Face à Macron, les sénateurs de l’opposition se posent en « gilets jaunes des institutions »

– Eric Beracassat / AFP Only France

Face à Macron, les sénateurs de l’opposition se posent en « gilets jaunes des institutions »

Dans sa lettre aux Français en vue du grand débat national, Emmanuel Macron a évoqué la possibilité de transformer le Sénat, alors que les gilets jaunes ont déjà proposé sa suppression dans leurs revendications. De quoi sérieusement irriter les sénateurs de droite comme de gauche…

Vent de colère dans les couloirs du Palais du Luxembourg. Dans sa lettre aux Français en vue du grand débat national, Emmanuel Macron avance 35 questions plus ou moins précises, dont une éventuelle transformation du Sénat : « Quel rôle nos assemblées, dont le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental, doivent-ils jouer pour représenter nos territoires et la société civile ? Faut-il les transformer et comment ? ». Or, dans leurs revendications, les gilets jaunes prônaient déjà la suppression pure et simple du Sénat, marronnier du débat institutionnel. Les sénateurs de l’opposition ont bien sûr fait le lien, accusant comme François Grosdidier (LR) le chef de l’Etat de faire de la « démagogie populiste ».

« Le Président n’aime pas le Sénat »

Les sénateurs de l’opposition voient en effet dans ce passage de sa lettre une menace voilée de la part d’Emmanuel Macron, de nuire au Sénat qui s’est par exemple engagé à aller au bout de la Commission d’enquête sur l’affaire Benalla, et s’est aussi opposé à plusieurs reprises à sa politique. « Le président de la République n’aime pas le Sénat. C’est son aiguillon. Nous avons osé faire cette fameuse commission Benalla et aller jusqu’au bout du problème. Le président de la République n’aime pas les gilets jaunes. Et le Sénat, pour ce gouvernement, est un peu le gilet jaune des institutions », estime Alain Houpert, sénateur LR de la Côte-d’Or.

« Emmanuel Macron s’en prend au Sénat. Il a raison. Pas de Sénat, pas de commission d’enquête, pas d’affaire Benalla, personne pour révéler l’amateurisme, l’arbitraire et les copinages qui semblent être la règle à l’Elysée », ironise la sénatrice écologiste Esther Benbassa sur son compte Twitter.

Les sénateurs de l’opposition dénoncent, vent debout, une « attaque contre le bicamérisme ». Et pour cause, ni le rôle de l’Assemblée nationale, ni celui du président de la République ne sont évoqués dans la même lettre aux Français. « Toute l’architecture des pouvoirs doit être repensée et l’équilibre des pouvoirs mieux assuré […] », a réagi la sénatrice UDI de l’Orne, Nathalie Groulet.

« Depuis le début de la Ve République, le Sénat, c’est le poil à gratter de l’exécutif et de l’administration centrale, a analysé le sénateur LR François Grosdidier sur Public Sénat. Un ministre sait toujours comment son texte va ressortir de l’Assemblée, puisque l’Assemblée vote comme le gouvernement. Un ministre ne sait jamais comment son texte va ressortir du Sénat […] donc c’est vachement insécurisant ». Pour le sénateur de Moselle, Emmanuel Macron « semble vouloir reléguer le Sénat au rang d’une assemblée consultative ».

Porte-voix des territoires

De nombreux sénateurs de l’opposition accusent le Président de « jeter en pâture » la Haute Assemblée dans le débat national, selon les mots de Patrick Kanner, président du groupe PS. Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, a quant à lui tenu à rappeler sur RMC que « c’est le Sénat qui porte la voix des territoires ». Et d’ajouter, sourire au coin des lèvres, à ceux des gilets jaunes qui souhaiteraient sa disparition que « c’est le Sénat qui, dès 2017, avait dénoncé l’augmentation de la fiscalité écologique ». Un discours repris par bon nombre de sénateurs… « Je dis aux gilet jaunes que l’assemblée qui a supprimé la fiscalité sur le gazole pour le budget 2019, c’est le Sénat », a renchéri Alain Joyandet.

Lors d’une conférence de rentrée ce jeudi 17 janvier, le président du Sénat Gérard Larcher a expliqué s’être entretenu avec Emmanuel Macron lundi sur la question de la transformation du Sénat, lors d’un déjeuner avec Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, Patrick Bernasconi, président du Cese, et Edouard Philippe : « J’ai rappelé au Président de la République […] qu’aucune révision constitutionnelle ne se fera sans le strict respect des dispositions prévues par la loi fondamentale. Qu’on se le dise, c’est dit ! ».

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