Intervention d’Esther Benbassa lors de la Discussion Générale de la mission « Outremer » du PLF 2019
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le rapporteur général,
Mes Chèr.e.s collègues,
Pauvreté et précarité records, problèmes d’éducation alarmants, criminalité grandissante, manque d’infrastructures scolaires et hospitalières… De quoi parle-t-on mes cher.e.s collègues ? De nos banlieues ? De nos milieux ruraux ? D’un énième espace où l’Etat est en recul dans la France métropolitaine d’Emmanuel Macron ? Non. Tout simplement d’autres territoires oubliés de la République qu’on occulte bien trop souvent : les outre-mer.
Je souhaite dresser le constat des grandes difficultés que rencontrent ces régions et départements : la dernière étude de la CNCDH sur l’effectivité des droits de l’homme dans les outre-mer fait état de situations d’extrême pauvreté auxquelles doit faire face un pourcentage élevé des populations ultramarines. L’exclusion sociale est provoquée notamment par un système éducatif limité, ne pouvant qu’avoir des répercussions négatives sur l’insertion socio-professionnelle et le développement des territoires. Les infrastructures scolaires délabrées et mal réparties ne permettent pas aux jeunes d’avoir accès à une éducation de qualité.
Sur le volet sanitaire, le constat est également préoccupant : le taux de la mortalité infantile et maternelle est largement supérieur à celui de la Métropole. Pourtant, cette situation est décrite comme évitable, car la surmortalité serait due au manque de moyens dans les établissements hospitaliers et au manque de mesures thérapeutiques. En outre, les spécificités climatologiques de ces territoires entraîneraient une prévalence des maladies infectieuses et parasitaires, couplées à un déficit d’accès à l’eau potable, notamment à Mayotte et en Guyane. Les enjeux de santé publique les plus élémentaires sont négligés et ce, au détriment d’une population particulièrement exposée.
Ces régions et départements d’outremer ayant souffert trop longtemps du manque d’investissement de l’Etat et du recul des services publics dans leurs territoires, nous attendions beaucoup du budget qui leur serait alloué. Nous notons, Madame la Ministre les augmentations de crédits d’engagement qui sont permises par ce PLF 2019, bien qu’elles soient bien moindres que ce que laissaient présager les documents budgétaires liminaires, transmis à l’Assemblée Nationale en octobre.
Mes cher.e .s collègues, nous vous enjoignons cependant à voir d’un peu plus près le détail des dépenses promises par ce PLF. Plusieurs écueils devraient attirer votre attention.
Dans ce budget, Madame la Ministre, vous faites le choix de doter massivement l’investissement privé pour l’emploi et les entreprises et ce, au détriment du programme « vie en outremer », dans lequel nous pouvons constater une réduction des financements accordés aux services publics et une stagnation de ceux alloués aux collectivités territoriales. Une fois de plus, vous appliquez votre doxa qui laisse entendre que le progrès social passe avant tout par une bonne santé économique, alors même que la pauvreté et la précarité de ces territoires nécessiteraient qu’on investisse davantage dans les services publics.
Le deuxième est le choix discutable que vous faites en matière économique : alors que vous promettez plus d’un milliard d’euros pour redynamiser les territoires ultramarins, vous ne faites le choix que d’accorder 15 millions à un « fond vert » destiné à lutter contre les changements climatiques et à investir dans les énergies renouvelables. Il s’agit là d’un acte manqué. Au regard du climat majoritairement tropical des outre-mer et en tenant compte du fait que la France est la deuxième puissance maritime mondiale, nous avions les moyens de devenir les champions des énergies propres, notamment hydraulique et solaire. Une fois de plus, le Gouvernement est absent lorsqu’il aurait pu impulser une politique économique novatrice dans ces territoires.
Mes chers collègues par les résultats du référendum du 4 Novembre en Nouvelle-Calédonie, des ultramarins ont renouvelé leur confiance en l’Etat français et ont signifié leur volonté d’appartenir à notre Nation. Nous ne saurions leur répondre en les considérant comme des citoyens de seconde zone.
Puisque ce PLF manque d’ambition, et qu’il porte un énième coup de rabot aux services publics ultramarins et ne prend pas suffisamment en compte les spécificités économiques, sanitaires, sociales, territoriales et climatiques de l’outremer, nous voterons contre le budget de cette mission.
Je vous remercie.