Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Monsieur le Président de la Commission des lois,
Madame la Rapporteure,
Mes ChèrEs collègues,
Il y a quarante ans, en 1978, notre Parlement adoptait l’une des premières lois protectrice des données personnelles dans le monde, faisant de la France une pionnière dans ce domaine.
Cette question, qui relève de la protection de la vie privée, de l’intimité de chacun, est devenue, avec les évolutions technologiques, tout à fait fondamentale pour l’ensemble de nos concitoyens.
Une réponse européenne était bien entendu nécessaire, plus personne ne pouvant penser que le droit national, aussi novateur soit-il, pourrait suffire à l’ère de ce que l’on peut considérer comme une révolution numérique mondiale.
Ce texte, loin d’être seulement technique, comporte de nombreux aspects politiques et la récente audition du patron-fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, devant le Congrès américain nous l’a, s’il en était besoin, confirmé.
Je vous rappelle, mes chèrEs collègues, que dans l’affaire « Cambridge Analytica » ce sont les données personnelles d’au moins 87 millions d’utilisateurs de Facebook qui ont été « siphonnées », volées, pour servir la campagne présidentielle de Donald Trump.
Le scandale de « Cambridge Analytica » aura peut-être permis de réveiller un peu les consciences des utilisateurs d’internet et des réseaux sociaux.
Cela aura aussi permis à chacun de comprendre, d’appréhender concrètement, qu’en dehors de la question de la vie privée, la protection des données personnelles constitue également un enjeu majeur pour nos démocraties. Rappelons que l’utilisation des données des utilisateurs de Facebook par « Cambridge Analytica » aurait permis le basculement de trois Etats en faveur de l’élection du candidat républicain et son ascension à la Maison Blanche.
Dans ce contexte et plus d’un an après l’adoption par l’Europe du Règlement général pour la protection des données (RGPD) qui repose sur le droit fondamental que constitue, pour chaque citoyen européen, la protection de sa vie privée et de ses données personnelles, la CMP n’est pas parvenue à trouver un accord.
C’est tout à fait regrettable et fâcheux. Certains de nos collègues députés ont choisi d’adopter une posture politicienne, rejetant le compromis et les apports du Sénat.
Ce projet de loi, issu d’un Règlement longuement négocié au niveau européen, n’était bien sûr pas dénué de défauts à nos yeux, nous avions d’ailleurs fait des propositions en vue de son amélioration et regretté le manque de courage politique pour aborder les dispositions liberticides de la loi Renseignement.
Mais nous avions soutenu, sans considération partisane, certaines des modifications apportées par le Sénat en première lecture, notamment pour encadrer plus strictement l’usage des algorithmes par l’administration pour prendre des décisions individuelles – comme cela est préconisé par la Loi « pour une République numérique » d’octobre 2016 – , ainsi que pour renforcer les garanties de transparence en la matière, par exemple pour les inscriptions dans l’enseignement supérieur (« Parcoursup »).
Au cours de cette nouvelle lecture, nous continuerons à soutenir et défendre les amendements visant à combattre les exceptions à la Loi « pour une République numérique » d’octobre 2016, comme la mise en place pour « parcoursup » du « secret des délibérations ». Au groupe CRCE, nous entendons la complainte qui monte des rues et dans nos universités. Nous sommes sensibles aux revendications de nos étudiants et des enseignants du supérieur, notamment sur l’opacité de la sélection par « Parcoursup », que cette assemblée aura – j’en suis sûre – la volonté de rejeter, comme elle l’a fait en première lecture.
Le groupe CRCE avait également souhaité que les collectivités territoriales soient mieux accompagnées dans la mise en œuvre de leurs nouvelles obligations et que la CNIL soit dotée des moyens suffisants au plein exercice de sa mission.
Tout cela a malheureusement été balayé par l’Assemblée Nationale qui a rétabli son texte en séance jeudi dernier…et le rétablira encore quel que soit le résultat de nos travaux.
J’avais regretté, lors de la première lecture, un texte qui manquait sérieusement d’ambition, je le regrette encore aujourd’hui mais à cela s’ajoute la déception de voir que sur un sujet aussi important pour notre démocratie, pour nos libertés, le consensus ait été sacrifié sur l’autel de la politique.
Le groupe CRCE s’abstiendra de nouveau.
Je vous remercie.