Un colloque « Israël-Palestine, état des lieux » qui fut un immense succès. Un public nombreux, près de 400 personnes de tous âges réparties sur les deux demi-journées, y compris beaucoup de jeunes, qui sont l’avenir du combat pour la justice et pour la paix.
Qualité des interventions. Sérieux des débats. Rencontre de l’intelligence et de la conviction. Élus, associatifs, militants, journalistes et chercheurs, Palestiniens et Israéliens, tous se sont librement exprimés dans une atmosphère d’écoute à la fois exigeante et bienveillante. Les désaccords n’ont pas été esquivés. Conçue il y a plusieurs mois, cette rencontre est tombée juste après la formation du dernier gouvernement israélien et dans un contexte de violence très dure ayant touché les deux camps. Merci au public, très actif, aux intervenants, à ma collaboratrice, Essra Siam, et à mes deux co-organisateurs, Vincent Lemire, directeur du Centre de recherche français à Jérusalem, et Valérie Hannin, directrice de la rédaction de la revue L’Histoire, ainsi qu’à tout le personnel du Palais du Luxembourg. Nous sommes ressortis de là profondément inquiets, mais plus que jamais résolus à contribuer autant qu’il est possible, d’une part à faire entendre la voix de la Palestine, d’autre part à œuvrer pour un règlement juste du conflit.
Regarder la rediffusion du colloque sur Public Sénat
Bonjour à toutes et à tous. Je suis heureuse de vous accueillir aujourd’hui dans ces murs. Je salue nos partenaires, la revue L’Histoire, le Centre de recherche français à Jérusalem et l’IReMMO, respectivement en la personne de Valérie Hannin, Vincent Lemire et Jean-Paul Chagnollaud. Je remercie le Palais du Luxembourg qui nous accueille et le personnel du Sénat, qui ne ménage pas sa peine. Ma collaboratrice, Essra Siam, Palestinienne née en France, a été d’un grand secours dans la préparation de ce colloque, en une période où le calendrier législatif est en outre particulièrement chargé au Sénat. Elle en a été l’une des principales chevilles ouvrières. Elle vous en dira elle-même tout à l’heure quelques mots.
Nous nous excusons d’avoir fermé les inscriptions dès vendredi en raison d’une affluence inattendue pour un espace malgré tout réduit. Nous avons obtenu in extremis une deuxième salle pour une projection des débats en streaming, mais il était hélas impossible de faire mieux.
Toutes les plateformes, tous les réseaux et les organes de presse qui ont aidé à la diffusion des informations relatives au colloque, les graphistes, les ami.e.s qui se sont engagé.e.s dans un projet somme toute un peu audacieux sont également chaleureusement remerciés.
Intervenantes, intervenants, modérateurs, modératrices, pour certains venus de loin, sans vous ce colloque n’aurait pas pu avoir lieu. Merci à vous. C’est vous qui donnerez le ton, dans un climat de liberté, la volonté d’échange, l’esprit de débat qui vous caractérisent. En essayant bien sûr de sortir des sentiers battus.
Le projet de ce colloque a émergé il y a plusieurs mois, bien avant que ne soit formé le nouveau gouvernement de Netanyahu où figurent des ministres suprémacistes et ultrareligieux fanatiques, bien avant que les événements sanglants des dernières semaines et des derniers jours ne viennent à nouveau endeuiller les Israéliens et les Palestiniens. Tout cela était certes prévisible et ce qui se passe actuellement a un terrible goût de déjà-vu. Une étape supplémentaire a pourtant été franchie.
Des dizaines de milliers d’Israéliens descendent dans la rue pour réclamer le respect des principes et des valeurs d’une démocratie pleine et entière. Dans ce contexte, y aura-t-il dans le pays une place pour discuter de la question palestinienne sans aveuglement, sans œillères, sans occulter aucun aspect de la réalité ? Je l’espère. Mais rien n’est joué. Les pays arabes, de leur côté, s’intéressent peu ou pas au sort des Palestiniens, leur business avec Israël les satisfait. L’Europe dispense des fonds à défaut d’opter pour une politique plus claire, plus déterminée, plus énergique, susceptible de faire émerger de vraies solutions. Les États-Unis ne font guère mieux. Trop de gouvernants hésitent à faire un pas en direction des Palestiniens, par crainte que ce ne soit mal perçu par les communautés juives locales – dont la communauté juive française, ultra-légitimiste. Il vaut mieux oublier le conflit entre Israéliens et Palestiniens. D’où ce silence assourdissant.
Tant qu’Israël continuera de centrer sa propagande intérieure (et extérieure) sur la dénonciation des attaques terroristes dont il est la cible, en tachant de faire oublier le lien que ces attaques ont avec l’aggravation de la colonisation à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, avec les mesures vexatoires, avec les humiliations au quotidien, avec les opérations meurtrières conduites contre la population, on ne voit pas comment une solution pourrait se faire jour. Israël continuera à rogner la Cisjordanie, où un État palestinien aurait pu voir le jour. La faiblesse du Fatah, qui renvoie à plus tard les élections, avec un Mahmoud Abbas complètement décrédibilisé, bouche un peu plus l’horizon politique. Tout cela nourrit la violence armée. Nous ne sommes pas là pour la justifier, mais pour essayer de comprendre ce qui la favorise et pour dire ce qui pourrait contribuer à la réduire. Le déni ne fait avancer aucun conflit.
Notre première table-ronde tâchera de faire le tour de ces questions.
Vous aurez sûrement noté que dans le titre de la seconde, formulé comme une question, le mot « apartheid » est entre guillemets. Le sujet est délicat, explosif. Beaucoup préfèreraient qu’on n’en parle pas, ou alors à mots couverts. Nous n’avons pas fait ce choix. La loi « Israël, État-nation du peuple juif », adoptée le 19 juillet 2018, oblige à ouvrir le débat, pour ce qui concerne Israël même. Et impossible bien sûr de faire l’impasse pour ce qui concerne la gestion des territoires occupés et de leurs populations : la Cisjordanie, bien sûr, mais aussi Gaza, soumis à un blocus. Peut-on comparer Israël et l’Afrique du Sud d’antan ? Ou devons-nous revoir, préciser, la définition du mot « apartheid » lorsqu’on parle d’Israël ? Nos intervenants nous le diront.
Notre troisième table-ronde posera une autre question. Jérusalem est-elle une capitale impossible ? Et pourquoi ? Le poids de cette ville dans nos imaginaires, le capital culturel dont elle est chargée, son emplacement même, les réalités complexes et imbriquées du terrain, tout paraît rendre inextricable, à Jérusalem, ce qui relève du religieux, du politique et du national. Comment est-il possible de sortir de ce piège ?
La table ronde finale reviendra elle sur la possibilité d’une solution d’État binational. On sait que dans les années 1920 et 1930, cette solution fut un beau projet, une utopie, portée par les intellectuels juifs de l’association Brit Shalom. Une utopie bien vite abandonnée. Aujourd’hui, la question se pose en d’autres termes. La colonisation ne rend-elle pas de toute façon impossible la constitution d’un État palestinien viable et véritablement indépendant à côté d’un État israélien ? N’est-ce pas désormais la réalité du terrain elle-même qui impose de repenser à une solution binationale ?
Voilà donc, brossé à grands traits, notre programme du jour. Il bougera sans doute au fil des interventions et des débats avec vous, le public. Réfléchissons ensemble. Ce sera notre modeste contribution : quelques gouttes d’espérance dans un lac sombre et agité.
Esther Benbassa
Au cours de mon parcours, on m’a souvent dit » ton origine te fera défaut « . Alors il est vrai, que ce n’est pas toujours évident d’être une franco-palestinienne en France. On a l’impression qu’on doit se justifier en permanence de ne pas être antisémite, qu’on doit faire attention à la moindre revendication, à la moindre critique formulée à l’encontre d’Israël. J’ai grandi, en assumant qui j’étais mais je conservais cette peur d’être un jour freinée par mes origines. Je tiens aujourd’hui à remercier particulièrement la Sénatrice Esther Benbassa, qui tord systématiquement le cou aux préjugés et avec qui il est si facile d’être soi-même, c’est à dire fière d’être à la fois française et palestinienne.
Quand l’idée de ce colloque est née il y a quelques mois, nous ne pouvions présager de cette triste actualité même si la situation là-bas est telle, qu’elle peut exploser à tout moment.
Travailler à l’organisation de ce colloque est aussi une preuve qu’on peut s’entendre sur la question israélo-palestinienne. Qu’il est possible de discuter, de s’interroger mutuellement sur les causes et échecs. Le silence assourdissant de la communauté internationale rend encore plus insupportable cette situation.
Je ne connais la Palestine qu’à travers de vagues souvenirs d’enfance à Gaza et de par le récit de ma mère.
Les gazaouis et les Palestiniens en général sont un problème dont on ne désire plus trouver de solution. Ils sont livrés à eux-mêmes, déshumanisés, totalement invisibles aux yeux du monde. Et pourtant, qu’est-ce que ce peuple chérit la vie … malgré leur avenir qui se limite à deux choix : le chômage ou la mort.
Et pourtant les Palestiniens, même désespérés, ils cultivent l’espoir qu’un jour ils pourront jouir de leur pleine liberté.
C’est notre responsabilité, de chercher à relancer un processus de paix. Nous ne devons pas céder aux tentations de l’indifférence, de l’habitude du tragique et du fameux « conflit sans fin ».
Et si ce colloque, peut être un moyen, même infime, de porter une voix pacifique dans ce débat inexistant alors les Palestiniens auront gagné quelque chose aujourd’hui.
Parler de la Palestine, c’est ne pas la laisser mourir.
Je terminerai par cette citation tirée d’un poème de Mahmoud Darwich :
« Sur cette terre, il y a ce qui vaut la peine de vivre. »
Essra Siam (collaboratrice d’Esther Benbassa)
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