Mise en examen de Richard Ferrand :
« Politiquement, ce n’est pas tenable » selon Esther Benbassa
Après la mise en examen du président LREM de l’Assemblée nationale, la macronie fait bloc autour de Richard Ferrand, qui garde le soutien d’Emmanuel Macron. L’opposition est partagée entre appels à la démission et respect de la présomption d’innocence.
On fait mieux pour une rentrée parlementaire. Deux jours après l’ouverture de la session extraordinaire à l’Assemblée nationale, son président LREM, Richard Ferrand, est mis en examen pour « prise illégale d’intérêts » dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne. La révélation de cette affaire par le Canard Enchaîné avait déjà conduit ce fidèle d’Emmanuel Macron à quitter le gouvernement en juin 2017.
Fort du soutien de la macronie, qui fait bloc derrière lui, le quatrième personnage de l’Etat a déjà annoncé qu’il comptait rester à son poste. Il est « déterminé à poursuivre sa mission ». Il conserve le soutien de l’Elysée. Emmanuel Macron maintient « toute sa confiance » en Richard Ferrand, a assuré la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, insistant sur le respect de « la présomption d’innocence ». Même soutien du président du groupe LREM de l’Assemblée, Gilles Le Gendre, qui estime qu’« il doit rester à ses fonctions, où il jouit de la confiance et de l’estime d’une très large majorité de députés ».
Reste que politiquement, la situation est compliquée. Sa situation risque d’être difficilement tenable. Mais en cas de départ, qui mettre à sa place ? LREM manque de remplaçant sur le banc de touche, une faiblesse qui n’est pas nouvelle pour le parti présidentiel.
« Le quatrième personnage de l’Etat devrait être au-dessus de tous soupçons »
Une partie de l’opposition entend faire monter la pression et appelle à sa démission. C’est le cas du premier secrétaire du PS, Olivier Faure, qui demande son départ du Perchoir pour « la sérénité du débat public ». Nicolas Dupont-Aignan appelle aussi à sa démission. La porte-parole des Républicains, Lydia Guirous, estime elle sa position « très difficilement tenable sur le court terme ».
La mise en examen ne signe pas la culpabilité mais la sérénité du débat public suppose que ceux qui exercent des fonctions institutionnelles nationales démissionnent en attendant la décision de justice. #ConfianceDansLaViePublique https://t.co/vohsnTnXWt
— Olivier Faure (@faureolivier) September 12, 2019
Du côté d’EELV, la sénatrice Esther Benbassa estime aussi que la situation ne peut en rester là. « Comme la plupart de nos concitoyens, je pense que le quatrième personnage de l’Etat devrait être au-dessus de tous soupçons. Cette mise en examen sème de nouveau le doute autour des politiciens » réagit Esther Benbassa, qui ajoute :
« Il devrait laisser son poste à quelqu’un d’autre ».
La sénatrice EELV de Paris imagine l’exécutif évoluer sur sa position. « Au gouvernement, on a soutenu Benalla et de Rugy dans un premier temps. Puis on lâche. Politiquement, ce n’est pas tenable » selon Esther Benbassa. Elle craint les effets en termes d’image : « Les Français ont envie d’avoir des gens sincères et honnêtes. Je ne dis pas que tout le monde est malhonnête, loin de là, mais on nous soupçonne sans arrêt de détourner de l’argent. Le gouvernement ne se rend pas compte que tout ça n’est pas bon pour la démocratie. Les politiciens doivent donner l’exemple ».
« Etre mis en examen ne veut pas dire coupable »
Tout le monde ne crie cependant pas à la démission. Plusieurs élus sont prudents, dans un contexte où les affaires ont touché tous les bords politique ces dernières années. Le député LR Julien Aubert, candidat à la présidence des LR, rappelle ainsi que Richard Ferrand est présumé innocent. Tout comme Sébastien Chenu, député RN, alors que Marine Le Pen a été mise en examen dans l’affaire des assistants parlementaires.
François Grosdidier, sénateur LR de la Moselle, « regarde ça avec beaucoup de prudence, il ne faut pas tirer de conclusion définitive ». « Etre mis en examen ne veut pas dire coupable. Ça fait des années qu’on est dans un dévoiement, qui vient des politiques eux-mêmes » souligne François Grosdidier.
Dans le cas Ferrand, demander sa démission « n’a pas de sens, y compris chez mes propres amis politiques » souligne le sénateur LR de Moselle, « c’était les premiers à dire que François Fillon n’était pas coupable quand il était mis en examen. Il faut un peu de cohérence ».
Effet boomerang
La question de la cohérence risque de se poser aussi pour le gouvernement. Les propos passés reviennent aujourd’hui en boomerang. « Lorsqu’un ministre est mis en examen, il convient qu’il démissionne immédiatement » avait prévenu le premier ministre Edouard Philippe, après l’ouverture de la première enquête contre Richard Ferrand, quand ce dernier était au gouvernement. Pourquoi la doctrine qui vaut pour un ministre ne vaudrait-elle pas pour le président de l’Assemblée ? C’est la question qui va se poser dans les jours à venir. Lors de l’affaire Fillon, Alain Richard avait pour sa part estimé que l’ancien candidat de la droite avait « perdu toute autorité morale » après sa mise en examen…
Une droite voudrait que soit placé dans nos mairies et nos écoles le portrait d'un homme mis en examen, qui a perdu toute autorité morale.
— Richard Ferrand (@RichardFerrand) April 14, 2017
Du côté d’Anticor, l’association anticorruption qui a relancé l’affaire en déposant plainte, après un premier classement sans suite, on s’étonne pour le moins de la situation. Le maintien de Richard Ferrand au perchoir est « extrêmement choquant », a réagi Jérôme Karsenti, avocat d’Anticor. Quant au président de l’association, Jean-Christophe Picard, il estime qu’« on peut regretter qu’en France, à la différence d’autres pays, les mises en examen et même parfois les condamnations n’ont aucune incidence sur les carrières politiques ».