« Beaucoup a été dit et écrit sur cet article 2, qui constitutionnalise la déchéance de nationalité. Ces acrobaties rhétoriques, comme je l’ai expliqué lors de la discussion générale, ont bien souvent créé uniquement de la confusion.
Quels que soient les termes choisis, que l’on fasse ou non explicitement référence aux binationaux, la situation est très simple : la France est liée par ses engagements internationaux et ne peut créer d’apatrides ; seuls les multinationaux pourront être déchus de leur nationalité française. Cette réforme aboutira donc, de fait, à créer dans la Constitution une inégalité entre personnes uninationales et binationales ; ces dernières seront stigmatisées, victimes de discrimination.
Cette catégorisation heurte tous nos principes républicains, au premier rang desquels ceux énoncés à l’article 1er de la Constitution de 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité de tous les citoyens. »
On peut répéter sur tous les tons que cette mesure, en tant que telle, ne concerne que les terroristes condamnés, ne devrait pas être sujette à tant de polémiques et n’est pas « si grave », nombre d’entre nous continueront à ne pas être convaincus et un grand nombre de nos concitoyens continueront à se sentir blessés. Les millions de Français binationaux ont compris que l’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution les différencie et les stigmatise. Peu importe qu’elle ne concerne que les terroristes, le mal est fait.
Notre société a tant souffert ces dernières décennies des oppositions souvent fabriquées entre nos concitoyens – les chômeurs contre les actifs, les croyants contre les athées, les jeunes contre les vieux, rien ne nous aura été épargné… – que l’espoir était grand, en 2012, de voir cesser ce genre de manipulations politiques, de rompre avec ces divisions artificielles pour, enfin, se rassembler. Quelle ironie, alors, de voir un gouvernement socialiste nous proposer une mesure portée depuis longtemps par l’extrême droite, qui plus est sous couvert de renforcer l’unité nationale ! La déception est immense.
Il serait opportun de supprimer cette mesure qui, tous le reconnaissent, ne servira à rien et de faire ainsi cesser ce débat douloureux. Il est temps ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.) »