Dans la soirée du mercredi 21 mars 2018, en tant que Cheffe de file pour le groupe CRCE sur le projet de loi « Protection des données personnelles », j’ai défendu nos amendements.
Retrouvez, ci-dessous, mes interventions ainsi que mes discours.
Amendement 71
Défense
Monsieur le Président, Mes cher.e.s collègues,
Nous entrons, avec cette série d’amendements, dans le nécessaire débat sur l’applicabilité du droit européen aux dispositions issues de la loi Renseignement de 2015 qui ont été opportunément écartées de la discussion jusqu’ici.
Permettez-moi de vous rappeler que l’article 1er de la directive 2016/680 définit son champ d’application comme couvrant tout « traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales ». Il précise explicitement que font partis de ces traitements ceux concernant « la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces ».
Seules les activités relatives à la sécurité nationale ne relèvent pas du champ d’application de la directive.
C’est cet argument qui nous sera opposé : la lutte contre le terrorisme, premier objectif de la loi Renseignement, relèverait de la sécurité nationale et ne serait donc pas concernée par les mesures protectrices instituées par la directive.
Cet argument, mes chèrEs collègues, est fallacieux. Nous le savons, l’Union européenne et ses États Membres ont systématiquement considéré que la lutte contre le terrorisme entrait dans le champ d’application du droit de l’Union, prenant de nombreux actes européens à son sujet, La dernière directive 2017/541 « relative à la lutte contre le terrorisme » en est un exemple manifeste.
Nous proposons en conséquence de mettre en conformité le code de la sécurité intérieure avec la directive 2016/680 et de préciser que lorsque la mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignement prend fin, le service qui l’a réalisée informe promptement la personne concernée de la nature et de la durée de la technique, du type et du volume de renseignements recueillis, de la finalité ayant justifié le recueil et de l’identité du service, ainsi que de ses droits.
Je vous remercie.
Avis de la Commission : défavorable
Avis du Gouvernement : défavorable
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Amendement 72
Défense
Monsieur le Président, Mes cher.e.s collègues,
Dans le même sens que l’amendement précédemment défendu, le présent amendement vise à mettre le code de la sécurité intérieure en conformité avec la directive, plus protectrice des libertés fondamentales de nos concitoyens.
En matière de contrôle, la directive exige deux choses:
D’une part que, dans chaque État membre, une autorité indépendante «contrôle l’application des dispositions adoptées en application de [cette] directive et de ses mesures d’exécution et veille au respect de celles-ci ». En France, en matière de renseignement, cette autorité de contrôle est la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).
D’autre part, que « chaque État membre prévoit, par la loi, que chaque autorité de contrôle dispose de pouvoirs d’enquête effectifs. Ces pouvoirs comprennent au moins celui d’obtenir du responsable du traitement ou du sous-traitant l’accès à toutes les données à caractère personnel qui sont traitées».
Toutefois, en l’état actuel de notre droit, la CNCTR ne peut pas avoir accès aux renseignements collectés, exploités, échangés ou conservés par les services français dès lors que ces renseignement ont initialement été « communiqués par des services étrangers ou par des organismes internationaux ». Cela empêche entièrement la CNCTR de vérifier que les données personnelles collectées et exploitées par les services le sont de façon licite, ce qui est en totale contradiction avec les exigences de la directive et doit être corrigé. C’est l’objet du présent amendement.
Je vous remercie.
Avis de la Commission : défavorable
Avis du Gouvernement : défavorable
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Amendement 73
Défense
Monsieur le Président, Mes cher.e.s collègues,
Dans la lignée des amendements précédents, nous souhaitons, ici encore, garantir les droits des concitoyens, en l’espèce le droit à un recours effectif.
L’article 54 de la directive (UE) 2016/680 exige, sans aucune exception possible, que les États membres offrent aux particuliers une voie de recours juridictionnel pour contester la licéité d’un traitement portant sur leurs données personnelles.
En contradiction avec cette disposition, l’article L. 854-9 du code de la sécurité intérieure prévoit que, en matière de surveillance internationale, les particuliers ne peuvent pas agir en justice pour contester la licéité d’une mesure mise en œuvre à leur égard – seule la CNCTR a ce pouvoir, étant entièrement libre d’agir ou non. Cette absence de voie de recours juridictionnel est parfaitement contraire aux exigences de la directive et doit être corrigée.
Nous nous sommes opposés avec force, mes chèrEs collègues, à cette loi que nous considérions mal faite et liberticide. Les garanties relatives à la protection des libertés individuelles et des droits fondamentaux étaient loin d’être suffisantes. Le conseil constitutionnel l’a lui-même déjà constaté à trois reprises.
Il est temps, et nous en avons l’occasion aujourd’hui, de reconnaître et de corriger ces erreurs.
Je vous remercie.
Avis de la Commission : défavorable
Avis du Gouvernement : défavorable
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Amendement 74
Défense
Monsieur le Président, Mes cher.e.s collègues,
Poursuivant le même objectif de mise en conformité de notre droit avec le droit européen, cet amendement propose d’offrir des garanties en matière de transfert de renseignements.
En effet, le code de la sécurité intérieure n’impose aujourd’hui aucune condition ni aucun contrôle s’agissant des échanges de renseignement par les autorités françaises avec d’autres autorités, qu’elles soient françaises ou étrangères.
Cela est contraire à directive qui impose des normes en matière de transfert de renseignement hors UE mais également à notre propre droit qui exige que les échanges de données, avec des autorités françaises, européennes ou hors-UE, poursuivent un des intérêts fondamentaux de la Nation et que la CNCTR soit en mesure d’en assurer le contrôle.
Nous proposons en conséquence de modifier le code de la sécurité intérieure en ce sens.
Je vous remercie.
Avis de la Commission : défavorable
Avis du Gouvernement : défavorable