Christiane Taubira : la droite et le FN ressortent leur épouvantail préféré contre la politique pénale de Macron
En l’associant à l’ancienne ministre de la Justice, Les Républicains et le Front national espèrent instruire un procès en laxisme contre le président.
POLITIQUE – Ce fut un leitmotiv du quinquennat de François Hollande. Il pourrait le redevenir sous celui d’Emmanuel Macron. Les Républicains et le Front national ont réagi d’une seule voix ce mardi et mercredi en dénonçant les annonces du président de la République en matière de politique pénale.
Mardi, le chef de l’État a annoncé une profonde réforme qui proscrira l’automaticité des peines d’emprisonnement courtes, forfaitisera certains délitsmais assurera l’application effective de celles de plus d’un an, tout en multipliant les alternatives en milieu ouvert. Tout en confirmant son objectif de construire 15.000 places de prison, Emmanuel Macron a opté pour une généralisation des alternatives à l’emprisonnement (la libération sous contrainte) introduites pour la plupart par la réforme pénale de 2014 de Christiane Taubira.
« Taubira est dans le cerveau de Macron »
Il n’en fallait pas plus pour ressusciter ce qui fut longtemps la critique préférée de la droite et de l’extrême droite, partisans d’une politique dite du « tout-carcéral ».
Macron « fait du Taubira. Il reproduit, ils reproduisent [le président de la République et la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, ndlr], avec des mots différents, avec des discours différents, mais on est dans la réitération, la récidive de Mme Taubira », a étrillé ce mercredi matin sur BFMTV le député LR Eric Ciotti, partisan d’une ligne sécuritaire sans compromis et qui fut sous la précédente législature un adversaire acharné de l’ancienne ministre de la Justice de François Hollande. A tel point que l’ancienne candidate à la présidentielle s’en était amusée lors d’un échange remarqué à l’Assemblée nationale.
La veille, la porte-parole des Républicains, Lydia Guirous, imitée par ses collègues, avait déjà réagi en ce sens en dénonçant « une logique d’économie scandaleuse pour les prisons masquée par des errances bien-pensantes à la Taubira ».
La refondation pénale de #Macron : une logique d’économie scandaleuse pour les prisons masquée par des errances bien pensantes à la Taubira. Plus de délinquants dans la rue ou à domicile via les peines alternatives pour ne pas construire les 15000 places de #prison supplémentaires.
« Macron c’est Taubira en pire »
« Macron c’est Taubira en pire. Avec Macron ce ne sont pas les délinquants qui sont condamnés mais les honnêtes gens », a réagit de son côté le parti de Marine Le Pen dans un communiqué.
« Le programme présenté par M. Macron, c’est le catalogue du laxisme en matière pénale », poursuit-il, citant « la disparition des peines de moins d’un mois, des peines de 1 à 6 mois exécutées en dehors des établissements pénitentiaires, la fin de l’automaticité de la prison pour les peines de moins d’un an, le recours accru aux illusoires +travaux d’intérêt général+ », ou encore « la violation de (la) promesse de construire 15.000 places de prison ramenée à 7.000 places ». « Cela signifie en clair la libre circulation des délinquants », en conclut le FN, pour qui les Français veulent au contraire « rompre avec le laisser-faire ».
« Macron-Taubira, même combat pour les délinquants », a ironisé de son côté le président de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan dans un communiqué.
Même certains élus proches de la ligne de Christiane Taubira, comme la sénatrice EELV Esther Benbassa, ont cru déceler une filiation entre les politiques pénales.
https://twitter.com/EstherBenbassa/status/971089423038377985
Macron plaide pour « tout sauf le laxisme »
Ces accusations de « laxisme » avaient été anticipées par le chef de l’Etat qui s’en est défendu tout au long de la présentation de son plan. « C’est tout sauf le laxisme », a répété à plusieurs reprises Emmanuel Macron en présentant à Agen ses mesures pour lutter contre la surpopulation carcérale et redonner du sens à la peine. Ce plan, qui « relève d’une sorte de bon sens », est destiné à « sortir d’une philosophie dans laquelle on a tout pensé par la prison », a-t-il expliqué à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire.
« L’emprisonnement ne cesse d’augmenter parce qu’au fond cela reste la solution qui contente symboliquement le plus de monde », selon lui. Or « je crois qu’il y a peu de gens vraiment dangereux pour la société à qui on donne moins de six mois de prison », a-t-il ajouté.