Par C.Dubois.
« Le délit de racolage, renforcé en 2003 dans le cadre de la loi pour la sécurité intérieure via l’article 225-10-1 du code pénal (qui avait ajouté la notion de racolage passif), et passible de deux mois d’emprisonnement et jusqu’à 3 750 euros d’amende, devrait être prochainement supprimé. La première étape parlementaire s’est jouée au Sénat le 28 mars avec l’adoption d’une proposition de loi déposée par Esther Benbassa, sénatrice écologiste du Val de Marne.
Cette proposition qui supprime complètement le délit de racolage doit désormais être discutée et votée à l’Assemblée nationale. En parallèle, une loi plus globale sur la prostitution est en cours d’élaboration.
Principal argument en faveur de l’abrogation de ce délit de racolage : les prostituées sont d’abord des victimes et non des coupables. «Je ne puis croire que la pénalisation soit la voie de la rédemption sociale, surtout lorsqu’elle prend comme cible les plus vulnérables des personnes prostituées, pas les escort girls, par exemple, qui ne sont nullement touchées par le délit de racolage, de même que leurs clients aisés ne seraient pas touchés par la pénalisation du client, a ainsi posé Esther Benbassa en préambule de la discussion parlementaire. Faut-il revenir à la situation d’avant 2003, et sanctionner le racolage actif par une contravention de cinquième classe, à supposer que l’on puisse clairement préciser ce qu’il est ? Faut-il à tout prix qu’une personne prostituée soit punie du seul fait qu’elle se prostitue, qu’elle paie pour qu’elle comprenne qu’elle « pèche » ? Comment soutenir, d’un côté, que les prostituées sont des « victimes », et, de l’autre, les sanctionner ? », a insisté la sénatrice en invitant à l’élaboration d’une grande loi de prévention, d’insertion sociale et professionnelle, de prise en charge de la santé des personnes prostituées..
Un autre argument, avancé par la rapporteure de la commission des lois, Virgie Klès, est celle de l’inefficacité de cette disposition pour lutter contre le proxénétisme, grâce à la garde à vue des prostituées pour les faire parler : «Il est possible d’entendre les prostituées sous le statut de témoin assisté, ce qui permet d’obtenir les mêmes informations qu’en les plaçant en garde à vue. Dans les deux cas, elles ne disent rien : on peut cependant fouiller leur sac, et c’est la puce de leur téléphone qui permet de remonter vers les proxénètes.» Un point contre lequel s’est inscrite en faux la sénatrice UMP Joëlle Garriaud-Maylam, qui a cité les propos de Yann Sourisseau, commissaire de police, chef de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) à la Direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ), auditionné par le Sénat quelques jours plus tôt sur ce sujet : «Le mieux peut être l’ennemi du bien. Le texte sur le délit de racolage est un texte imparfait, je l’ai dit, mais il fonctionne. Supprimons-le et dans trois ans nous serons revenus à la situation d’il y a dix ans. Et la population demandera aux élus que vous êtes de revenir sur cette suppression. La plupart des victimes de la prostitution sont soumises à des réseaux. Tout ce qui peut compliquer le travail des réseaux est donc le bienvenu, et le délit de racolage le complique énormément.»
De son côté, Laurence Cohen, sénatrice communiste du Val de Marne, a rappelé l’estimation de 85 % à 90 % de prostituées sous le joug de proxénètes et insisté sur la nécessité de concentrer la répression sur ces derniers et non les prostituées elles-mêmes, tout en affirmant que l’abrogation du délit de racolage ne suffira pas : «Nous considérons cette proposition de loi comme une première étape, qui doit être suivie rapidement par l’élaboration d’une loi globale, afin de conforter les associations et de trouver des réponses aux situations vécues par celles et ceux que l’on prostitue.»
D’autres sénateurs, les socialistes Jean-Pierre Godefroy et Philippe Kaltenbach, ont plaidé pour punir uniquement le racolage actif, tandis que Chantal Jouanno (UDI) a déposé plusieurs amendements inspirés de la proposition de loi des députés Danielle Bousquet et Guy Geoffroy proposant notamment de pénaliser les clients. Ces amendements ont été finalement retirés ou non retenus. Les ministres présentes lors de la discussion, la garde des Sceaux, Christiane Taubira et la ministre du Droit des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, ont en revanche réaffirmé leur engagement d’élaborer un texte de loi plus global sur la prostitution. »
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