conformité avec le droit communautaire, la présence de l’avocat, auxiliaire de justice, est une mesure de bon sens, contribuant à la transparence et au bon déroulement de la perquisition. Elle ne saurait de ce fait être perçue comme une obstruction à la procédure pénale et judiciaire.
Permettant de prévenir toutes dérives au cours des perquisitions, la présence de l’avocat nous semble pertinente. Le présent amendement va en ce sens.
Je vous remercie.
Défense d’amendement de l’article 37 :
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes cher.e.s collègues,
Le présent article traite de l’application d’une procédure d’amende forfaitaire au délit d’usage illicite de stupéfiants.
Cette mesure a été présentée par le ministre de l’Intérieur comme une réponse permettant de simplifier le travail des forces de l’ordre et de la justice et afin d’automatiser les peines en la matière.
Le principe d’individualisation de la peine est ici bafoué et la mesure octroie un pouvoir arbitraire aux forces de l’ordre, chargées d’appliquer la contravention. Ils pourront de ce fait sanctionner sans limites et au plus grand mépris des droits des personnes suspectées.
En plus d’augmenter les inégalités des citoyens devant la loi, cette mesure est dénuée de toute réflexion sur les questions relatives à la santé publique, pour ce qui a trait à la prévention et au traitement de l’addiction.
Le seul effet de l’amende sera d’aggraver par une sanction pécuniaire une situation souvent déjà précaire : nous savons que les comportements de consommation sont diversifiés et divergent entre les milieux paupérisés et les milieux mondains.
Ce dispositif, en plus d’accroître le millefeuille législatif en matière de répression de l’usage des stupéfiants, semble inefficace compte tenu de l’impossibilité juridique d’appliquer une amende forfaitaire délictuelle pour les mineurs. Elle sera donc dénuée de tout effet de dissuasion de la consommation chez les populations les plus jeunes.
Cette mesure, mes chers collègues, est rétrograde, c’est pourquoi nous demandons la suppression de l’alinéa 2 de l’article 35. Englobant tous les stupéfiants, il paraîtra répressif pour les uns et laxiste pour les autres.
Je vous remercie
Défense d’amendement de l’article 45 :
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes cher.e.s collègues,
Au sein de l’article 45 que nous examinons aujourd’hui, l’alinéa 38 prévoit la suppression de l’automaticité de la procédure d’examen des peines d’emprisonnement d’une durée inférieure à deux ans, en vue d’un aménagement de peine.
En effet, les articles 474 et 723-15 du Code de procédure pénale prévoient l’examen par le juge d’application des peines selon la situation des personnes condamnées pour des courtes incarcérations en vue, de leur proposer une peine alternative à l’emprisonnement.
Rappelons donc que l’individualisation de la peine est le principe en matière d’exécution des sentences et que l’incarcération doit être considérée comme le dernier recours. Ce principe, inscrit à l’article 132-1 du code pénal est purement occulté par notre gouvernement.
Pourtant, nous le savons, la courte incarcération a des effets délétères sur la personne condamnée. Elle peut également être parfois la cause de suicide chez les personnes les plus vulnérables, à l’instar de ce jeune homme de 25 ans, condamné à une courte peine de prison pour délit de fraude dans les transports en commun, qui s’est donné la mort dans sa cellule de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis quelques jours avant sa sortie.
Adeline Hazan a rappelé à ce sujet que les politiques publiques doivent « avoir le courage d’instaurer un système de régulation carcérale, en s’interrogeant enfin sur le sens des très courtes peines » et en développant des mesures alternatives à l’incarcération.
Nous ne pouvons que regretter le parti pris de l’exécutif et le recul net de tous nos principes fondateurs en matière de pénologie.
Nous proposons en conséquence de supprimer l’alinéa 38 de l’article 45.
Je vous remercie