Pour que le débat démocratique puisse avoir lieu, le désembuage idéologique semble devoir passer par une clarification sémantique.
On l’apprenait la semaine dernière : les actes antisémites ont augmenté de 74% l’an dernier en France. De plus en plus, cette haine anti-juive prend les traits et les mots de l’antisionisme. Dans la foulée du rassemblement organisé mardi soir à Paris et dans plusieurs villes de province pour dénoncer ce phénomène, Emmanuel Macron s’est exprimé hier soir lors du dîner du CRIF. Le Président de la République, qui avait affirmé en 2017 que l’antisionisme était « la forme réinventée » de l’antisémitisme, y a précisé la position de son gouvernement après que plusieurs députés de la majorité présidentielle aient proposés de légiférer pour pénaliser l’antisionisme au nom de la lutte contre l’antisémitisme. Si le projet n’a pas été retenu, les réactions observées en disent long sur la confusion qui semble régner chez certains entre haine des juifs, négation du droit des Israéliens à exister et critique légitime de leur gouvernement. Pour que le débat puisse avoir lieu, le désembuage idéologique semble devoir passer par une clarification sémantique
Pour en discuter aujourd’hui dans Les Matins de France Culture, Guillaume Erner reçoit Alain Dieckhoffet Esther Benbassa.
Alain Dieckhoff :
Dans les années 30, le sionisme devient chargé d’une connotation négative du fait de ses adversaires et d’un travail de propagande.
Le projet qui appelait à la reterritorialisation des Juifs, à la fin du XIXe siècle, peut être critiqué comme projet, de manière objective. Mais là où le problème émerge, c’est quand l’antisionisme diabolise le sionisme, on dérive vers un soit-disant sionisme mondial, on véhicule une vision fantasmatique d’un sionisme tout puissant.
La vision démonologique du sionisme véhiculée par le mouvement communiste vient du fait de deux représentations du monde opposées : le communisme est internationaliste alors que les Juifs appelaient à la création d’un Etat comme les autres.
Quand Israël a été créé, il a été reconnu par les Etats-Unis, par l’Union Soviétique, qui voulait chasser les Britanniques de Palestine. Mais sinon Israël avait surtout des liens avec l’Occident, à part ça, sa légitimité internationale était assez faible.
Après 1967, l’antisionisme s’est beaucoup renforcé, dans le monde arabe notamment. Israël est devenu un point de cristallisation beaucoup plus puissant après 67.
On voit chez la France Insoumise une critique très forte d’Israël.
A l’extrême droite, dans les années 60, certains étaient pro-sionistes : ils pensaient que les Juifs devaient aller en Israël, parce qu’il y avait une dimension antisémite.
Esther Benbassa :
Le discours de Macron est réconfortant pour les Juifs car il montre qu’il n’y a pas d’antisémitisme d’Etat.
On peut critiquer Israël et sa politique à l’endroit des Palestiniens, on ne peut pas dire que toutes les personnes qui critiquent Israël sont antisémites, sinon on ne peut plus rien critiquer.
Le BDS, personnellement je ne suis pas d’accord. C’est le boycott des oranges de Palestine, des investissements en Israël…
Il ne faut pas réduire la critique d’Israël à l’antisémitisme.
L’extrême-droite a changé de façade, mais c’est l’extrême-droite qui est allée vandaliser un cimetière juif il y a quelques jours, pas les arabo-musulmans.
Pour (ré)écouter le programme sur France culture, cliquez ici!