Recension de « Nouvelles relégations territoriales » dans « Liens Socio » (25 avril 2017)

Esther Benbassa et Jean-Christophe Attias, Nouvelles relégations territoriales

Maryvonne Dussaux

Pour aborder la question territoriale aujourd’hui, il y a lieu de repenser nos cadres de pensée et d’action. C’est l’objectif que se donnent les auteurs qui veulent ainsi lutter contre une « géographisation » du débat politique donnant lieu à une vision simplificatrice des réalités et paralysant de ce fait l’action publique. La richesse de cette analyse collective cohérente fait de cet ouvrage une sorte de manuel, qui nous invite à nous méfier des idées préconçues lorsque l’on parle de la banlieue et du périurbain. L’urgence de ce travail est apparue lors de rencontres citoyennes, organisées par le collectif « Le Pari(s) du vivre ensemble », qui ont rassemblé chercheurs et élus locaux dans un dialogue autour de la relégation territoriale.

La première partie du livre interroge la notion de fracture territoriale. Daniel Behar dénonce l’usage de cette expression, sous-tendue par la représentation d’une France coupée en deux, réactivant ainsi la vieille opposition ville/campagne. La rhétorique de la fracture est à la fois fausse et dangereuse, car elle « génère une concurrence des plaintes et tétanise l’action publique » (p. 23). Selon lui, nous assistons à un changement de paradigme, puisque le local se recompose et se complexifie. Sous l’effet de la globalisation, les interdépendances deviennent multiples. On assiste surtout à un processus de « fractalisation » du territoire, que l’on peut observer dans les espaces ruraux autant qu’à l’intérieur des métropoles. Il faut revoir nos grilles de lecture, et passer d’une typologie des territoires et à une typologie des relations entre les territoires. Le territoire n’est plus une solution pour l’action publique ; il est devenu son problème. Martine Berger nous explique que l’on ne peut pas parler de fracture territoriale à propos du périurbain, souvent confondu avec la périphérie des villes ou associé à des espaces éloignés des pôles urbains. Elle rappelle que l’INSEE définit la couronne périurbaine comme un espace comptant un fort taux d’actifs, travaillant dans les pôles urbains voisins ou leurs couronnes périurbaines. Le périurbain est désormais multiple et ne peut se définir ni par l’absence d’équipements, ni par une surreprésentation les classes moyennes. Pour réduire les inégalités territoriales, il faudrait augmenter les solidarités entre couronnes périurbaines et périphéries des agglomérations. Ronan Dantec dénonce, quant à lui, une stigmatisation par les mots en revenant sur une représentation collective, ancienne mais néanmoins encore active dans nos discours : il y aurait Paris, ville centre au rayonnement mondial, quelques grandes villes et en dernier lieu les banlieues et les zones périurbaines, perçues comme des espaces invivables. Le mot « relégation », associé à certains territoires, influence négativement les comportements des individus, qui peuvent alors décider de s’exclure du « champ collectif ». Il y a lieu, selon lui, de passer d’une logique de compétition à une logique de coopération, et de refonder les règles de la démocratie afin de faciliter l’appropriation des projets de territoire par tous.

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