Transgenres : le Sénat complique le changement d’état civil (Public Sénat, 27 septembre 2016)

« En commission des lois, le Sénat est revenu sur plusieurs dispositions votées par l’Assemblée nationale facilitant le changement de sexe à l’état civil des personnes transgenres. Il est pointé du doigt par les associations LGBT pour avoir réintégré la médicalisation de la procédure.

Un retour en arrière. C’est ainsi que les associations LGBT ont réagi à la lecture des travaux de la commission des lois du Sénat concernant le projet de loi Justice pour le XXIe siècle.

L’Assemblée nationale avait acté la déclaration de changement d’état civil des personnes trangenres par simple déclaration en nouvelle lecture dans un amendement déposé au projet de loi Justice pour le XXI siècle.

Le texte voté le 12 juillet 2016 prévoyait que « toute personne qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe à l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification » par déclaration devant le tribunal de grande instance.

 

La démédicalisation votée en nouvelle lecture par l’Assemblée Nationale

 

Principal apport du texte, le fait d’avoir engagé ou achevé des traitements médicaux avait été retiré de la liste des critères nécessaires. Les associations LGBT, militant pour une déjudiciarisation complète de la procédure, avaient souligné une « avancée » par rapport à la situation actuelle, qui exige de produire devant le tribunal des certificats de psychiatres, des preuves d’opération de changement de sexe voire, dans certains cas, de stérilisation.

Le Sénat en a décidé autrement. La commission des lois, réunie mercredi 21 septembre sous la présidence de Philippe Bas (Les Républicains) a voulu une « procédure mieux encadrée ». Le juge chargé de statuer sur le changement d’état civil devra se prononcer sur des « critères objectifs, y compris de nature médicale ». Ces critères n’exigeront pas « une intervention chirurgicale irréversible » mais « la volonté exprimée par la personne » ne sera plus suffisante.

La raison? Aux yeux de la commission des lois, le risque « d’erreurs », voire de revirements, dans les changements de sexe à l’état civil. Certaines personnes, « souffrant d’affections psychiques », selon M. Philippe Bas, président de la commission des lois, pourraient se revendiquer d’un autre sexe « sans être transsexuelles ».

« Il faut quelques précautions quand on touche à l’état civil », a déclaré Philippe Bas, président de la commission des lois. […]

 

Médicalisation ou démédicalisation

 

Qu’en est-il réellement? L’amendement adopté par la commission des lois exige un « document médical », relevant d’une expertise, puisqu’une attestation d’un médecin généraliste ne sera pas suffisante.

Dans les débats portant sur l’amendement du rapporteur Yves Detraigne, M. Philippe Bas, président de la commission des lois, a pudiquement admis que la constatation médicale portera sur une « réalité psychique », portant sur la « réalité de la transsexualité », correspondant selon lui à « certains critères » qu’un médecin seul serait habilité à constater. Des euphémismes qui rappellent néanmoins un contexte psychiatrique.

« On s’inscrit totalement dans la psychiatrisation, et dans l’histoire de l’homosexualité qui a été associé pendant longtemps à l’idée que l’homosexuel est un malade qu’on amène devant le psychiatre pour le guérir », s’inquiète Esther Benbassa, sénatrice du Val-de-Marne (EELV). Elle compte s’opposer au projet de loi de la commission des lois du Sénat, et a déposé un amendement en ce sens. « Je réclame une procédure déclaratoire et démédicalisée ouverte aux mineurs de plus de 16 ans. »

Le projet de loi est examiné en ce moment en nouvelle lecture au Sénat. L’Assemblée nationale aura, de toute façon, le dernier mot. »

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