Ils défilent ce samedi sur la ZAD pour célébrer l’abandon du projet d’aéroport. Une « fête démesurée » est prévue jusque tard dans la nuit.
« L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, c’est fini »: des milliers d’opposants défilent ce samedi sur la ZAD pour fêter « la victoire de l’abandon » de ce projet quinquagénaire. Ils veulent aussi réaffirmer leur détermination à gagner une deuxième bataille, celle de la gestion collective des terres « sauvées du bétonnage ».
Au son de fanfares et dans une ambiance bon enfant, les manifestants de tous âges, munis de bottes ou de chaussures de randonnée, se sont élancés d’un pas tranquille sur les chemins de la ZAD, un vaste territoire de bocage de 1650 hectares. Un triton géant crêté et des tracteurs transformés en chars ont pris part à ce défilé « carnavalesque », qui s’est élancé vers 13h30, en deux cortèges distincts, sous un ciel menaçant. À 14h30, 8000 personnes étaient présentes sur le site, selon la préfecture.
À #NDDL les chars du carnaval refletent toutes les luttes contre les #GPII pic.twitter.com/HcGD5deDkG
— Vanina Delmas (@v_delmas) February 10, 2018
Fanfares et chars pour « une fête grandiose, inouïe »
« C’est un jour de fête! On voulait célébrer ça avec ceux qui se sont battus et les remercier pour cette victoire », lance Michèle Roux, 62 ans, partie « à 1 heure du matin » de Dordogne. Ils viennent célébrer -à l’appel du mouvement très hétérogène des anti-aéroport- la fin officielle de ce projet né dans les années 1960, devenu le vecteur de l’opposition à d’autres programmes d’infrastructures. Annoncé le 17 janvier par l’exécutif, l’abandon du nouvel aéroport nantais est devenu définitif vendredi avec l’expiration du décret qui le déclarait d’utilité publique (DUP), signé il y a dix ans.Beaucoup de manifestants avaient collé sur leur sac à dos un tout nouvel autocollant: « Notre-Rêve-des-Landes ». Dans le cortège, les pancartes faisaient référence à d’autres projets contestés: centre d’enfouissement de déchets nucléaires de Bure (Meuse), réacteur EPR de Flamanville (Manche) ou ligne à grande vitesse (LGV) Lyon-Turin.
« C’est toujours important de se réunir tous ensemble. La force du peuple fait qu’on peut avoir l’espoir d’un monde meilleur », avance Doriana Moscone, militante anti LGV (« No Tav ») de 54 ans, partie vendredi du Val de Suse en Italie. Elle a rejoint la ZAD après « 16h de voyage ». Certains élus comme Esther Benbassa, sénatrice EELV, et Noël Mamère ont fait le déplacement.
#NDDL. La sénatrice la plus crade de l'année. pic.twitter.com/4BZUKDhnaQ
— Esther Benbassa ? (@EstherBenbassa) February 10, 2018
« Très impressionnée » par la « victoire » des anti-aéroport, elle souhaite désormais « que les terres soient rendues à la population pour des projets concrets ».
« Il y a une quiétude en plus aujourd’hui et surtout un immense espoir pour l’avenir », soulignait pour sa part Laetitia Josselin, 39 ans, habitante de Loire-Atlantique et habituée des rassemblements sur la ZAD. Les militants ont prévu de festoyer jusque tard dans la nuit, autour de cinq scènes musicales.
« La genèse de l’avenir du bocage »
Le point d’orgue de cette mobilisation était attendu dans un champ de la ferme de Bellevue, occupée depuis janvier 2013 par un collectif de paysans anti-aéroport. Une grande effigie de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a été brûlée.
#NDDL point d'orgue du grand rassemblement d'aujourd'hui la maquette symbolisant le projet d'aéroport est brûlée pic.twitter.com/8o7pPSil2S
— Julie Charrier (@juliecharrier44) February 10, 2018
Ce « jour de carnaval », fête symbolisant la fin de l’hiver et l’arrivée du printemps, marque « la genèse de l’avenir du bocage », selon le mouvement anti-aéroport. Les opposants portent un projet collectif de gestion de l’usage des terres de la ZAD, comme cela s’est fait au Larzac après l’abandon du projet d’extension du camp militaire.
Sous le mot d’ordre « Enracinons l’avenir », les manifestants sont appelés à venir chacun avec un arbre ou une plantation. Une action symbolique mais aussi un signal fort envoyé à l’État, alors que la préfète de la région Pays de la Loire, Nicole Klein, s’apprête à ouvrir les négociations sur le devenir agricole du site.
« Prendre soin de ce bocage »
« Le moment le plus enthousiasmant et exaltant, il commence aujourd’hui. Il faut qu’on montre qu’on reste complètement déterminés à continuer à prendre soin de ce bocage », explique une occupante de la ZAD, qui se fait appeler Camille. Cette démonstration de force vise aussi à « réaffirmer le refus des expulsions » après le 31 mars, date butoir fixée par l’État pour que les occupants illégaux rentrent « dans la légalité ».
« Il faut que les discussions sur les terres se passent dans un climat serein, donc sans expulsions », explique Cyril Bouligand, membre du collectif de paysans « Copain 44 ».
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Refusant de parler de « victoire » après l’abandon du projet d’aéroport, une frange de zadistes radicaux opposés à la « normalisation de la zone » organise un rassemblement « off », près de l’ex-« route des chicanes », qui servira de parking samedi. Ce même groupe avait bloqué en fin de semaine dernière les premiers travaux de remise en état de la route par le conseil départemental, assurés désormais en présence de gendarmes mobiles.
200 manifestants pro-aéroport
Environ deux cents personnes ont manifesté ce samedi matin à Bouguenais, près de Nantes, contre « la démocratie bafouée ». Les manifestants, dont certains arboraient des pancartes « La violence a gagné » ou « Macron trahison », ont glissé leurs cartes d’électeurs dans un cercueil disposé à cet effet.
Une couronne mortuaire, composée elle aussi de cartes d’électeurs et sur laquelle était inscrite « Ci-gît la démocratie », avait été placée sur ce cercueil. Dans une ambiance morose, les manifestants ont hué les survols d’avion, qui atterrissent à l’aéroport de Nantes-Atlantique, situé non loin du lieu de la manifestation.
Sur des pancartes, on pouvait lire « 8400 élèves survolés, 8400 enfants sacrifiés », « Grand-Ouest sacrifié » ou « Non à l’agrandissement de Nantes-Atlantique ». Lors de l’abandon en janvier du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le gouvernement avait promis de réaménager Nantes-Atlantique, afin qu’il soit en mesure d’absorber la croissance à venir du trafic aérien.
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