Un rapport sénatorial très sévère sur la politique de déradicalisation en France (« Le Parisien », 12 juillet 2017)

Rendu public mercredi, un rapport sénatorial juge sévèrement la politique de déradicalisation menée en France. Il demande notamment, parmi une série de 10 préconisations, la fermeture du centre controversé de Pontourny, en Indre-et-Loire.

Le bilan d’étape publié en février n’avait pas manqué de susciter les critiques. Le rapport final devrait être plus «complet», promet la sénatrice écologiste Esther Benbassa. Rapporteur de la mission d’information «désendoctrinement, désembrigadement et réinsertion des djihadistes en Europe», avec sa collègue Catherine Troendlé (LR), elle qualifie d’«échec cuisant» voire de «fiasco complet» la politique de regroupement des détenus radicalisés menée ces dernières années en France ainsi que ce qu’elle qualifie de «business» de la déradicalisation.

 Parmi les mesures préconisées, les deux sénatrices demandent tout d’abord la fermeture du centre de déradicalisation de Pontourny, voué à accueillir des jeunes en voie de radicalisation sur la base du volontariat. Le lieu de déradicalisation d’Indre-et-Loire tourne aujourd’hui à vide, sans pensionnaire, tandis qu’une trentaine de salariés sont payés sans avoir de mission précise. Le centre, expérimental, a coûté au total 2,5 millions d’euros. Dénonçant une «gabegie financière», le rapport recommande de «mettre fin à l’expérimentation et renoncer à sa généralisation».
Les deux parlementaires notent également que certains projets de déradicalisation se sont attiré les foudres de la justice. Présentée comme une spécialiste de la question, Sonia Imloul, fondatrice sur la Maison de la Prévention et de la Famille, a été condamnée à quatre mois avec sursis pour détournement de fonds publics, blanchiment et travail dissimulé.

Un processus inefficace

Ces critiques s’ajoutent aux soupçons d’inefficacité. Le départ en Syrie d’une jeune femme présentée comme déradicalisée après être passée dans le centre de Dounia Bouzar, avait déjà illustré l’échec de cette démarche en novembre 2015. Ancien des services de renseignement et spécialiste de la question, Abou Djaffar n’est pas très enthousiaste face aux mesures de contre-radicalisation expérimentées en France. «D’un point de vue personnel, je ne suis pas certain que l’on parvienne pas à déradicaliser durablement la totalité des personnes qui adhèrent aux idéaux des groupes djihadistes. Une personne qui sort d’un programme de déradicalisation actuellement, vous ne pouvez pas être sûr qu’elle ne sera pas de nouveau tentée par la violence politique», explique-t-il dans une interview à France Soir.
Le rapport propose plusieurs pistes de réflexion. Esther Benbassa et Catherine Troendlé préconisent un «cahier des charges» national pour sélectionner les organismes destinés à prévenir la radicalisation. Elle suggèrent de «systématiser l’évaluation du contenu des programmes financés et réduire progressivement leur nombre de sorte à opter pour la qualité plutôt que la quantité». Elles souhaitent que la lutte contre la radicalisation mette l’accent sur «l’individualisation», «l’accompagnement sur mesure» et la «transversalité de la prise en charge» en vue de la réinsertion, en ménageant un «équilibre entre l’intervention sociale et les exigences de sécurité».

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