Le jeudi matin 5 décembre, Esther Benbassa intervenait dans l’hémicycle, en tant qu’oratrice pour le groupe CRCE, dans le cadre de la discussion générale sur le budget alloué au volet outremer du Projet de Loi de Finance 2020.
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Rapporteur,
Mes cherEs collègues,
Les territoires ultramarins souffrent de nombreux maux et les conditions de vie y deviennent de plus en plus inquiétantes pour nos concitoyens.
L’économie locale tourne au ralenti, en atteste notamment les taux de chômage massifs, allant jusqu’à 30% à Mayotte, ce qui en fait le département où le taux d’actifs sans emploi est le plus élevé de l’Union Européenne.
Cela entraîne évidemment un pouvoir d’achat en berne dans des territoires où l’on conjugue des revenus faibles, avec des prix particulièrement élevés, 20 à 30% supérieurs à ceux de la Métropole. Et les denrées achetées en outre-mer ne sont même pas de qualité équivalente à celles que nous consommons dans l’Hexagone, puisqu’on y voient ajoute des conservateurs extrêmement nocifs pour la santé, et ce afin que les aliments soient préservés lors de l’importation depuis la France métropolitaine. Ces additifs alimentaires sont particulièrement dangereux et entraînent une surreprésentation de cas d’hypertension artérielle et de diabète dans les territoires ultramarins. A titre de comparaison, lorsque seulement 5% des Français sont diabétiques à l’échelle nationale, 14% de la population réunionnaise est touchée par cette maladie.
Les problèmes de santé publique touchant nos concitoyens d’outre-mer ne se limitent pas à cela seulement, puisqu’ils doivent également composer avec un climat tropical et des logements insalubres, propices à la prolifération de maladies et d’infections vectorielles.
Pour parfaire ce tableau problématique, les territoires ultramarins ne bénéficient même pas d’infrastructures de soins adaptées pour accueillir les populations particulièrement touchées. Les hôpitaux y sont engorgés et ne disposent pas de moyens suffisants pour avoir du matériel en quantité adéquate et du personnel en nombre satisfaisant.
C’est d’ailleurs tout le tissu des services publics ultramarins qui est sinistré. Sans dotations et avec un recul perpétuel de l’Etat, ces populations sont les laissés-pour-compte de nos politiques publiques. Les pratiques du Gouvernement, visant à dématérialiser les services de l’Etat, aggravent encore davantage cette situation, dans des territoires où l’abonnement à internet est 40% plus coûteux qu’en Métropole.
Ainsi, Madame la Ministre, à juste titre, la colère monte dans les outre-mer. Mais peut-être êtes-vous indifférente à ces complaintes ? Peut-être l’exécutif s’estime-t-il trop éloigné, pour entendre les souffrances qui sont exprimées ?
C’est en tout cas la déduction que nous pouvons faire, si l’on regarde le détail des crédits alloués à la mission « outre-mer ».
Comment expliquer décemment que malgré la situation insoutenable de nos compatriotes ultramarins, vous allez réduire le budget des outre-mer de 6,45% par rapport à l’an passé, alors même que cette mission était déjà sous-dotée dans le PLF 2019 ? Comment expliquer que par un amendement de dernière minute, votre majorité à l’Assemblée nationale a décidé de raboter encore de 10 millions d’euros ce budget, dont 8 sur le programme « conditions de vie en outre-mer » ?
La cure d’austérité se poursuit et rien n’est fait pour doter les DROM-COM d’un vrai budget et d’actions qui aillent dans le sens de la justice sociale, de l’émancipation humaine et de la protection de la biodiversité.
Soumis au dogme libéral, l’exécutif estime que le progrès social dans ces territoires passera par une plus grande compétitivité du tissu économique local. Ainsi, le Gouvernement a fait le choix de réduire massivement les cotisations sociales des entreprises ultramarines, laissant sans moyens et sous-budgétisées les dotations destinées aux services publics et au logement.
Nous avons hélas l’habitude. Dans la France d’Emmanuel Macron, il est dit aux plus défavorisés : « Travaille ! Tu vivras décemment plus tard ! ».
Vous l’aurez compris, mes cherEs collègues, comme les banlieues et les campagnes en territoires métropolitains, les outre-mer sont aujourd’hui laissés à l’abandon par les pouvoirs publics.
Ainsi, ne laissons pas ces 2,7 millions de Français ultramarins sans aides, ni avec un pouvoir d’achat très faible. Plus que jamais, ils ont besoin d’un retour de l’Etat pour redynamiser leur économie et redéployer des services publics là où ceux-ci sont inefficients.
Les habitants de Mamoudzou, Cayenne et Fort-de-France ont les mêmes droits que ceux de Paris, Lyon ou Strasbourg. Ils ne sont pas des citoyens de seconde zone. Que le Gouvernement cesse de les traiter comme tels !
Je vous remercie.