Le conseiller spécial d’Emmanuel Macron a annoncé sa démission, expliquant vouloir se consacrer à des projets personnels. Mais cela ne convainc pas l’opposition, qui lie ce départ à l’affaire Benalla.
Il était l’homme de l’ombre d’Emmanuel Macron. Le conseiller spécial du président de la République, Ismaël Emelien, a annoncé sa démission de l’Elysée, lundi 11 février. Auprès du Point, il a justifié son départ – qui prendra effet au mois de mars – en affirmant vouloir se consacrer à des projets personnels, notamment la sortie d’un livre.
Une explication qui ne convainc pas l’opposition. « Soit il rentre en politique parce qu’il y a un affaiblissement du personnel d’En Marche pour jouer d’autres rôles, soit il est pris dans l’affaire Benalla », affirme le député LFI Alexis Corbière, interrogé par franceinfo. Même son de cloche pour Esther Benbassa, sénatrice EELV de Paris, membre de la commission des Lois, qui enquête sur l’affaire Benalla. « Il doit y avoir des raisons. Personne ne part pour un livre », ajoute la sénatrice, soupçonnant que la démission d’Ismaël Emelien est due à la crainte d’une prochaine mise en examen. Franceinfo passe au crible les dossiers gênants pour le futur ex-conseiller.
Les polémiques suscitées par ses formules
On doit à Ismaël Emelien la paternité de beaucoup de formules d’Emmanuel Macron, dont le célèbre « Make our planet great again ». Il est aussi à l’origine du moins heureux « premiers de cordée », expression prononcée en 2017 pour justifier la suppression de l’ISF, qui lui a valu les critiques de ceux qui y ont vu les mots d’un « président des riches ».
Je demande à ceux qui réussissent d'être des premiers de cordée, de s'engager pour la société. #LeGrandEntretien #TF1EMacron pic.twitter.com/iPZZUNg9HE
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) October 15, 2017
« Le président achète ou pas, mais Ismaël doit être capable de faire une palette de propositions qui pousseront le curseur de l’audace et du risque au maximum », avait justifié auprès du Monde, son ami Stanislas Guerini, actuel patron de La République en marche.
Installé au deuxième étage de l’Elysée, dans l’ancien bureau d’Emmanuel Macron quand il était secrétaire général adjoint de François Hollande, Ismaël Emelien était la boîte à idées du chef de l’Etat. Jusqu’à la provocation, lorsqu’il suggère en juin la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo où Emmanuel Macron parle des aides sociales qui coûtent, selon lui, « un pognon de dingue ».
Ismaël Emelien, qui a fait ses classes auprès du directeur des études de l’agence de communication Havas, Gilles Finchelstein, est allergique aux projecteurs. « Ismaël a théorisé son métier comme un métier de l’ombre. C’est à la fois une question de conviction et de prédisposition », souligne un ami, interrogé par l’AFP. Un autre proche complète : « Il considère qu’il ne faut pas révéler les cuisines, que l’on ne montre pas ce qu’il y a derrière le rideau ».
L’affaire de la vidéosurveillance du 1er mai
Ismaël Emelien a été directement mis en cause depuis qu’Alexandre Benalla a affirmé aux enquêteurs lui avoir transmis des vidéos obtenues illégalement. Tout commence le 18 juillet, lorsque Le Monde révèle la participation d’Alexandre Benalla à l’agression de deux manifestants, le 1er-Mai, sur la place de la Contrescarpe. Dans la soirée, un policier remet à Alexander Benalla des images de vidéosurveillance montrant la scène sous un autre angle, pour riposter aux accusations du journal. Dans la soirée, ces images ont été diffusées sur Twitter par plusieurs comptes soutenant La République en marche avant d’être supprimées.
Comment ces images se sont-elles retrouvées sur les réseaux sociaux ? Interrogé par Le Monde, Alexandre Benalla a reconnu avoir remis une copie de la vidéosurveillance de la place de la Contrescarpe à « un conseiller communication » du Palais, avant d’ajouter : « Je crois qu’ils ont essayé de la diffuser et de la fournir à des gens, pour montrer la réalité des faits. »
D’après Mediapart (article payant), le bornage téléphonique laisse penser qu’Ismaël Emelien est la personne qui a récupéré ce fameux CD-ROM dans la nuit du 18 au 19 juillet. Si l’enquête le confirme, l’ancien conseiller spécial d’Emmanuel Macron pourrait être mis en examen – comme c’est déjà le cas d’Alexandre Benalla – pour « recel de détournement d’images issues d’un système de vidéoprotection » et « recel de violation du secret professionnel ». Des faits punis d’un maximum de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.
L’affaire des enregistrements de Benalla
Jeudi 31 janvier, Mediapart publie des enregistrements d’une discussion entre Alexandre Benalla et Vincent Crase, tous deux mis en examen pour les violences de la place de la Contrescarpe et cités dans l’affaire du contrat russe. D’après le site d’information, la conversation a eu lieu le 26 juillet dernier, alors que leur contrôle judiciaire interdisait aux deux hommes d’entrer en contact.
Sur les bandes, Alexandre Benalla se targue d’être soutenu par Emmanuel Macron et Ismaël Emelien, qui le « conseille sur les médias et compagnie. » Après la révélation de ces enregistrements, l’Elysée a démenti qu’Ismaël Emilien ait géré la communication de l’ancien collaborateur d’Emmanuel Macron.
Cette affaire a connu un retentissement inédit, au début du mois de février, quand des policiers ont tenté de perquisitionner les locaux de Mediapart. Cette perquisition a été menée dans le cadre d’une enquête du parquet de Paris pour « atteinte à l’intimité de la vie privée » et « détention illicite d’appareils ou de dispositifs techniques de nature à permettre la réalisation d’interception de télécommunications ou de conversations », autrement dit sur les conditions dans lesquelles ces enregistrements ont été réalisés. Les journalistes ont refusé la perquisition, dénonçant une « manœuvre (…) pour trouver les sources de Mediapart et les tarir ! »
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