Mon amendement à la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels

J’ai fait voter un amendement à cette PPL ayant pour objet d’inclure, comme crime sexuel, le rapport bucco-génital commis par une personne majeure sur un mineur.Dans une récente décision de la Cour de cassation “Décision du 14 décembre 2020, n° 20-83.373” les magistrats avaient écarté la qualification de viol dans une affaire d’inceste par cunnilingus au motif que la pénétration vaginale par la langue de l’auteur n’aurait pas été « d’une profondeur significative » et que la plainte de la victime n’aurait été « assortie d’aucune précision en termes d’intensité, de profondeur, de durée ou encore de mouvement ».

Cette décision ne fait que creuser l’écart entre la réalité des violences sexuelles commises sur les mineurs et leur appréhension par la justice. Ces appréciations des magistrats inadaptées, focalisées sur l’acte de pénétration génitale, contribuent à une hiérarchisation des viols : les pénétrations digitales, les cunnilingus et fellations ne sont, dans les faits, jamais criminalisés, jamais traduits devant une cour d’assises.

Ce procédé de hiérarchisation minimise symboliquement les violences sexuelles et contribue au phénomène de correctionnalisation massive des violences à caractère pédophile. Or, nous considérons que les agressions sexuelles commises par rapport bucco-génital devraient être qualifiées de crime sexuel au même titre qu’un rapport par acte de pénétration, la souffrance psychique des victimes mineures étant de la même intensité.

Ma défense de l’amendement :

Mon intervention lors de la discussion générale :

Ci-dessous le texte de l’intervention :

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Madame la Rapporteure,

CherEs collègues,

165 000 est le nombre estimé de mineur·e·s qui subissent  chaque année en France des violences sexuelles. 

Ce sont 130 000 filles et 35 000 garçons que le droit n’aura pas su protéger.

Les difficultés en la matière sont de plusieurs ordres.

Tout d’abord, ces violences demeurent trop peu dénoncées. Si l’on s’en tient aux chiffres officiels du Ministère de l’Intérieur, on recense, en 2019, à peine plus de 7 000 plaintes. Peu d’agressions font l’objet de plaintes parce que nombre d’entre elles se produisent malheureusement dans le cadre familial.

Mais nous ne pouvons ignorer qu’il existe des difficultés d’ordre juridique. Car si le dépôt de ces plaintes est en nette augmentation depuis quelques années, le droit en en ce domaine, complexe, empêche trop souvent que celles-ci aboutissent à une condamnation.

Le texte de la loi « renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes », adoptée en août 2018, a été porteur de deux améliorations significatives. Il a permis l’allongement du délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur mineur·e·s et a précisé la définition du viol dans le cas d’une victime de moins de 15 ans. Mais cette loi restait inachevée, n’ayant pas créé un seuil d’âge précis en dessous duquel toute personne adulte, qui a eu un rapport sexuel avec une personne mineure, tomberait sous le coup d’une condamnation.

La proposition de loi dont nous débattons, cosignée par plus de 100 Sénatrices et Sénateurs de tous bords politiques, vise donc à mettre un terme à cette situation juridique, où de tels actes ne sont pas systématiquement considérés comme un viol. Elle pose ainsi dans la loi une limite claire prévoyant l’interdiction absolue de tout acte sexuel entre une personne majeure et un·e mineur·e de moins de 13 ans. 

En outre, l’ajout, suite aux travaux de la commission des lois, de l’article 1er bis, qui prévoit des protections supplémentaires pour la tranche d’âge de 13 à 15 ans, mérite d’être salué. Toutefois, certain.e.s d’entre nous auraient préféré que le seuil retenu par cette PPL soit celui de 15 ans.

À l’aune du hashtag #MeTooInceste ; à l’aune, également, de la récente étude menée par l’association « Face à l’inceste », estimant à près de 6,7 millions de Françaises et Français les victimes d’inceste, la politique des petits pas en matière de crimes sexuels sur mineur.es n’est pas envisageable.

Nous souhaitons par ailleurs d’autres améliorations, tout particulièrement la reconnaissance des actes buccaux-génitaux  comme crimes sexuels. Et le Groupe écologiste a fait un amendement dans ce sens. De même, à l’avenir, il serait opportun de bénéficier de données officielles plus précises et plus régulières, quant aux violences sexuelles commises sur personnes mineures. 

Pour autant, cette proposition de loi est nécessaire et nous en saluons l’initiative. C’est la raison pour laquelle le groupe « Écologiste, solidarité et territoires » votera pour son adoption.

Monsieur le ministre, je voulais ajouter que nous avons fait un excellent travail au Sénat sur cette PPL de Madame Billon, mais chaque fois que l’exécutif peut passer par-dessus la tête des parlementaires, il le fait. Cela a été le cas avec le texte de Madame Schiappa 2018 qui venait après le texte du Sénat. Maintenant, allez-vous faire la même chose en vous attelant à une nouvelle consultation sur la question, en dehors du parlement, probablement pour préparer encore un nouveau texte ?

Je vous remercie.

SEUL LE PRONONCE FAIT FOI