Le Sénat vote pour la prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 3 mai

Les sénateurs ont prolongé l’état d’urgence sanitaire mais ont ramené sa date de fin au 3 mai, contre le 1er juin initialement prévu. Ils demandent aussi un vote du Parlement en cas de confinement durant plus d’un mois. Les députés auront le dernier mot, mais des rapprochements sont apparus avec le gouvernement.

« C’est le sixième texte soumis au Parlement sur le sujet en seulement dix mois ». Comme le rappelle le ministre de la Santé, Olivier Véran, les mois se suivent et se ressemblent. Alors que le niveau de l’épidémie de covid-19 est toujours élevé, l’état d’urgence sanitaire a fait son retour devant le Sénat, au moment où l’exécutif s’apprête à imposer un troisième confinement… en moins d’un an. La Haute assemblée, à majorité de droite et du centre, a adopté le projet de loi, non sans quelques modifications, par 235 voix pour, 39 contre et 70 abstentions.

« Le temps nécessaire pour que la campagne de vaccination produise pleinement ses effets »

Le régime d’état d’urgence sanitaire est justement le cadre juridique d’exception qui permet au gouvernement de prendre des mesures privatives des libertés publiques et individuelles, comme le confinement. Le projet de loi du gouvernement prévoit de proroger sa date de fin du 16 février au 1er juin 2021 en raison « de la dynamique de l’épidémie » et « car c’est le temps nécessaire pour que la campagne de vaccination produise pleinement ses effets », fait valoir Olivier Véran (voir vidéo ci-dessous). Le texte prévoit aussi de repousser du 1er avril au 31 décembre 2021 la date limite de caducité de la validité du régime juridique de l’état d’urgence sanitaire. Autrement dit, l’exécutif pourra jusqu’à cette date, s’il le faut, décréter un nouvel état d’urgence. Une disposition qui montre que le gouvernement pense devoir gérer encore la crise sanitaire pendant de longs mois.

Pour le rapporteur LR du texte, Philippe Bas, prolonger l’état d’urgence sanitaire se justifie. Mais en commission, les sénateurs ont ramené la date de fin du 1er juin au 3 mai. Soit une prolongation de deux mois et demi, pour un contrôle plus régulier du Parlement, qui devrait ainsi de nouveau se prononcer en cas de nouvelle prolongation. Quant au confinement, les sénateurs se sont prononcés pour la nécessité d’un nouveau vote du Parlement, en cas de prolongation au-delà d’un mois. Le contrôle parlementaire, encore une fois.

En séance, les sénateurs ont aussi adopté une mesure qui permet aux préfets d’autoriser l’ouverture des commerces qui respectent les conditions sanitaires, si une décision de fermeture des commerces s’imposait de nouveau. Une mesure déjà adoptée lors de l’examen de textes précédents.

« Dans un Etat de droit, la restriction des libertés n’est pas quelque chose dont on doit prendre l’habitude sans un contrôle parlementaire »

« Dans un Etat de droit, la restriction des libertés n’est pas quelque chose dont on doit prendre l’habitude sans un contrôle parlementaire effectif, dont vous n’avez rien à craindre, puisqu’il est responsable » a soutenu Philippe Bas (voir la première vidéo). Ne voulant pas « donner de chèque en blanc » au gouvernement, le rapporteur défend la « ligne constante » du Sénat, « celle du contrôle du Parlement ». Dans cette « ligne de crête », le Sénat entend « prendre ses responsabilités ».

Les députés, qui ont déjà adopté le texte, ont supprimé l’article 3 qui portait sur le régime de sortie de l’état d’urgence. Un régime qui permettait déjà au premier ministre à peu près tout, sauf le confinement. Le gouvernement n’est pas revenu sur ce vote, ce qu’a apprécié particulièrement Philippe Bas.

« Ouverture à l’égard des travaux du Sénat »

Si les versions sénatoriales et gouvernementales du texte diffèrent, en réalité, l’état d’esprit se rapproche. « J’entends les critiques sur les délais longs », « je comprends le souhait du Parlement d’avoir des clauses de revoyure plus fréquentes » et « de mieux encadrer ce régime d’exception », avance Olivier Véran, qui évoque même la possibilité de « trouver un chemin […] permettant aux deux chambres de conclure » un accord sur le texte. « J’ai écouté les propos du ministre. J’y ai décelé une ouverture à l’égard des travaux du Sénat. Je m’en réjouis » salue le rapporteur LR. Le ministre ajoute dans sa corbeille que demain, le premier ministre Jean Castex reçoit de nouveau le comité de liaison, avec les présidents de groupes parlementaires, les partenaires sociaux et les associations d’élus. Bref, « on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de concertation ».

Restent malgré tout quelques différences, au-delà des dates. La majorité sénatoriale prévoit « qu’on ne peut pas réglementer les réunions à la maison, on ne peut pas mettre un gendarme dans le domicile des Français » souligne Philippe Bas. Et l’isolement ne peut être prolongé au-delà de 14 jours que sur autorisation du juge des libertés et de la détention, si cet isolement dure plus de 12 heures par jour.

Le PS veut « plus de finesse » dans les décisions de restrictions

A gauche, on se pose pas mal de questions. Si les socialistes soutiennent la nécessité de l’état d’urgence, ils veulent que le gouvernement « l’enserre davantage », demande la sénatrice PS Marie-Pierre de la Gontrie, dont le groupe s’est abstenu sur l’ensemble du texte. Elle alerte sur « la fatigue de la démocratie, une fatigue extrême de nos compatriotes », alors que les sénateurs PS ont reçu de nombreux messages les appelant à ne pas voter le texte.

Marie de la Gontrie défend des mesures plus territorialisées, c’est-à-dire différentes selon « le taux d’urbanisation, la démographie ». Autrement dit, « plus de finesse ». Son collègue socialiste Jean-Pierre Sueur ajoute qu’il « manque un volet social » au texte, évoquant la « situation des étudiants » ou « des détenus ».

« On ne saurait mettre indéfiniment tout un pays sous cloche »

Pour le groupe écologiste, qui a voté contre le projet de loi, la sénatrice EELV Esther Benbassa « conteste l’utilité de l’état d’urgence pour lutter efficacement contre le covid-19 ». « On ne saurait mettre indéfiniment tout un pays sous cloche » ajoute la sénatrice de Paris (voir la vidéo). Et de demander : « Si nous ne pouvons ignorer la persistance de l’épidémie, combien de temps encore durera cette urgence ? Combien de temps, avant que le gouvernement ne se procure un nombre suffisant de vaccins, alors que plus de 300 personnes par jour décèdent encore de la maladie ? »

« Nous refusons cette remise en cause des libertés individuelles » continue sur le même thème Eliane Assassi, présidente du groupe CRCE (communiste), qui a voté contre le texte. Pour la sénatrice PCF, « cette obstination à restreindre la démocratie dissimule de moins en moins les choix ultralibéraux auxquels vous ne renoncez pas ».

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