PJL portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid‑19

Mardi 26 mai, Esther Benbassa intervenait à plusieurs reprises en séance, sur le texte portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid‑19.

Prise de parole à l’article 1 :

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes cherEs collègues,

Dans sa forme première, l’article 1 n’avait pour autre but que d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur plus d’une trentaine de thématiques. Les sujets étaient aussi divers et variés que les règles ayant trait aux CDD, à la prolongation des mandats des conseillers prud’hommaux, l’organisation de la Défense Française ou encore des prérogatives des fédérations sportives pendant la pandémie.

Aucun de ces sujets n’est sans importance et la plupart auraient mérité un projet de loi, afin que le Parlement n’ait pas à se délester en urgence de sa compétence à amender les décisions gouvernementales.

Fort heureusement, l’Assemblée nationale et le travail en commissions au Sénat ont permis de vider pour moitié cet article de sa substance. Ainsi, plusieurs sujets, notamment la question primordiale des étrangers, sont revenus dans le champ des compétences législatives du Parlement, sans nécessiter le recours à l’article 38 de la Constitution.

Nous entendons que le droit français offre à l’exécutif la possibilité de légiférer par ordonnances. Mais comprenez que nous sommes en démocratie et que notre système a été bâti sur la capacité du Parlement à contrôler – et corriger si nécessaire – l’action gouvernementale. Il n’est pas tolérable de nous faire travailler dans ces conditions, sur des sujets disparates et avec une méthode qui bride le législateur dans son pouvoir d’amendement des projets de loi.
Souffrez donc, Monsieur le Ministre, que nous existions et que nous nous exprimions.
Je vous remercie.

Défense d’amendement article 1er bis

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes cherEs collègues,

L’article L313-7 du CESEDA prévoit actuellement qu’un étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » est autorisé à travailler à 60% de la durée de travail annuelle.
Par cet article 1er bis, le Gouvernement nous propose d’augmenter cette durée du travail à 80%, de manière dérogatoire, jusqu’à la date de reprise effective des cours dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur.
Nous ne pouvons hélas nier la situation de nombre d’étudiants étrangers. Leur quotidien est précaire et leurs ressources particulièrement faibles.
Ce dispositif est à double-tranchant : certes, il pourrait constituer un complément de revenu non-négligeable pour les étudiants étrangers. Mais il est également représentatif de la manière dont le Gouvernement aborde la question des migrants sur son territoire.
Pour l’exécutif, l’étranger ne saurait bénéficier de véritables droits. Ceux-ci devraient donc être dérogatoires, partiels, temporaires, conditionnés à une conjoncture spécifique et utiles à l’économie française.
Nous estimons au contraire que l’Etat devrait être garant de toutes les personnes touchées par la précarité. Il est donc de son devoir de sécuriser les droits des étudiants étrangers et de ne pas les conditionner à l’urgence sanitaire.
Nous souhaitons donc, par cet amendement, faire en sorte que le dispositif ici présenté n’ait pas une application limitée dans le temps, mais soit inscrit de manière pérenne et durable dans le CESEDA.
Je vous remercie.

Esther Benbassa a aussi déposé les amendements ci-dessous :

Défense d’amendement Article 1er ter

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes cherEs collègues,

La pandémie que connaît notre pays affectera durablement notre économie. D’ores et déjà, certains secteurs sont fortement touchés et tournent au ralenti. C’est le cas notamment du monde agricole, qui souffre actuellement d’une pénurie de main- d’œuvre, le nombre de travailleurs saisonniers ayant fortement chuté en raison de l’épidémie.

Pour faire face à cette situation, le Gouvernement a donc décidé d’allonger de six à neuf mois la durée pendant laquelle des travailleurs saisonniers étrangers peuvent exercer une activité professionnelle sur notre territoire et ce, à titre dérogatoire, tant que l’état d’urgence sanitaire sera de mise.

Nous aurions pu nous réjouir de cette mince avancée  pour les travailleurs étrangers saisonniers, si celle-ci n’était pas due à une simple question conjoncturelle. Pour l’exécutif, le droit des personnes étrangères n’est qu’une variable d’ajustement, qui n’a vocation à évoluer qu’en fonction des situations.

Le Gouvernement ne fait que peu de cas de cette population migrante, simplement considérée comme de la main-d’œuvre, susceptible d’amortir les répercussions de la pandémie sur notre économie.

Si des droits sont accordés, ils doivent être durables et non pas conditionnés à l’urgence sanitaire.

La rédaction de l’article 1er ter n’est donc pas satisfaisante, puisque le dispositif proposé ne revêt qu’un caractère temporaire.

Ainsi, afin de reconnaître davantage la valeur des travailleurs saisonniers étrangers, le présent amendement souhaite-t-il modifier le CESEDA de manière pérenne, afin que ceux-ci puissent bénéficier de ces nouveaux droits sans limitation dans le temps.

Je vous remercie.

Défense d’amendement article additionnel après l’article 1er quater B

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes cherEs collègues,

La pandémie liée au Covid-19 a rendu encore plus vulnérables  des populations qui l’étaient déjà auparavant. Parmi elles se trouvent les personnes étrangères.

Tout au long du confinement, des associations comme la Cimade n’ont eu de cesse de nous alerter sur la précarité grandissante des personnes migrantes, notamment les plus jeunes, entrées dans l’âge adulte depuis peu,

Elles semblent être les plus démunies, parce qu’elles ne sont souvent pas accompagnés de leurs parents. Elles n’ont par ailleurs pas acquis une expérience de vie solide, pouvant leur permettre de mener à bien leurs démarches administratives.

Autonomes par le droit, en raison de leur âge, ces jeunes adultes migrants ne le sont pas dans les faits.

Le présent amendement a donc pour objectif de donner une relative stabilité à ceux-ci, en délivrant automatiquement une autorisation provisoire de séjour aux personnes accédant à la majorité. Il est également proposé de fournir un récépissé de demande de titre de séjour à ceux qui atteignent 19 ans pendant l’état d’urgence sanitaire.

Il n’est pas acceptable que la peur de l’expulsion s’ajoute à celle engendrée par l’épidémie de coronavirus. Une telle mesure devrait donc permettre aux jeunes migrants d’aborder avec moins d’inquiétude  leur séjour sur le territoire français.

Je vous remercie.

Défense d’amendement ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L’ARTICLE 1er TER 

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes cherEs collègues,

Actuellement, les personnes étrangères titulaires d’un CDD bénéficient d’un titre de séjour portant la mention « travailleur temporaire ».

Malheureusement, la pandémie liée au Covid-19 a rudement éprouvé notre économie. De nombreuses entreprises ont dû cesser leurs productions, faute d’activité. Comme tous les salariés en France, les travailleurs étrangers ont été également  impactés.

Or, pour ces populations, leur présence sur le sol français est conditionnée au maintien dans l’emploi. Sans activité professionnelle, il est à craindre que leur titre de séjour mention « travailleur temporaire » ne soit considéré comme caduque par les autorités françaises.

Une telle situation serait injuste pour ces travailleurs, dont la perte d’emploi ne serait due qu’aux circonstances sanitaires et non à un manque de compétences.

Il est essentiel que pour les travailleurs étrangers présents légalement sur notre territoire, la peur de l’expulsion et du chômage ne s’ajoute pas à l’anxiété engendrée par la pandémie.

Ainsi, il est-il proposé par cet amendement que la perte d’un emploi en raison de l’épidémie de Covid-19 ne puisse être opposée au renouvellement du titre séjour des travailleurs temporaires, pendant l’état d’urgence sanitaire et dans un délai de six mois à compter de la fin de celui-ci.

Une telle proposition devrait permettre de sécuriser la situation des salariés étrangers présents actuellement en France.

Je vous remercie.

Défense d’amendement n°1 Article 1er quater B

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes cherEs collègues,

Le présent article prévoit la prolongation des différents types de titres de séjour dont bénéficient les personnes étrangères, pouvant ou ayant pu expirer entre le 16 mai 2020 et le 15 juin 2020.

Ainsi, est prolongée pour 180 jours la validité des visas de longs séjours, les titres de séjour à l’exception de ceux délivrés au personnel diplomatique et consulaire étranger, les autorisations provisoires de séjour et les récépissés des demandes de titres de séjour.

Les attestations de demande d’asile bénéficieront elles d’une prolongation de leur validité pendant 90 jours.

Nous saluons cette décision qui semble aller dans le bon sens.

Deux éléments nous interpellent cependant.

Tout d’abord, nous ne jugeons pas nécessaire de marquer une différence entre les attestations de demande d’asile et les autres titres de séjour en terme de durée de leur validité. Le présent amendement vise par conséquent à harmoniser cet élément, afin que tous les titres et attestations de séjour bénéficient d’un renouvellement de leur effectivité pour 180 jours.

Il est ensuite à craindre que la date du 15 juin ne soit précipitée. Les Préfectures sont surchargées de demandes multiples. Elles pourraient ainsi ne pas avoir repris une activité normale à cette date. Par prudence, nous proposons dans cet amendement de repousser cette échéance au 10 juillet, soit à la fin prévue de l’état d’urgence sanitaire, prolongé par la loi du 11 mai 2020. Cette disposition devrait permettre aux Préfectures de gérer au mieux leur charge de travail et de ne pas traiter les demandes des étrangers dans une hâte contre-productive.

Je vous remercie.

Défense d’amendement n°2 Article 1er quater B

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes CherEs collègues,

Le présent amendement est un amendement d’appel, visant à alerter notre Haute Assemblée sur les risques que pourraient engendrer le déconfinement sur l’activité de nos administrations préfectorales.

Depuis le 11 mai, les Français ont retrouvé une relative liberté. Il est pour l’heure difficile d’évaluer l’impact de cet événement sur la circulation du coronavirus parmi nos concitoyens.

Le risque d’une deuxième vague n’est pas à négliger. De nouveaux clusters semblent en effet se déclarer dans des abattoirs et des écoles au sein des zones pourtant classées « vertes ». A la lumière de ces éléments, un nouveau pic de la pandémie est à craindre.

Une telle éventualité signifierait probablement le reconfinement de la population au mois de juin et pour une durée indéterminée. Cela engendrerait une incapacité de nos Préfectures à traiter les demandes des personnes migrantes dans des conditions adéquates.

Ainsi, et afin de permettre la décongestion progressive des services préfectoraux, il est proposé par cet amendement de décaler la date d’expiration des titres de séjour du 15 juin au 4 septembre.

Une telle proposition permettrait de sécuriser les droits des étrangers susceptibles de se trouver en situation irrégulière au cours de l’été, tout en donnant  aux Préfectures la possibilité de traiter les demandes dans un délai raisonnable.

Je vous remercie.

Prise de parole à l’Article 1er quater C

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes cherEs collègues,

Le présent article prévoit la prolongation du bénéfice de l’Allocation pour Demandeur d’Asile aux  personnes étrangères, qui auraient cessé d’y être éligibles à compter du mois de mars 2020.

Nous ne pouvons que saluer une telle décision, l’ADA permettant à plusieurs milliers de personnes migrantes de recevoir quotidiennement un revenu. Cette somme est souvent la seule qui leur est attribuée et qui leur permet de survivre.

Cet article nous donne par ailleurs l’occasion d’attirer l’attention du Gouvernement sur un problème qui pourrait bientôt se poser aux étrangers bénéficiaires de cette allocation.

En raison d’une obsolescence programmée des cartes de paiement de l’ADA, l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration va devoir remplacer 60 000 de ces cartes d’ici à la fin du mois d’août.

Afin de pouvoir récupérer leur moyen de paiement, les personnes bénéficiant de l’ADA vont donc prochainement être convoquées aux directions territoriales de l’OFII.

Dans certaines régions particulièrement vastes, comme la Bretagne et la Nouvelle-Aquitaine, les directions territoriales sont peu nombreuses. Il sera difficile pour certaines personnes migrantes de récupérer leur carte, sans déroger au périmètre des 100 km de déplacement autorisés.

Nous espérons que le Gouvernement mettra en place un régime dérogatoire, afin de permettre aux demandeurs d’asile de bénéficier de leurs droits, tout en respectant les préconisations gouvernementales en matière de trajet autorisé.

Je vous remercie.