Par Gilles Daniel
« DROGUE – La sénatrice EELV Esther Benbassa présente jeudi à la presse sa proposition de loi visant à légaliser le cannabis en France. Elle veut « ouvrir le débat », à l’heure où les fumeurs peuvent acheter librement leur marijuana au Colorado et dans l’Etat de Washington. Mais la question reste taboue en France
« Pourquoi sommes-nous les champions de la consommation de cannabis, alors que notre législation est l’une des plus répressives au monde ? » Partant du constat que « la prohibition n’endigue pas le fléau » – la France compte 1,2 millions de fumeurs réguliers, 4 millions d’occasionnels selon les derniers chiffres de l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) – , une sénatrice écologiste, Esther Benbassa, revient à la charge contre l’interdiction du cannabis dans l’Hexagone. Cette fois, il ne s’agit pas de dépénaliser, mais bien de le légaliser, à travers une proposition de loi que l’élue du Val-de-Marne présentera jeudi lors d’un colloque au Sénat.
Concrètement selon son texte, l’herbe deviendrait une substance légale, sur le modèle du tabac, l’Etat en encadrant la culture et la vente (interdite aux mineurs). Le nombre de grammes pouvant être vendus serait fixé par le Conseil d’Etat. Car légalisation ne veut pas dire absence de contrôle. Les infractions seraient lourdement sanctionnées. Fumer dans un lieu public serait par exemple considéré comme un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. « On pourra ainsi combattre les réseaux mafieux et les dealers », nous assure Esther Benbassa, qui fait aussi miroiter, outre un marché juteux, de substantielles économies pour l’Etat : un milliard d’euros, « le coût de la répression et des frais de procédure liés au trafic ». Une somme qui serait réinvestie dans la prévention.
Pour Valls, ce n’est « pas anodin »
Alors que le Colorado et l’Etat de Washington viennent de légaliser la marijuana, la France pourrait-elle suivre cette voie ? Rien n’est moins sûr aujourd’hui. « Mais j’ouvre le débat », lance Esther Benbassa, bien consciente que le gouvernement, qui a déjà affronté des polémiques lorsque Vincent Peillon ou Cécile Duflot avaient posé la question, va peu goûter sa proposition à quelques semaines des municipales. « Une société a besoin de normes, de règles, d’interdits. Et la consommation de cannabis n’est pas quelque chose d’anodin », a déjà réaffirmé le mois dernier Manuel Valls.
La droite, de son côté, rejette toute idée d’assouplissement. Le député UMP Eric Ciotti a même déposé il y a quinze jours une autre proposition visant, elle, à rendre obligatoire le dépistage de produits stupéfiants au lycée. Les Français sont eux-mêmes contre un changement de législation. Mais les mentalités évoluent : selon une étude de l’OFDT publiée en novembre, 44 % d’entre eux estiment que l’interdiction du cannabis constitue une atteinte à la liberté individuelle. Ils étaient un peu moins d’un tiers à partager cette idée en 2008. »
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