Le président Erdogan a subi un revers historique à Istanbul, laissant place à un maire issu de la social-démocratie. Une nouvelle ère peut-elle s’ouvrir sur la Turquie ? On en parle avec Esther Benbassa, sénatrice écologiste de Paris.
Sur la Turquie et la mairie d’Istanbul
« Mes amis ont fait la fête toute la nuit dimanche. »
« En mars, le parti d’Ekrem Imamoglu [le nouveau maire d’Istanbul] est issu de la social-démocratie avec une alliance entre le parti nationaliste et le HDP (pro-Kurdes). »
« C’est une très bonne nouvelle parce que le président actuel dirige le pays avec une main de fer et met beaucoup de monde en prison. Il a perdu. »
« C’est fâcheux pour Erdogan : ça peut être la descente aux enfers. Istanbul, c’est un tiers du PIB du pays et c’est par là que l’argent ruisselle, vers le privé et notamment les soutiens d’Erdogan. »
« Les Istanbuliotes ont témoigné, par ce nouveau vote, leur opposition au régime d’Erdogan. »
« Des intellectuels, des progressistes, la jeunesse attendaient cette nouvelle avec impatience. C’est le début d’une nouvelle ère qui peut commencer. »
Sur Erdogan
« Il tient parce qu’il lui reste la dictature, la peur, la persécution. Et les industriels qui le soutiennent. Mais vu que l’économie va très mal, jusqu’à quand le soutiendront-ils ? »
« Le parti d’Erdogan tient encore la majorité des districts d’Istanbul donc il va pouvoir mettre des bâtons dans les roues. »
« L’Occident n’a pas cherché à avoir un autre interlocuteur qu’Erdogan. Ça n’est pas l’Occident qui a fait voter les Istanbuliotes. »
« L’Occident fait profil bas parce que la France a de nombreux intérêts économiques en Turquie. La France est trop silencieuse. »
Sur EELV et le ni gauche, ni droite
« Ce n’est pas le mot gauche qui compte. »
« Quand on dit “pas de gauche” on parle de la gauche gouvernementale qui a montré qu’elle n’était pas à la hauteur pour changer les choses dans ce pays. »
« EELV est garante elle-même des grands principes de gauche : justice sociale, lutte contre la xénophobie, soutien des minorités sexuelles, religieuses, ethniques mais aussi de la lutte contre la fraude fiscale. Nous ne sommes pas seulement environnementaliste, on se bat aussi pour que la pollution cesse, qu’on arrête le réchauffement climatique et qu’on protège la biodiversité. »
« L’écologie politique est un ensemble. Je ne crois pas au fait de parce que nous disons plus gauche, nous aurions tout laissé tomber pour l’économie de marché. Nous ne sommes pas pour les kolkhozes mais nous sommes pour une politique d’ouverture d’un marché régulé mais pas libre. »
« Le mot gauche est surchargé de négativité. Je lui préfère la maison commune écologique et sociale. Nous pouvons proposer cette maison commune et jeter les bases d’une alternative écologique et sociale. »
Sur les municipales
« Lors des municipales, il y aura naturellement des rapprochements – plutôt au deuxième tour dans les grandes villes – comme ça s’est toujours fait. »
« Il faut construire un projet commun, écologique et sociale, avec la société civile, les associations et les ONG mais aussi avec les formations, les mouvements, pour aller de l’avant. »
« La ligne rouge : c’est “pas d’alliance ni avec l’extrême droite, ni avec les macronistes, ni avec la droite“. Et je crois que David Cormand (le secrétaire national de EELV) est de mon avis. »
« On ne fera pas d’accord avec ceux qui défendent l’économie productiviste, l’économie libérale tous azimuts. Cela ne signifie pas non plus que l’on veut revenir au marxisme. On peut se mettre avec les forces dites non marxistes et aller de l’avant avec Génération.s ou d’autres. »
« Je respecte les communistes, je respecte l’idéologie des autres. »
« Il faut rester modestes face aux résultats réjouissants des européennes. »
Sur la démocratie à la France Insoumise
« Je ne connais pas ce qui se passe à l’intérieur de la France insoumise. »
« Je partage nombre de points importants de la politique que met en avant la France insoumise. »
« Le mauvais score de la France insoumise est lié à cette confusion autour de la question européenne. »
« Je suis pour qu’il y ait plus de démocratie interne, que les militants aient le droit de dire non. »
« Je ne suis pas adepte du populisme. »
« J’ai un vœu : ne laissons pas périr toutes ces formations allant de l’extrême gauche à la gauche. Ne pas aider cette gauche à se relever, c’est laisser à la République En Marche tout le pouvoir et se diriger lentement vers un parti unique. Le parti unique est l’ennemi numéro un de la démocratie. »