TRIBUNE Pour une maison commune de l’écologie politique

La sénatrice Esther Benbassa appelle à un rassemblement des forces politiques proches d’EE-LV, comme Génération·s, le Parti animaliste ou Urgence Ecologie.

Tribune. La vraie surprise des européennes est la percée d’EE-LV, sous la houlette de Yannick Jadot, avec un score de 13,5% hissant les écologistes à la troisième place. L’intérêt des Françaises et des Français pour l’écologie, pour la protection du vivant, pour la lutte contre le réchauffement climatique est réel et s’affiche puissamment. Et EE-LV est désormais le premier parti chez les moins de 34 ans. Autant dire qu’il est le parti de l’avenir, ou pourrait l’être, s’il évite quelques pièges. Cette vague verte n’est pas française : elle balaie l’Europe. On ne badine plus avec les préoccupations environnementales, l’écologie est politique, et l’avenir de la planète en dépend. Cette écologie ne peut pourtant pas, au risque de se fourvoyer, reléguer au second rang l’exigence de justice sociale et fiscale, la lutte contre la pauvreté, la défense des minorités ethniques, religieuses et sexuelles, l’accueil des migrants, l’égalité femmes-hommes, la promotion des quartiers et des zones rurales, l’accès de tous aux soins, etc. Aucune transition écologique ne vaudra si elle n’intègre pas tout cela.

Notre score nous met devant une grave responsabilité. Primo, l’extrême droite est toujours là, puissante, à l’affût. Secundo, la droite n’est pas morte : elle est au pouvoir sous ses oripeaux macroniens. Tertio, nous avons fait campagne en autonome, mais pouvons-nous toujours faire chemin seuls ? Nos électeurs sont à 24% ceux de Benoît Hamon en 2017, 19% ceux de LFI et 14% seulement ceux de Macron. Comment en faire fi ? Certes, la distinction droite-gauche est en passe de rendre l’âme. La gauche dite de gouvernement a largement montré qu’elle pouvait trahir ses valeurs. Macron a fait le reste. Mais ces valeurs, elles, ne sont pas mortes pour autant. Appelons les choses comme on voudra. Il est clair en tout cas qu’il y a bien une écologie ultraconservatrice, flirtant avec la droite extrême, telle cette «écologie humaine», qui recentre l’écologie sur la «personne humaine» et la «famille», créée par la Manif pour tous en 2013. Que dire de la revue Limite ?

L’alternative écologiste

Notre écologie est autre : elle est humaniste, féministe, émancipatrice, non-capitaliste et non-productiviste. Affirmons clairement les principes qui nous servent de boussole. Ne nous plaisons pas trop à brouiller les frontières. Les municipales à venir appelleront localement à des regroupements «naturels». Si nous voulons prendre des villes, il faudra bien que nous les prenions avec d’autres. Edifions dès aujourd’hui cette maison commune avec toutes les forces qui nous sont proches. Je parle bien sûr des associations, des personnes issues de la société civile, jeunes et moins jeunes. Mais je parle aussi, à terme, d’autres formations politiques qui partagent nos priorités, telles Génération·s, le Parti animaliste, Urgence Ecologie, etc. C’est dans cette maison commune que nous pourrons construire les grands projets et l’alternative écologiste capables de séduire largement nos compatriotes. En vue d’un monde où le profit ne serait plus l’autel sur lequel il est permis de tout sacrifier : la planète, le vivant, les humains, nos enfants.

La maison des retrouvailles

Cette maison commune doit s’ouvrir à toutes et à tous, y compris au mouvement des gilets jaunes que je suis depuis de longues semaines, partie émergée de la crise sociale et environnementale française. Son organisation horizontale et fragmentée, éloignée des modes d’actions habituels, a fait peur aux partis et aux syndicats. Il s’agit pourtant bien d’un mouvement populaire, exigeant certes plus de pouvoir d’achat, mais aussi plus de démocratie et d’équité, et par ailleurs sensible aux thèmes environnementaux. 11% des Français qui s’en disent proches ont tout de même voté EE-LV… Ils ont toute leur place au côté des couches plus aisées des centres urbains, traditionnellement sensibles à nos actions.

Cette maison commune serait celle des retrouvailles. Le monde nouveau que nous voulons construire n’est pas une douce utopie. C’est un défi. C’est une urgence. Avouons qu’il y a mieux à offrir aux Françaises et aux Français que les basses manœuvres des uns et les ambitions hégémoniques des autres.

Esther Benbassa sénatrice EE-LV de Paris