PARIS – Dans le très chic 16e arrondissement de Paris, au 51 boulevard Exelmans, un centre d’hébergement pour réfugiés et sans-abri a ouvert fin septembre 2018. Passé inaperçu dans un premier temps, il attise désormais la colère des riverains.
Loin de l’image peu attrayante que peuvent avoir certaines structures d’hébergement, celui du 16e se fond dans la déco. Le centre s’est installé dans les anciens locaux de la caserne de gendarmerie libérée cette année. Il a officiellement ouvert ses portes le 20 septembre, sans provoquer dans un premier temps de réactions des riverains. Mais le calme n’a pas duré bien longtemps.
« A la lumière de l’expérience réussie (du centre pour sans-abri ouvert en 2016, ndlr), je pensais que l’ouverture d’un deuxième centre dans le 16e ne susciterait pas de problème. Manifestement, il reste encore un peu de chemin à parcourir », a tweeté le 18 octobre Ian Brossat, adjoint à la mairie de Paris en charge du logement, après avoir diffusé une lettre reçue le 5 octobre d’un collectif de riverains.
Tout se passe bien depuis l'ouverture.
Aucun incident, aucun problème, aucune difficulté.
C'était sans compter avec une association de riverains qui vient de nous transmettre cette lettre ouverte… pic.twitter.com/RiXCwOwe08— Ian Brossat (@IanBrossat) October 18, 2018
Des riverains mal informés?
Le centre d’hébergement à destination des demandeurs d’asile, réfugiés statutaires et familles sans-abri, a ouvert le 20 septembre 2018. Situé dans les locaux de l’ancienne caserne, il se compose de 6 bâtiments mêlant logements et espaces collectifs. Les appartements, qui vont du studio au F4, sont composés d’une cuisine, d’une salle de bain et d’une ou plusieurs chambres occupées par deux personnes maximum chacune.
Actuellement, 250 personnes occupent déjà les lieux. Une arrivée qui s’est faite dans la « précipitation », comme le reconnait avec quelques regrets le directeur du site William Dufourcq, pour l’association Aurore. « L’accueil s’est fait en 15 jours, alors qu’il aurait dû se faire en un mois », explique-t-il au HuffPost, en confiant qu’il en est encore à recruter des membres pour composer son équipe.
A terme, William Dufourcq espère mettre en place un véritable centre d’hébergement, qui propose également une partie formation et intégration. « L’ennemi public numéro 1, c’est l’oisiveté », explique le responsable, alors que certains hébergés disputent une partie de football dans la cour. Comme pour appuyer cette déclaration, un Nigérien, arrivé dans le centre la veille, nous confie qu’il n’ose pas sortir, faute de vêtements et surtout de chaussures adaptées. Des cours de français et d’informatique doivent donc être mis en place d’ici peu, ainsi qu’une épicerie solidaire. « Les personnes hébergées restent tant qu’elles n’ont pas de logement », explique William Dufourcq.
Mais le centre d’hébergement Exelmans a-t-il mis les riverains devant le fait accompli, comme ils le dénoncent dans leur courrier? En réalité, la possibilité de réquisitionner la caserne dans ce but avait été évoquée par Ian Brossat dès novembre 2017. Dans sa réponse au collectif de riverains, l’adjoint d’Anne Hidalgo signale même que l’adresse « avait été proposée par le député maire du 16e (…) et ce, dès 2016. » L’idée a ensuite été soumise au Conseil de Paris, qui l’a actée.
Toutefois, l’idée soumise à l’époque n’était pas exactement celle qui a été mise en place cette année. Le centre avait été prévu pour accueillir des femmes, qui représentent « un cinquième des sans-abri », comme le soulignait la mairie de Paris. Ce que rappelle également, Arnaud D., gérant de l’épicerie qui fait face à l’ancienne caserne. « Au début, on nous avait présenté le projet pour accueillir des femmes seules. Ce n’est pas le cas », souligne le gérant au HuffPost. Et s’il se désolidarise totalement de la lettre transmise à la mairie, il regrette cependant l’absence de mixité du centre, ainsi que le manque de préparation en amont des riverains, qui aurait sans doute permis « de faciliter les choses ».
Une « concentration très largement masculine »
Effectivement, sur les 250 personnes actuellement hébergées, tous sont des hommes: des demandeurs d’asile, des réfugiés statutaires qui ont obtenu l’asile et un titre de séjour mais sont sans emploi ni logement, et aussi des sans-abri, dont certains, après de longues années dans la rue, sont gravement malades.
Les quelques femmes que nous avons croisées sur place font partie des familles temporairement accueillies, par manque de place ailleurs. La partie familiale du centre, qui dispose de 50 places pour des familles sans-abri (et donc pas uniquement des réfugiés), ne doit ouvrir que le 1er novembre. Ce manque de mixité est d’ailleurs déploré par William Dufourcq. « C’est un choix de la préfecture », nous explique-t-il, affirmant avoir déjà fait part de ses regrets et reconnaissant que la présence d’hommes uniquement crispe les relations avec les voisins.
Toutefois, lorsqu’on évoque les « rassemblements dans les chambres et dans la rue pour fumer du hachich et boire de l’alcool », dénoncés par le collectif de riverains, William Dufourcq est catégorique: depuis l’ouverture du centre, il n’y a eu aucun incident. Un avis que corrobore Arnaud D., qui souligne qu’il voit « tous les jours » dans son épicerie les personnes du centre. « Ils sont très gentils et pour l’instant, ils ne dérangent pas. Ils viennent acheter ce dont ils ont besoin, parfois, il leur manque un euro, on les laisse partir avec les produits et ils reviennent toujours après pour payer », affirme-t-il. « On ne les voit jamais en train de fumer ni de boire. » Pour subvenir à leurs besoins, les personnes sans ressource se voient remettre la somme de 6 euros par jour, fournie par l’association.
Une solidarité malgré tout pour le centre Exelmans
Structure « temporaire », le centre Exelmans n’a pas vocation à s’implanter durablement dans le quartier. Mais en attendant, Ian Brossat n’entend pas « dévier » de son projet. « L’implantation d’un centre d’hébergement d’urgence en bordure du Bois de Boulogne en novembre 2016 a apporté la preuve, malgré la bronca initiale des riverains, que l’accueil de sans-abri ne posait aucun problème de sécurité particulier. Ceux qui protestaient avec véhémence (…) participent même, pour certains d’entre eux à la bonne marche de l’établissement », souligne l’élu dans sa lettre.
Et en dépit de la lettre des riverains, William Dufourcq raconte d’ailleurs qu’il n’a pour l’instant pas été confronté à des difficultés avec eux, et dit même avoir reçu « un bon accueil ». « Un bistrot nous a donné des tables, des gens nous ont donné des vêtements », affirme-t-il.
A la demande du voisinage, une réunion d’information sera cependant organisée avec les services municipaux et l’association. Selon nos informations, elle devrait se tenir le 23 octobre prochain, en espérant qu’elle ne tourne pas à l’émeute comme ce fut le cas lors du précédent en 2016.
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