Libérez le chercheur Tashpolat Tiyip, menacé de mort en Chine
Cet universitaire, internationalement reconnu, a été arrêté en mai 2017 et condamné à mort avec un sursis de deux ans en 2018. On l’accuse d’être resté secrètement attaché à sa culture, ce qui le rend suspect de «séparatisme», un crime aux yeux du Parti communiste. De nombreux chercheurs demandent sa libération.
Tribune. A l’ouest de la Chine, dans la région autonome ouighoure du Xinjiang, quelque 11 millions de Ouïghours subissent depuis plusieurs années une répression particulièrement féroce qui vise toute manifestation de leur culture : linguistique, culturelle, religieuse. Elle a conduit à l’internement en camp de redressement plus d’un million et demi de personnes contraintes dorénavant à penser, manger, parler chinois, quand elles ne sont pas frappées d’une condamnation à mort.
C’est le cas de Tashpolat Tiyip, professeur reconnu et ancien président de l’université du Xinjiang. Alors qu’il se rendait en Allemagne avec ses étudiants en mai 2017, il a été arrêté à l’aéroport de Pékin. Lors d’un procès secret qui s’est tenu en 2018, il a été condamné à mort avec un sursis de deux ans au motif de «double jeu», c’est-à-dire d’être resté secrètement attaché à sa culture, ce qui le rend suspect de «séparatisme», un crime aux yeux du Parti communiste chinois.
Au cours de sa carrière, Tashpolat Tiyip a assumé la présidence du département de géographie de l’université du Xinjiang en 1993. Compte tenu de ses qualités de chercheur, de ses compétences d’enseignant et de gestionnaire, il a été promu en 1996 vice-président de l’université du Xinjiang en charge de la recherche, puis en 2010 il est devenu président de l’université et secrétaire adjoint du Parti communiste de l’université sur la base de ses excellentes performances dans les domaines académique et administratif, poste qu’il a occupé pendant huit ans jusqu’à sa détention arbitraire. Il a reçu de constantes félicitations des autorités chinoises pour sa contribution au développement de l’université.
Durant ces dernières années, il a été responsable de treize projets de recherche, parmi lesquels deux projets de la Fondation nationale chinoise pour les sciences de la nature, un «projet de recherche fondamentale d’importance nationale» (Projet 973) et plusieurs projets de coopération internationale, scientifiques ainsi que des projets stratégiques de recherche du ministère de l’Education nationale.
Tashpolat Tiyip a noué des relations étroites avec plus de 50 universités dans 20 pays, dont le Japon, la France, la Turquie, le Kirghizistan, le Kazakhstan et le Turkménistan.
Il a reçu un doctorat honorifique de l’Ecole pratique des hautes études (Sorbonne) en 2008, en l’honneur de l’ensemble de ses travaux sur l’environnement et la mise en valeur des régions arides.
Les médias d’Etat chinois ont publié des articles le louant en tant que leader modèle d’une minorité et ont reconnu que son diplôme «honoris causa» était «un honneur pour Tashpolat Tiyip, mais également pour l’université du Xinjiang». Il a constamment entretenu des relations étroites avec des universités chinoises très reconnues comme l’université Tsinghua et l’Académie des sciences de Pékin et a créé des programmes de bourses d’études pour les étudiants des minorités du Xinjiang dans ces établissements. De nombreux chercheurs du Xinjiang et de Chine ont grandement bénéficié de ses connaissances et ses compétences dans le domaine de l’enseignement étaient reconnues au-delà des frontières de l’université du Xinjiang.
C’est pourquoi nous, professeurs, chercheurs, spécialistes, avons lu avec effroi et stupeur l’information d’Amnesty International évoquant la possibilité d’une exécution imminente.
Nous vous demandons instamment, monsieur le président de la République populaire de Chine, de stopper la procédure d’exécution, peut-être en cours, et de libérer ce grand savant qui est l’un des fleurons de la science environnementale.
Parmi les signataires :
Jean-Christophe Attias : Directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études, Sorbonne
Philippe Béja : Directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), CERI Sciences Politiques
Esther Benbassa : Directrice d’études à l’École Pratique des Hautes Études, Sorbonne Sénatrice (EELV) de Paris
Katia Buffetrille, Ingénieure de recherche, l’École Pratique des Hautes Études, Sorbonne
Hubert Bost : Vice-Président Recherche et Formation graduée, Université Paris Sciences et Lettres (PSL)
Alain Bui : Président de l’Université Versailles Saint Quentin
Marc Bui : Professeur Université Paris 8 et Directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études
Jerome A. Cohen : Professor, NYU Law School
Marie-Françoise Courel : Directrice d’études émérite à l’École Pratique des Hautes Études et Académie des Sciences d’Outremer (ASOM)
Catherine Despeux : Professeure honoraire à l’Institut National des Langues Orientales et civilisations orientales (INALCO)
Vanessa Frangille : Professeure en études chinoises, directrice de EASt, centre de recherche sur l’Asie de l’est à l’Université libre de Bruxelles
Alain Fuchs : Président de l’Université Paris Sciences et Lettres (PSL)
Christophe Goddard : Archéologue et historien CNRS ; directeur du laboratoire d’archéologie et de philologie de l’ENS-EPHE-PSL (AOROC)
Taleghani Mahmoud : Professeur à l’Université de Téhéran, fondateur de l’écomusée du Guilan
Denis Peschanski : Directeur de recherche CNRS, historien
Dilnur Reyhan : Chercheuse à l’Université libre de Bruxelles, présidente de l’Institut Ouïghour d’Europe, enseignante à L’INALCO
Gilles Roussel : Président de la Conférence des Présidents d’Universités (CPU)
Graciela Schneier : Directrice de recherche émérite au CNRS. Présidente de l’Observatoire parisien de l’eau
Sabine Trebinjac : Directrice de recherche au CNRS, ethnomusicologue Chine et Asie centrale
Jean-Michel Verdier : Président de l’École Pratique des Hautes Études, PSL
Cédric Villani : Mathématicien, lauréat de la médaille Fields
Arthur Waldron : Lauder Professor of International Relations, University of Pennsylvania