PARIS, 14 janvier (Reuters) - Emmanuel Macron tente avec le grand débat de relancer un quinquennat englué dans la crise des "Gilets jaunes", en renouant avec la promesse de renouveau qu'il portait pendant sa campagne et en cherchant des réponses auprès des Français. Les thèmes de sa lettre aux Français - fiscalité, action publique, écologie et institutions - illustrent chacun à leur manière un relatif échec, déjà matérialisé par l'abandon de l'engagement de maintenir le déficit sous 3% du PIB cette année. Sur la fiscalité, la hausse de la CSG d'une partie des retraités a provoqué un des premiers abcès de colère, la suppression partielle de l'ISF a été vue par beaucoup comme une provocation et le sentiment d'injustice n'a pas été dissipé par le gain de salaire net lié à la suppression d'une partie des cotisations ni par le début de suppression de la taxe d'habitation. Sur la réforme de l'Etat et des services publics, jugée indispensable par Emmanuel Macron et le Premier ministre, Edouard Philippe, tout reste à faire. Le projet de loi sur la fonction publique est attendu pour les prochains mois. Sur l'écologie, le héraut du slogan "Make the planet great again" a subi le départ de son ministre star Nicolas Hulot et a dû renoncer à utiliser la taxe carbone face à la colère de Français contraints d'utiliser leur véhicule pour travailler. Sur les institutions enfin, l'élection du plus jeune président de la Ve République ne s'est traduite par aucune véritable rénovation, la réforme constitutionnelle continuant en particulier à se heurter aux réticences du Sénat. CONSULTER SANS CHANGER DE CAP ? La lettre d'Emmanuel Macron semble ouvrir toutes les pistes sur ces quatre thèmes, renouant avec l'esprit d'une campagne présidentielle construite en partie sur une vaste consultation, "la grande marche", qui a précédé l'écriture de son programme. "Vos propositions permettront de bâtir un nouveau contrat pour la nation, de structurer l'action du gouvernement et du parlement, mais aussi les positions de la France au niveau européen et international", promet ainsi Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat fixe cependant des lignes rouges. Il n'est ainsi pas question de revenir sur la réforme de l'ISF, une demande récurrente des "Gilets jaunes" et il exclut d'ouvrir les vannes de la dépense publique ou d'enclencher une hausse des salaires qu'il juge néfaste pour l'emploi. En cadrant ainsi le débat, Emmanuel Macron confirme sa volonté de maintenir un cap jugé très libéral par les Français. Il souligne lui-même que ce débat "n'est ni une élection, ni un référendum", seules véritables occasions à ses yeux de fixer le cap de l'action publique. Les réactions à gauche ont confirmé cette impression, Jean-Luc Mélenchon parlant de "grande diversion", Benoît Hamon déplorant qu'"on ne bougera pas la répartition des richesses", et Esther Benbassa jugeant qu'il s'agit avant tout pour l'exécutif de "gagner du temps". SOS Racisme a parallèlement qualifié de "diversion nauséabonde" l'inclusion dans le débat de la question de l'immigration, la lettre ouvrant même la porte à l'instauration de quotas. Edouard Philippe a lui aussi confirmé jeudi la volonté de continuer à réformer la France pour accroître la compétitivité des entreprises et redresser les finances publiques. Citant la négociation sur l'assurance chômage et la réforme de l'action publique, il a ajouté : "nous voulons frapper vite, frapper fort, agir de manière profonde, faire en sorte que nous restions dans une logique de mouvement et jamais que nous nous enterrions dans une logique d'immobilité". Les dirigeants syndicaux reçus vendredi à Matignon ont mis en garde sur la nécessité d'un changement de cap, la CFDT demandant notamment que l'exécutif reconnaisse enfin le rôle des corps intermédiaires, la CFE-CGC insistant sur la difficulté de vivre bien avec un salaire et Force ouvrière pressant ce dernier d'arrêter les suppressions de postes dans la fonction publique.
Esther Benbassa
Sénatrice de Paris
Esther Benbassa
Sénatrice de Paris