« «Solidarité» ou «laxisme» : l’accueil d’exilés de l’Aquarius divise la classe politique » (Le Parisien, 14 août 2018)

A droite comme à gauche, la décision française d’accueillir 60 exilés secourus en Méditerranée ne convainc pas. Pour des raisons radicalement opposées.

Après cinq jours d’errance, le navire humanitaire l’Aquarius va pouvoir accoster à Malte. La France accueillera 60 exilés secourus au large de la Libye, a annoncé l’Elysée ce mardi. Une décision qui fait réagir l’ensemble de la classe politique.

« Démagogie sauce Salvini »

Sans surprise, les membres de La République en Marche saluent la décision des autorités françaises. Beaucoup opposent deux visions de l’Europe. « La politique de la communication pure, la démagogie à la sauce Salvini » contre « l’action, celle voulue par la France dans laquelle l’Europe assume son rôle et notre pays sa solidarité », pour Christophe Castaner, patron de LREM.

Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, y voit une « réponse humaine et réaliste » sur Twitter, tandis que le député Aurélien Taché, auteur d’un rapport sur l’intégration, blâme l’Europe « des nationalistes de Matteo Salvini, qui étaient prêts à laisser 250 personnes mourir en mer aujourd’hui » via le même canal.

Plusieurs élus LREM qui avaient été critiques à l’égard de la politique migratoire française se sont également félicités. Comme Sonia Krimi. « Les étrangers ne sont pas un paillasson », avait dénoncé ce mardi matin la députée de la Manche. Les cinq pays européens qui vont accueillir ces exilés « n’ont pas laissé perdurer une errance faisant le pain bénit des extrêmes », a-t-elle finalement réagi sur Twitter.

« Laxisme » et « jeu des passeurs » pour les LR et RN

A droite, on fustige au contraire un certain laxisme de la France. L’accord ferait « une nouvelle fois le jeu des passeurs », dénonce le député Les Républicains Éric Ciotti, qui demande « une politique migratoire européenne ferme, seul gage d’humanité ». Même son de cloche chez Nadine Morano. L’élue européenne estime que cette décision sera perçue comme une invitation à immigrer.

D’autres LR sont moins vindicatifs. Jean Leonetti par exemple regrette l’absence d’une « solution globale au problème de l’immigration incontrôlée ».

Pour David Rachline, maire Rassemblement national de Fréjus, cet épisode illustre « l’immigration et le laxisme fou de l’Union européenne ». Dans un communiqué, Nicolas Dupont-Aignan, chef de Debout la France, accuse les ONG d’être des « supplétifs des passeurs ». « La place de l’Aquarius n’est pas en Europe », affirme le député.

Le PS contre « l’inertie et la fermeture »

A gauche, peu de réactions. Il faut dire que plusieurs ténors du Parti socialiste s’étaient déjà exprimés dans la journée. Dans une tribune, 20 signataires dénonçaient « l’incurie » de la France et de l’Union européenne face à la crise migratoire en Méditerranée. Parmi eux se trouvent le patron du PS Olivier Faure, les maires Johanna Rolland, Anne Hidalgo et Martine Aubry ou encore les anciens ministres Stéphane Le Foll et Najat Vallaud-Belkacem.

Le texte appelait à élaborer un système d’accueil durable des migrants. Dans le cas contraire, « le gouvernement français, comme tous ceux qui choisissent l’inertie et la fermeture, […] deviennent les complices tant de ces drames que des inacceptables discours nationaux populistes », estimaient-ils. « Pour eux. Pour notre honneur. Relever la tête. Relever l’Europe », plaidait pour sa part Benoît Hamon peu de temps avant l’annonce de l’accord.

Une solution « au coup par coup » ?

Même situation chez La France Insoumise. Plusieurs figures du parti avaient critiqué une forme d’attentisme d’Emmanuel Macron face à l’impasse rencontrée par l’Aquarius. Le député Éric Coquerel par exemple s’était dit « stupéfait de voir que les droits les plus élémentaires concernant le devoir de porter assistance aux naufragés en mer sont allègrement bafoués dès lors que lesdits naufragés sont des migrants ». Il avait dénoncé un silence « pitoyable et honteux » du président, sur Twitter.

S’ils saluent la décision française, certains élus de gauche regrettent l’absence d’un accord européenne pérenne pour accueillir les migrants secourus en Méditerranée. C’est le cas d’Esther Benbassa, sénatrice écologiste qui se demande sur Twitter si l’on « sortira un jour des solutions au coup par coup ». « Qu’est-ce qui nous garantit que le même spectacle pathétique ne se reproduira pas demain ? » s’interroge pour sa part Ian Brossat, chef de file des communistes aux Européennes et adjoint à la maire de Paris.