Intervention d’Esther Benbassa sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité (19 décembre 2017)

PJL 162 :

portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité

 

Discussion générale

Mardi 19 décembre 2017

Esther Benbassa, sénatrice EELV – 6 minutes

« Monsieur le Président,

Madame, la Ministre, Monsieur le Ministre,

Monsieur le rapporteur,

Mes Chèr.e.s collègues,

Le projet de loi qui nous réunit aujourd’hui a pour objet de transposer ou de mettre en œuvre des directives ou décisions européennes dans notre droit. Les sujets abordés sont à la fois variés et techniques puisque, si le titre Ier transpose la directive du 6 juillet 2016 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d’information dans l’Union, le titre 2 transpose, pour sa part, la directive du 17 mai 2017 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes.

Quant au titre 3, il met en œuvre la décision n° 1104/2011/UE du Parlement européen et du conseil du 25 octobre 2011 relative aux modalités d’accès au service public réglementé offert par le système mondial de radionavigation par satellite issu du programme Galileo.

Si le temps qui m’est imparti ne me permet malheureusement pas de revenir en détail sur chacune des très nombreuses dispositions de ce texte, je souhaiterais toutefois faire quelques remarques d’ordre général.

D’abord sur le déclenchement de la procédure accélérée qui est souvent regrettable et plus particulièrement s’agissant d’un texte aussi dense et complexe.

Permettez-moi, mes cher.e.s collègues, de vous citer, pour illustrer mon propos, un passage des conclusions de la Commission des lois : « tout en relevant le risque d’inconstitutionnalité de l’article 6 du projet de loi qui, en raison de son manque de précision, pourrait être jugé contraire au principe de légalité des délits et des peines, la commission n’a pas été en mesure d’y apporter des améliorations, les consultations portant sur le socle minimal de mesures de sécurité à imposer aux opérateurs économiques essentiels n’étant pas achevées au niveau interministériel ». Edifiant, n’est-ce pas ? Par manque de temps pour travailler de manière satisfaisante, la commission se contente de relever le risque d’inconstitutionnalité.

Ensuite, quel besoin y-avait-il de traiter de trois sujets distincts mais d’égale importance dans un même texte ? La cybersécurité, la réglementation sur les armes à feu civiles et le système de positionnement par satellite Galiléo recouvrent des enjeux bien différents qui auraient mérités d’être traités séparément dans un temps propice à un travail parlementaire de qualité.

Faut-il le rappeler, mes cher.e.s collègues, nos concitoyens font preuve d’un véritable désamour vis-à-vis de l’Europe et de ses institutions qu’ils envisagent au mieux comme une bureaucratie intrusive, au pire comme un instrument supplémentaire de paupérisation.

Plutôt que de faire preuve de pédagogie, de montrer la nécessité de construire, ensemble, un socle de droits et de devoirs cohérents, nous examinons, pardonnez ma familiarité, à la va-vite un texte fourre-tout, qui plus est à une heure tardive et à la veille des vacances de Noël. Au-delà du fond de ce projet de loi, le signal envoyé est, me semble-t-il, dommageable.

Sur le fond pourtant, il y avait matière à montrer que l’Europe peut être protectrice et parfois même faire fi des pressions des lobbies. Prenons l’exemple de la directive relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes. Ce texte, demandé par la France après les attentats de 2015, a pour objet de réduire les sources potentielles de trafic illégal d’armes à feu et de limiter l’accès aux armes les plus dangereuses. Il vise notamment à lutter contre le détournement à des fins criminelles d’armes prétendument neutralisées.

Eh bien, ce texte existe, malgré l’intense lobbying des « pro-armes » au Parlement européen souvent relayé par les députés conservateurs et d’extrême-droite, voire par certains libéraux.

Comme l’a rappelé notre collègue eurodéputé Pascal Durand dont je partage l’analyse : « les progrès règlementaires sont le fruit d’un compromis entre les objectifs de sécurité publique, en luttant notamment contre les risques de trafic d’armes, et la possibilité d’acquérir une arme sur le marché intérieur. Ceci implique, entre autres, le contrôle de l’identité des personnes acquérant une arme en ligne et, de la part des États membres, le partage des informations sur la possession d’armes à feu sur leur territoire.

Par ailleurs, la vérification périodique ou continue de l’aptitude psychologique à détenir une arme à feu est désormais obligatoire et des restrictions s’appliquent sur l’entreposage des armes. »

Ce sont là de véritables avancées pour la sécurité commune comme pour la sécurité de chacune et chacun et nous nous en réjouissons.

Ainsi, c’est avec le sentiment d’un travail pas tout à fait accompli mais convaincu de la nécessité de poursuivre la construction d’un droit européen cohérent que le groupe CRCE soutiendra ce texte.

Je vous remercie.  »

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