Une nouvelle loi « pour que la solidarité ne soit plus un délit » (« La Voix du Nord », 30 janvier 2018)

« Un groupe de sénateurs a présenté ce mardi un projet de loi visant à abroger ce qu’on appelle « le délit de solidarité », qui permet de poursuivre des personnes venant en aide aux migrants. Ceux qui ont été poursuivis, ou qui agissent sur le terrain, sont formels : les poursuites continuent.

«  Je suis ravie que vous soyez à mes côtés, car je considère que vous êtes des Justes. Alors que des policiers, parfois, parlent de vous comme de délinquants…  » Esther Benbassa, sénatrice EELV, est entourée de Cédric Herrou et Pierre-Alain Mannoni, dans l’une des salles du Sénat. Les deux hommes ont été (ou sont encore) poursuivis pour avoir aidé certains des exilés qui entrent péniblement en France à la frontière franco-italienne, dans la vallée de la Roya.

«  On ne peut pas supporter que la solidarité demeure un délit  », dit Éric Bocquet, sénateur communiste du Nord, assis au premier rang. Et s’il rappelle qu’à l’origine, la loi est faite pour lutter contre les passeurs («  ce qui représente un marché de trois milliards d’euros  », dit-il), il n’est pas besoin d’écouter trop longtemps les deux témoins de l’arrière-pays niçois pour comprendre le problème. «  La formulation de la loi reste suffisamment floue pour que les juges puissent poursuivre ceux qui aident. »

Ce texte, c’est notamment l’article 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). «  Je n’avais aucune idée de l’existence de ce code  », dit Pierre-Alain Mannoni, enseignant-chercheur au CNRS (Centre national de la recherche scientifique). Cédric Herrou en avait la même ignorance avant tous ses ennuis («  J’ai 3 8 ans, je n’avais jamais connu de garde à vue jusque-là, et maintenant, j’en suis à ma neuvième…  »), et c’est le cas de l’immense majorité de tous ceux qui souhaitent faire preuve d’un peu de solidarité.

À Calais…

À Calais, Christian Salomé, de l’association L’Auberge des migrants, confirme qu’il en est de même : «  Il faut vraiment se retrouver confronté au problème pour imaginer qu’on peut être poursuivi pour avoir aidé des gens dans la détresse. » Mais c’est donc le cas. Si on aide une personne sans papiers à entrer dans le pays, bien sûr, mais plus personne ne s’y risque apparemment.

Mais le texte punit également ceux qui transportent des exilés en situation illégale. Sauf cas de nécessité  : «  Il y a quelque temps, j’ai emmené une personne qui avait la cheville cassée à l’hôpital, raconte encore Christian Salomé. Je savais que c’était légal. En revanche, quand on m’a rappelé à dix heures du soir pour venir la rechercher et la ramener au camp, j’étais sans doute dans l’illégalité… » Le président de l’Auberge des migrants n’a pas été arrêté, mais… «  tout de même, ce flou est anormal  », dit-il.

Voilà donc pourquoi ce groupe de sénateurs espère réécrire la loi, afin d’abroger ce qu’on appelle «  le délit de solidarité  ». D’autant que Cédric Herrou est formel : «  Ces poursuites servent à intimider les gens, à les empêcher d’aider les exilés dans la détresse. » Un rude combat législatif s’annonce. Et Esther Benbassa a bien conscience qu’il n’est «  pas dans l’air du temps  ».

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