PJL Asile et Immigration : Prises de parole sur les articles 4 et 5 au Sénat (19 juin 2018)

Dans la soirée de mardi, 19 juin 2018, j’ai interpellé le Gouvernement sur l’article 4 et 5 du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.

Retrouvez ci-dessous mes prises de paroles.

 

Explication de vote de l’article 4 :

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Mes chers collègues,

L’article 4 du projet de loi vise à étendre, dans deux séries d’hypothèses où il existe des motifs sérieux de sécurité, les possibilités pour l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de refuser ou retirer le statut de réfugié. Il vise également à renforcer l’obligation faite à l’autorité judiciaire de communiquer à l’OFPRA toute information susceptible de justifier une telle décision et, en parallèle, à permettre de procéder à des enquêtes administratives pouvant conduire au refus ou au retrait de titres de séjour ou d’une protection internationale.

Ici encore, il est proposé de revenir sur une disposition, l’article L. 711-6 du CESEDA, dont la création remonte à moins de 3 ans. Pour la durcir naturellement, notre commission des lois ayant même souhaité étendre le champ des comportements susceptibles de fonder un refus ou un retrait du statut de réfugié.

Des milliers de personnes meurent de vouloir rejoindre le continent européen, le Parlement et l’exécutif préfèrent, à l’accueil digne, envoyer un message sécuritaire.
Rien de surprenant peut-être mes chèrEs collègues mais il y a quelque chose de terrifiant de voir des thèses, des idées insidieuses habituellement réservées à l’extrême droite, aujourd’hui utilisées par presque tous les bords politiques.

Faire penser aux citoyens, qui pourraient à raison être choqués de voir comment la supposée patrie des droits humains traitent les exilés, que parmi eux se cachent sans doute des terroristes. Voici ce contre quoi nous nous battons.

Les procédures existent pour refuser ou retirer le statut de réfugié, c’est tout à fait légitime mais les durcir me paraît pour le moins inutile et relever d’une vision uniquement sécuritaire et dissuasive de la question migratoire qui, elle me semble vaine.

Je vous remercie.

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Explication de vote de l’article 5 : 

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Mes chers collègues,

Le présent article 5 ne peut que nous heurter par la sinistre logique comptable que le Gouvernement souhaite imposer au traitement des dossiers des exilés.

En effet, cet article prévoit notamment une réduction de 120 à 90 jours du délai courant de l’entrée sur le territoire français et au-delà duquel le dépôt d’une demande d’asile d’un requérant peut entraîner, à la demande de l’autorité administrative, l’examen de celle-ci selon la procédure accélérée. Quelle injustice ! Car le placement en procédure accélérée prive tout bonnement le justiciable de la collégialité devant la CNDA et raccourcit le délai de préparation du dossier, au détriment de la qualité de l’instruction. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous pouvons ainsi craindre des traitements de dossiers faits à la hâte et de ce fait des décisions rendues éthiquement contestables. Par cet article, ce sont les requérants qu’on pénalise dans la formation de leur requête, mais également l’instruction des agents de la CNDA qu’on dessert en leur imposant une logique de rendement. Cette philosophie quantitative plutôt que qualitative devrait pourtant être proscrite dans le traitement administratif de ce type de dossiers.

Au groupe CRCE, nous contestons d’autres mesures  du présent article comme la disposition qui autorise l’OFPRA à adresser la convocation au requérant à  son entretien individuel « par tout moyen ». Les rédacteurs du présent PJL méconnaissent-ils la réalité au point de croire que tous les exilés disposent d’un téléphone portable, d’une adresse pour recevoir un courrier postal ou internet pour se voir communiquer un mail ? Je ne le pense pas. Je crois hélas, que l’exécutif fait le pari cynique qu’ainsi le nombre de requérants déboutés sera multiplié, ceux-ci  n’ayant pu défendre leur cause, ne s’étant rendu à l’entretien individuel avec l’OFPRA.

Mes chers collègues ces exilés, qui ont fui la guerre, la misère, les dégradations climatiques, l’instabilité politique… méritent un traitement plus digne de leur demande d’attribution de titre de séjour, qu’un traitement déshumanisé et mathématique de leur requête.

Je vous remercie.