TRIBUNE. Migrants : « Ce n’est qu’ensemble que les Européens pourront trouver des solutions conformes à la dignité humaine »
A l’occasion de la journée mondiale des réfugiés, des élus Europe Ecologie-Les Verts, dont Yannick Jadot, et le Belge Philippe Lamberts, publient une tribune pour encourager les pays européens à trouver un accord sur la répartitions des réfugiés sur le continent.
« Nous sommes européens, et nous avons mal à nos valeurs. Ni l’Italie, ni la France, ni l’Europe, pourtant si prompts à promouvoir notre « civilisation européenne », n’honorent les fondements de cette civilisation : l’humanisme, l’égale dignité humaine, la solidarité. L’Europe des Etats a failli, et seule l’Espagne a accepté d’accueillir les 630 personnes à bord de l’Aquarius. Le gouvernement d’extrême droite et populiste d’Italie, pays fondateur de l’Union européenne, de plus de 60 millions d’habitants, membre du G7 ayant la capacité d’accueillir une part importante de demandeurs d’asile, et même de rouvrir la discussion sur les voies légales de migration, a ainsi préféré renvoyer aux autres pays européens la responsabilité d’offrir l’asile à ces personnes fuyant les violences et parfois même, des crimes contre l’humanité.
Ceci car nombre des 60 millions d’italiens ont été convaincus que les principaux problèmes qu’ils rencontrent sont l’invasion des migrants et l’euro, plutôt que la lente reprise économique, de mauvais salaires et des inégalités persistantes, la corruption ou une administration inefficace.
La police française est tristement célèbre pour son traitement brutal et souvent inhumain des réfugiés à la frontière de Vintimille
L’Autriche a envoyé l’armée à la frontière du Brenner. Quant à la France? La France est le 3e pays de l’Union européenne en matière de demandes d’asile après l’Allemagne et l’Italie : 91.000 pour la France, 130.000 pour l’Italie en 2017. Mais la France est aussi 26e sur 28 en termes de nombre de migrants effectivement accueillis, en moyenne 1 sur 3 (1 sur 2 pour l’UE). La France n’a accueilli que 635 migrants d’Italie, dans le cadre du programme de réinstallation ; 5.434 en Allemagne.
La police française est tristement célèbre pour son traitement brutal et souvent inhumain des réfugiés à la frontière de Vintimille. Une femme enceinte a notamment été violemment traînée d’un train à Menton et renvoyée en Italie en avril. Avant cela, une femme nigériane, enceinte, a été repoussée par la police française à Bardonecchia : malade, elle a trouvé la mort dans un hôpital de Turin. A Bardonecchia, où l’ONG Rainbow4Africa a installé un centre de soutien, la police française a outre-passé ses prérogatives et forcé un réfugié sortant de France à faire des tests d’urine. À Briançon, un guide alpin français a été empêché par la police d’emmener une femme enceinte à l’hôpital.
Les mots du Président Français à l’encontre de l’Italie, dénonçant son cynisme en refusant la permission d’accoster, est d’une très haute hypocrisie. Oui, Salvini développe déjà une politique honteuse en matière d’accueil des réfugiés. Oui, l’arrivée de l’extrême-droite dans les ministères de l’intérieur de plusieurs Etats membres doit être dénoncée, combattue.
Si trouver un accord sur cela a été possible au Parlement Européen, pourquoi devrait-il fatalement en être autrement au Conseil Européen?
Mais lorsque les responsables locaux, de Palerme à Naples, de Messine à Tarente à la Corse, souhaitent ouvrir leurs portes, il est de la responsabilité des Etats de le leur permettre. Si M. Macron est si indigné par le comportement de l’Italie, pourquoi n’a-t-il pas suivi l’exemple de Pedro Sanchez et ouvert les ports français, fermés depuis des années ? Pourquoi était-ce Valence et non pas Marseille ?
Certaines villes européennes et de nombreux eurodéputés savent défendre les valeurs européennes et la solidarité au sein de l’Union. Ils savent que la solidarité concrète ne passera que par une prise en charge équitablement répartie, qu’elle est nécessaire.
En 2015, Valence, ville dirigée par une coalition progressiste et écologiste, avait déjà proposé d’ouvrir son port aux réfugiés, ce qu’avait refusé le gouvernement de Mariano Rajoy. Face à Salvini et Macron, le gouvernement de Pedro Sanchez a relevé la barre et redoré les valeurs européennes.
Le règlement de Dublin n’est pas viable. Nous nous réjouissons que le Parlement Européen ait pu, lui, trouver une majorité souhaitant le rendre obsolète et le remplacer par une gestion collective, responsable et solidaire. Il s’agirait alors de traiter ensemble les demandes d’asile, en répartissant les réfugiés entre les Etats-membres sur la base de critères objectifs.
Si trouver un accord sur cela a été possible au Parlement Européen, pourquoi devrait-il fatalement en être autrement au Conseil Européen, qui co-décide avec le Parlement? Les responsables politiques du Conseil viennent des mêmes Etats et des mêmes partis que les membres du Parlement.
Ce n’est qu’ensemble que les Européens pourront trouver des solutions conformes à la dignité humaine au défi de l’asile et des migrations. Le repli national, laissant à eux mêmes les Etats-membres frontaliers, ne peut que faire le jeu des populismes et de l’extrême-droite.
Pour les réfugiés, la France doit faire amende honorable, l’Europe entrer en solidarité, et ouvrir ses ports. »
* Nous soutenons l’initiative citoyenne pour une Europe accueillante
Signatures : Esther Benbassa, sénatrice EE-LV ; Damien Carême, maire de Grande-Synthe ; Monica Frassoni, co-présidente du Parti Vert Européen ; Yannick Jadot, eurodéputé EE-LV ; Philippe Lamberts, co-Président du Groupe Verts/ALE au Parlement européen ; Eric Piolle, maire de Grenoble ; Marie Toussaint, chargée de l’Europe au sein du bureau exécutif d’EE-LV