Le débat démarre demain au Sénat où la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la prostitution devrait être fortement remaniée par rapport au texte adopté à l’Assemblée nationale.
La proposition de loi « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel » sera discutée demain et après-demain en séance publique au Sénat. Alors que le texte voté en décembre 2013 par les députés prévoyait d’abroger le délit de racolage instauré par Nicolas Sarkozy et d’instaurer en contrepartie la pénalisation des clients, la commission spéciale du Sénat a bouleversé la donne mercredi : elle a rejeté toute sanction des clients et a réintégré le délit de racolage.
Délit de racolage passif
« Je pense qu’il s’agit d’une posture entre les deux tours des élections départementales de la part d’élus UMP. Ils veulent jouer une sorte de carte sécuritaire », regrette la sénatrice écologiste du Val-de-Marne, Esther Benbassa, qui a déjà défendu en 2013 un texte pour abroger le délit de racolage.
Pénalisation des clients
Les députés, avec le soutien du gouvernement, avaient voté la pénalisation des clients, les sanctionnant d’amendes de 1 500 euros. Les sénateurs ont supprimé cette mesure jugée inefficace, voire contre-productive. « Le modèle suédois pénalisant les clients n’a rien changé. C’est même un échec, voire un enfer pour certaines prostituées qui doivent travailler chez elles et exercer leur activité dans une très grande précarité au niveau sanitaire », explique Esther Benbassa. Des associations de prostituées (Strass, Bus des femmes, etc.) et d’autres qui leur viennent en aide
(Act Up, Médecins du Monde) combattent cette mesure, craignant de voir les prostituées poussées vers la clandestinité et encore plus à la merci des clients. Certaines prostituées s’inquiètent de perte de revenus.
Accompagnement social et professionnel
Un des grands piliers de la loi votée par les députés concerne le renforcement des mesures d’accompagnement social et professionnel. Sur cette question, les sénateurs n’ont pas apporté de modification. Mais ces dispositions ne semblent pas être très convaincantes.
« Le gouvernement nous a parlé d’un fonds d’aide aux prostituées. Au départ, on a évoqué une somme autour de 2,4 millions d’euros provenant des amendes qui seront infligées aux clients. Mais récolter cet argent va prendre du temps. Cette semaine, Pascale Boistard, la secrétaire d’État chargée des Droits des femmes, a parlé au Sénat d’une somme de 8 millions. De toute façon, ce sera une somme ridicule. Cela couvrira à peine les frais de fonctionnement des associations chargées de suivre les prostituées », souligne Esther Benbassa.
Dans le cadre d’actions de sortie de la prostitution, la loi évoque aussi les femmes étrangères et des facilités pour bénéficier d’un titre de séjour. « Mais on ne leur donne que six mois pour s’engager dans ce processus. Certes, même si six mois supplémentaires peuvent être accordés, est-ce vraiment suffisant pour une jeune femme roumaine qui ne parle pas notre langue et qui a échappé aux filets d’un proxénète pour trouver un emploi et un appartement ? », souligne la sénatrice écologiste du Val-de-Marne.
Lutte contre le proxénétisme
Enfin, la loi prévoit de renforcer la lutte contre les réseaux, et notamment de confisquer les biens et avoirs des proxénètes afin d’abonder un fonds d’aide pour les prostituées.
« Là aussi, il y a du travail. Aujourd’hui, très peu de proxénètes sont arrêtés », note Esther Benbassa.
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