Lundi 22 juin, Esther Benbassa intervenait en séance lors de l’examen du texte sur la sortie de l’Etat d’urgence sanitaire.
En hémicycle. Alors qu'il prétend mettre fin à l'#étatdurgence sanitaire le 10 juillet, le gvt veut garder jusqu'au 30 octobre la possibilité de remettre en quarantaine nos #droits et nos #libertés, notamment celles de nous #rassembler et de #manifester. Pourquoi ? Pas sorcier… pic.twitter.com/iGNTp7onB2
— Esther Benbassa ? (@EstherBenbassa) June 22, 2020
Prise de parole à l’article 1 :
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cherEs collègues,
Mis en place le 23 mars, l’état d’urgence sanitaire avait méthodiquement organisé le placement en quarantaine de nos libertés individuelles, fondamentales et publiques.
Face à la crise liée au Covid-19, nous avions accepté cet état de fait, tout en dénonçant les possibles dérives d’un tel droit d’exception.
Force est hélas de constater que nos craintes étaient fondées. Alors que le Gouvernement s’apprête à mettre fin à l’état d’urgence sanitaire le 10 juillet, il estime également nécessaire de se doter de certains de ses outils jusqu’au 30 octobre.
Si cet article était adopté, le Premier Ministre et le Préfet se verraient notamment attribué le droit de réguler la circulation des individus, d’ordonner la fermeture d’établissements recevant du public et surtout de réglementer la tenue des rassemblements.
Une telle volonté est incompréhensible. Si l’exécutif demande la fin de l’état d’urgence, c’est qu’il estime que la crise sanitaire est sous contrôle. Pour quelle raison alors souhaite-t-il entraver la capacité de nos concitoyens à se réunir et à manifester ?
Entre droit d’exception et droit commun, le Gouvernement veut désormais définir une troisième voie transitoire, où le premier se fondrait dans le second.
Une telle situation n’est pas souhaitable : avec la fin de l’urgence sanitaire doit venir le déconfinement de nos droits et libertés. L’exécutif ne saurait se livrer à une gouvernance solitaire par décrets, venant retreindre et réguler nos moindres faits et gestes.
Je vous remercie.
En hémicycle. Le gvt veut conserver au-delà de la fin de l'#étatdurgence les données personnelles recueillies dans le cadre de la mise en œuvre d'un #tracking numérique. Ns avions redouté cette dérive, et ns avions raison. Mieux vaut toujours #dépister que #pister… #BigBrother pic.twitter.com/7WLm2C7EX6
— Esther Benbassa ? (@EstherBenbassa) June 22, 2020
Prise de parole à l’article 2 :
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cherEs collègues,
Il y a quelques mois, dans le cadre du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, nous avions demandé des mesures préventives afin d’endiguer la croissance du nombre de cas de Covid-19 sur notre territoire.
Aux masques et aux tests gratuits, le Gouvernement a préféré la mise en place d’un système informatique, permettant de retracer les chaînes de contaminations au sein de la population. Déjà à l’époque, nous vous alertions sur les dangers engendrés par la collecte de telles données numériques et personnelles. Notre crainte était que nous basculions progressivement dans une société Orwellienne de tracking généralisé. Autant vous dire que l’article 2 de ce projet de loi n’est pas de nature à nous rassurer, puisque l’exécutif nous propose désormais d’allonger la durée de conservation des données collectées dans le cadre des systèmes d’information, mis en œuvre pour lutter contre l’épidémie.
Or, la conservation des données pose un sérieux problème de confidentialité et porte manifestement atteinte à la vie privée des Français.
Pour seule assurance, le Gouvernement nous avait affirmé que la collecte et la conservation des données seraient strictement liées à la durée de l’état d’urgence sanitaire. En ce sens, si l’exécutif estime nécessaire que nous sortions dès le 10 juillet de ce régime d’exception, pourquoi s’entête-t-il à vouloir conserver davantage les informations liées à la pandémie ?
J’ai bien peur qu’une fois de plus, le Gouvernement ne fasse fausse route. Afin de réussir la sortie de l’urgence sanitaire et prévenir le risque d’une recrudescence de l’épidémie, il faut dépister et non pister.
Je vous remercie.
Défense d’amendement interdiction circulation des transports
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cherEs collègues,
Le dimanche 14 juin, le Chef de l’Etat, Emmanuel Macron nous annonçait que l’ensemble de la France métropolitaine passait en « zone verte » sur le plan sanitaire.
Nous accueillons avec joie mais prudence cette nouvelle, qui laisse présager un prochain retour à la normale.
Dans ces conditions, il semble légitime que l’état d’urgence sanitaire, institué par la Loi du 23 mars 2020, prenne fin.
Nous tenons donc à pointer du doigt l’incohérence du Gouvernement qui souhaite ici créer un droit hybride, entre le droit commun et le droit d’exception en vigueur pendant l’épidémie.
Monsieur le Ministre, si vous estimez que la pandémie est suffisamment sous contrôle pour que nous puissions nous passer de l’état d’urgence sanitaire, agissez en conséquence !
Que des réglementations soient conservées un temps, notamment en matière de port du masque ou de respect des gestes barrières dans les transports en commun, nous l’entendons parfaitement. Ces précautions nous semblent parfaitement raisonnables.
Mais il nous paraît excessif de donner au Premier Ministre la capacité d’interdire la circulation des véhicules et l’accès aux transports publics, si une recrudescence du nombre de cas de Covid-19 venait à survenir sur notre territoire.
Une telle mesure, attentatoire à l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen sur la liberté de circulation, est disproportionnée, à l’heure où l’exécutif souhaite assurer une transition vers la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Ainsi, le présent amendement demande-t-il la suppression de la mention « ou interdire » à l’alinéa 2 de l’article 1.
Le virus est toujours présent, latent. Nous sommes donc favorables à ce que des précautions soient de mises. Mais sans disproportions.
Je vous remercie.
Défense d’amendement fermeture des établissements pouvant recevoir du public
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cherEs collègues,
Le présent alinéa 3 confie au Premier Ministre la possibilité de fermer provisoirement les établissements pouvant recevoir du public. Ce pouvoir lui serait attribué à la fin de l’état d’urgence sanitaire, soit le 10 juillet et jusqu’au 30 octobre, en cas de rebond du nombre de contaminations liées au coronavirus.
Cette disposition pourrait notamment être appliquée aux monuments historiques, aux lieux de culte et aux restaurants.
Une telle mesure semble disproportionnée et peu raisonnable au regard de la conjoncture économique. Les secteurs du tourisme et de la restauration ont été durement impactés par la crise liée au Covid-19. Leurs pertes s’élèvent aujourd’hui à plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaire.
Il est donc vital que ces pans de l’économie puissent reprendre une activité normale dans les plus brefs délais.
S’il est acceptable, par précaution, que des réglementations soient maintenues quelques temps, notamment en matière de respect des gestes barrières, il semble excessif de confier au Premier Ministre un pouvoir de fermeture temporaire des établissements, à l’heure où le Gouvernement estime qu’il est temps de mettre un terme à l’état d’urgence sanitaire.
Nous appelons l’exécutif à faire preuve de cohérence : si la situation sanitaire est propice à ce que l’état d’exception prenne fin, elle l’est également pour que les mesures les plus drastiques prises pendant la pandémie cessent de s’appliquer.
Ainsi est-il proposé par le présent amendement de supprimer la mention « ordonner la fermeture provisoire » à l’alinéa 3 de l’article 1 du présent projet de loi.
Je vous remercie.
Défense d’amendement information du Parlement
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cherEs collègues,
L’alinéa 13 prévoit que le Parlement est « informé sans délai des mesures prises par le Gouvernement » dans le cadre de la mise en application de l’article 1 du présent projet de loi.
Il est évidemment nécessaire que l’Assemblée nationale et le Sénat puissent exercer un suivi des lois votées.
Nous tenons cependant à dénoncer par cet amendement d’appel l’attitude du Gouvernement à l’encontre du pouvoir législatif.
Cet alinéa est en effet particulièrement révélateur du rôle que l’exécutif souhaite confier au Parlement dans le cadre de la sortie progressive de l’état d’urgence sanitaire. Alors que le Premier Ministre serait habilité à légiférer par décrets, le Parlement serait lui cantonné à un simple rôle d’observateur que l’on informe par courtoisie institutionnelle.
S’il faut le rappeler, c’est bien le Gouvernement qui est responsable devant le Sénat et l’Assemblée nationale. Et c’est bien le Parlement qui a pour mission constitutionnelle de légiférer.
Il n’est pas acceptable que les Chambres parlementaires soient réduites à un rôle d’enregistrement et d’habilitation de l’exécutif à légiférer par ordonnances ou décrets.
En conséquence, le présent amendement demande symboliquement la suppression de l’alinéa 13. Plus qu’un devoir d’information envers le Parlement, le Gouvernement doit lui garantir les conditions adéquates à l’exercice de ses fonctions législatives.
Il est urgent que les élus de la Nation et des territoires retrouvent leur capacité à édicter les lois.
Je vous remercie.
Défense d’amendement sanctions pénales introduites dans le droit pendant l’état d’urgence sanitaire
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cherEs collègues,
Par les lois du 23 mars et du 11 mai 2020, le législateur a institué un certain nombre de dispositions pénales et répressives.
Ces mesures visaient à garantir la sécurité de nos concitoyens pendant la crise sanitaire, en sanctionnant le non-respect des règles édictées afin de contrer la pandémie, notamment sur le confinement ou sur l’application du port du masque et des gestes barrières dans les transports en commun et les lieux publics.
Il est aujourd’hui proposé par l’alinéa 16 de l’article 1 de permettre au Premier Ministre d’avoir recours à ces dispositions après le 10 juillet et la sortie de l’état d’urgence sanitaire, si une augmentation du nombre de cas de Covid-19 était à déplorer.
Les auteurs du présent amendement dénoncent la banalisation que fait l’exécutif de ces mesures coercitives et répressives. Si ces sanctions pénales ont été introduites dans notre législation, c’est uniquement parce que la crise sanitaire l’exigeait.
De telles mesures ne sauraient être utilisées en dehors du cadre dans lequel elles ont été édictées. Présentes à l’article L.3136‑1 du code de la santé publique, ces dispositions pénales n’ont pas vocation à voir leur champ d’application élargi.
Dans un état de droit, les mesures adoptées dans des circonstances sanitaires exceptionnelles ne peuvent devenir la règle. Ainsi est-il proposé par le présent amendement de supprimer l’alinéa 16.
Je vous remercie.