Défenses d’amendements sur la PPL visant à protéger les victimes de violences conjugales

Défense d’amendement article additionnel après l’article 5

Monsieur le Président,

Madame la Secrétaire d’Etat,

Mes cherEs collègues,

Très souvent, lorsqu’une femme vient déposer plainte à l’encontre de son conjoint ou compagnon pour des faits de violences conjugales, celui-ci n’écope que d’un simple rappel à la loi.

Loin d’avoir l’effet escompté, cette mesure nourrit plutôt une fausse impression d’impunité chez l’agresseur, qui ne saisit alors nullement la gravité de ses actes.

Pour les victimes, le sentiment d’insécurité se fait plus fort et nombre d’entre-elles font d’ailleurs l’objet de représailles de la part du compagnon contre qui elles ont porté plainte.

Il semble donc qu’un simple rappel à la loi ne soit purement et simplement inefficace. Ni répressif, ni éducatif, il ouvre plutôt la voie à une récidive des actes violents et met de ce fait la victime en danger.

Le présent amendement souhaite donc qu’un rappel à la loi pour violences conjugales soit systématiquement accompagné d’une formation de prévention et de lutte contre les brutalités au sein du couple ou d’un stage de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes. Si le profil de l’agresseur s’y prête, on devrait également lui  proposer  une thérapie comportementale, afin de soigner des attitudes colériques et pathologiques.

Ces mesures viseraient à responsabiliser l’agresseur et à lui faire comprendre la nécessité de ne pas réitérer ses actes de violence à l’endroit de la victime.

Nous sommes persuadés qu’une approche éducative, visant à accompagner et sensibiliser la personne coupable de sévices physiques et moraux  permettrait de prévenir les risques de récidives.

Je vous remercie.

Défense d’amendement article additionnel après l’article 8 ter

Monsieur le Président,

Madame la Secrétaire d’Etat,

Mes cherEs collègues,

L’article 8 ter de la présente proposition de loi prévoit la remise d’un certificat médical constatant les blessures d’une victime de violences, lorsque son examen par un médecin a été requis par un officier de police judiciaire ou un magistrat.

Cet amendement vise à compléter ce dispositif, en souhaitant inscrire dans la loi l’obligation pour le médecin, qui reçoit la victime lors d’une première visite, de lui remettre un certificat d’examen médical constatant les blessures qui lui ont été infligées et ce, même lorsque la victime ne s’est pas au préalable présentée aux autorités judiciaires.

Il semble évident que les victimes de violences – et plus particulièrement celles de brutalités dans un cadre conjugal – sont en droit d’être en possession, dès leur premier examen par le personnel soignant, d’un document constatant la nature et la gravité des coups qui leur ont été portés, notamment dans la perspective de possibles procédures d’indemnisation au civil.

Dans les faits, cette pratique est déjà recommandée par la Haute Autorité de Santé. Elle ne trouve cependant pour l’heure aucune consécration législative dans nos textes juridiques.

Il va donc s’agir par cet amendement de faire concorder la pratique et le droit, comme le préconise par ailleurs l’une des mesures issue du Grenelle des violences conjugales.

Je vous remercie.

Défense d’amendement article additionnel après l’article 12 :

Monsieur le Président,

Madame la Secrétaire d’Etat,

Mes cherEs collègues,

Plusieurs associations d’aide aux personnes migrantes, notamment la Cimade, nous ont alertés sur la double peine que subissent les femmes étrangères sur notre territoire ; elles sont régulièrement victimes de violences conjugales, sexistes et sexuelles. Mais contrairement à celles qui sont de nationalité française, nombre d’entre-elles ne peuvent s’adresser à la justice, faute de moyens financiers et d’accès à l’aide juridictionnelle.

En effet,  les personnes étrangères ne bénéficient pas automatiquement de l’aide juridictionnelle qui n’est en principe accordée que sous condition d’être de nationalité française ou d’avoir ses papiers de séjour en règle.

Pourtant, l’article 3 de la Loi sur l’aide juridique, datée du 3 juillet 1991, a ouvert la voie à un élargissement de son attribution. Ainsi, certaines personnes migrantes en situation irrégulière, notamment celles présentes en Centre de Rétention Administrative, peuvent-elles en bénéficier.

Ce n’est pour l’heure pas le cas des étrangères victimes de violences conjugales, de harcèlement moral, de viol ou d’agression sexuelle, dont les droits ne sont ouverts qu’en cas de régularisation de leur situation.

Cette position du droit semble particulièrement inique puisqu’elle laisse les femmes étrangères dans une situation de précarité et de danger, à la merci de leurs agresseurs.

Ainsi est-il proposé par le présent amendement de garantir un accès à l’aide juridictionnelle à toutes les personnes étrangères, victimes de violences, dans le cadre de procédures civiles, pénales ou administratives et ce, sans condition de nationalité ou de régularité du séjour.

Je vous remercie.

Défense d’amendement rétablissement de l’article 15 

Monsieur le Président,

Madame la Secrétaire d’Etat,

Mes cherEs collègues,

Les violences conjugales touchent tous les pans de notre société. Les couples de même sexe ne font hélas pas exception.

Pourtant, nous ne sommes pas pour l’heure dûment renseignés sur l’ampleur de ce phénomène. En effet, la Mission Interministérielle pour la protection des personnes contre les violences conjugales ne communique que des chiffres relatifs aux victimes féminines, sans faire mention du sexe de l’auteur des maltraitances.

Les seules données dont nous disposons à propos des brutalités au sein des couples de même sexe proviennent de l’association AGIR, qui a mené une étude en la matière en 2013. Selon ses chiffres, 11 % des gays et des lesbiennes et 20 % des personnes bisexuelles déclarent avoir subi des maltraitances conjugales. Seulement 3 % d’entre-elles ont alors porté plainte.

Ces éléments ne sont pas récents et manquent de précision, faute d’un échantillon représentatif de la communauté LGBT dans sa globalité.

Il semble évident que toutes les violences conjugales ne sauraient être traitées avec les mêmes outils. L’action publique devrait donc être en mesure de s’adapter au profil de la victime.

Ainsi est-il souhaité par le présent amendement que l’article 15 soit rétabli dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, afin qu’un rapport puisse être remis au Parlement, visant à rendre compte de la diversité des violences conjugales dans les couples de même sexe.

Ce rapport permettrait d’adapter les dispositifs de prise en charge et d’accompagnement des victimes issues des couples homosexuels et lesbiens, en tenant compte de leurs spécificités.

Je vous remercie.

Défense d’amendement article additionnel après l’article 11 :

Monsieur le Président,

Madame la Secrétaire d’Etat,

Mes cherEs collègues,

Selon une étude menée il y a deux ans par le Ministère de la Santé et des Solidarités, il est estimé que chaque année, 170 000 enfants sont témoins de violences conjugales et intrafamiliales perpétrées dans les foyers français.

Pour ces mineurs, les conséquences néfastes d’une telle exposition sur le long terme ne sont plus à démontrer. Des syndromes de stress post-traumatique et des effets préjudiciables à  leur développement cognitif et émotionnel sont notamment à déplorer. Certains en viennent même malheureusement à perpétuer ces schémas comportementaux violents, une fois l’âge adulte atteint.

Il semble donc nécessaire de reconnaître les traumatismes et les souffrances endurés par ces enfants.

Actuellement, sur le plan pénal, à moins qu’il n’ait lui-même directement fait l’objet de violences, l’enfant ne peut être considéré comme une victime à part entière des brutalités intrafamiliales.

Pourtant, l’exposition du mineur aux violences conjugales relève indéniablement d’un mauvais traitement qui lui aurait été infligé.

Il est donc nécessaire que le droit pénal français admette que le préjudice moral et physique qui touche le parent violenté se répercute également sur l’enfant qui assiste à ces scènes.

Ainsi est-il proposé dans le présent amendement de reconnaître par extension que les mineurs exposés aux violences conjugales sont également des victimes directes de ces maltraitances.

Je vous remercie.

Défense d’amendement article additionnel avant l’article 15 :

Monsieur le Président,

Madame la Secrétaire d’Etat,

Mes cherEs collègues,

Je souhaite ici attirer l’attention de notre Haute Assemblée sur des violences d’un genre nouveau et encore largement méconnues : celles des « violences administratives ».

Celles-ci consistent pour le partenaire maltraitant à confisquer ou détruire les documents administratifs personnels de sa conjointe ou compagne, afin de la bloquer dans ses démarches et dans l’accès à ses droits.

Ces pratiques entraînent une forme d’emprise de l’agresseur sur la victime, qui se trouve totalement dépendante de son bon vouloir. Ces brutalités psychologiques frappent particulièrement les personnes étrangères, les plaçant dans une situation de grande vulnérabilité sur notre territoire.

Pour ces personnes migrantes, la rétention par leur conjoint ou compagnon de leurs documents d’identité, titre de séjour ou encore bulletin de famille revient à avoir la  peur permanente de ne pas pouvoir mener à bien certaines démarches administratives, lourdes de conséquences. Aux violences physiques et psychologiques pratiquées à leur endroit par leur agresseur, s’ajoute ainsi la crainte de l’expulsion, de la précarité sociale et financière.

Cette emprise place la victime dans une situation de soumission et l’empêche d’acquérir une autonomie susceptible de lui permettre de quitter son compagnon.

Les souffrances verbales, psychologiques, physiques et sexuelles tendent aujourd’hui à être reconnues. Il n’en est rien des violences administratives, en raison de leur ignorance par les autorités.

Ainsi est-il proposé par le présent amendement que dans les six mois suivant la promulgation de cette loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport à ce sujet, permettant ainsi au législateur de bénéficier de données chiffrées et documentées, afin que des solutions soient trouvées en la matière.

Je vous remercie.

Défense d’amendement suppression de l’article 11 :

Monsieur le Président,

Madame la Secrétaire d’Etat,

Mes cherEs collègues,

Le présent article 11 fait un lien entre la consommation de pornographie et les violences qui sont perpétrées dans un cadre conjugal.

Cette corrélation est pour le moins discutable et hasardeuse. Elle semble par ailleurs fondée sur une perception moraliste et pudibonde de la production pornographique.

Celle-ci n’est pourtant pas uniforme et toutes les productions en la matière ne sauraient être perçues comme violentes ou forcément dégradantes pour ses protagonistes féminins et masculins.

De nouvelles plateformes progressistes, amatrices et féministes émergent actuellement dans ce domaine, qui sont loin des stéréotypes oppressifs et avilissants pour la condition féminine.

Par ailleurs, nous tenons à rappeler que la simple prohibition de la pornographie ne saurait remplacer des cours d’éducation sexuelle bien architecturés qui seraient dispensés aux adolescents, afin que ceux-ci puissent avoir une vision saine et équilibrée de la sexualité.

Le lien direct entre la pornographie et les violences conjugales et intrafamiliales n’étant pas établi et n’ayant d’ailleurs jamais été prouvé, nous estimons que cet article n’a pas sa place dans cette proposition de loi.

En conséquence, cet amendement en demande la suppression.

Je vous remercie.

Défense amendement de réécriture de l’article 8

Monsieur le Président,

Madame la Secrétaire d’Etat,

Mes CherEs collègues,

Comme nous avons pu le dire précédemment, l’article 8 autorise le médecin qui a constaté des marques de violences sur le corps de sa patiente à  dénoncer la situation auprès du Procureur de la République.

Une telle proposition contreviendrait de manière évidente au secret médical. Celui-ci constitue, pour les patientes et patients, une garantie de liberté d’échanges avec les représentants du corps médical ; il favorise l’instauration d’une relation de confiance, indispensable au bon déroulement des soins et du traitement.

Il n’est de ce fait aucunement souhaitable que le médecin se transforme en un rouage de la procédure judiciaire.

A la place du rôle de dénonciateur que l’article 8 souhaite lui assigner, nous préférons que le personnel hospitalier ait un devoir de conseil et d’accompagnement envers la victime.

Nous considérons donc, par le présent amendement, qu’il pourrait être pertinent que le personnel soignant puisse diriger les patientes ayant subi des sévices au sein de leur foyer vers des associations en charge de lutter contre ces violences.

Celles-ci sont en effet les mieux armées pour rassurer les victimes, leur apporter un soutien moral, les éclairer sur leurs droits et éventuellement les accompagner dans le cadre des procédures judicaires qu’elles souhaiteraient entreprendre.

La mesure que nous proposons est donc une alternative à la fin du secret médical pour les victimes de violences conjugales, que comporte l’article 8.

Je vous remercie.

Défense amendement de suppression de l’article 8 :

Monsieur le Président,

Madame la Secrétaire d’Etat,

Mes CherEs collègues,

Nul ne peut nier l’effet délétère de l’emprise psychologique dans un couple, notamment lorsque celle-ci est nourrie par la peur et les pressions morales.

Pour de nombreuses victimes de violences conjugales, la première étape est celle du déni. Une personne battue par le conjoint ou compagnon dont elle est amoureuse refuse souvent de se considérer comme une victime. Elle finit d’ailleurs bien souvent par s’estimer responsable des attitudes violentes de son compagnon à son égard.

Pour ces personnes sous emprise, occultation, crainte et autodénigrement se mêlent, les empêchant d’avoir recours aux autorités judiciaires.

Elles se rendent cependant parfois dans les hôpitaux, afin de faire constater et soigner leurs blessures.

Nous ne souhaitons pas, comme le préconise l’article 8, que le médecin soit autorisé à dénoncer les actes de violences qu’il a pu constater sur sa patiente, auprès du Procureur de la République.

Nous estimons en effet qu’une telle atteinte au secret médical pourrait se révéler contre-productive et pousser les victimes de violences conjugales à renoncer aux soins médicaux.

Il est impératif que le lien de confiance existant entre les patients et le personnel soignant soit maintenu.

Ainsi est-il proposé par le présent amendement de supprimer l’article 8.

Je vous remercie.