Madame l’intervenante (elles sont très peu nombreuses, à mon grand regret), Messieurs les intervenants, Messieurs les co-organisateurs, Mesdames et Messieurs du public, Mesdames et Messieurs les journalistes,
Je suis honorée de vous accueillir aujourd’hui au Sénat, là où l’on fait la loi, pour ce colloque intitulé « Légalisation du cannabis : l’Europe est-elle condamnée à l’impasse ? » Le titre dit l’Europe, mais je songe aussi, et peut-être d’abord, à la France.
Il est à cet égard plus que légitime que cette journée de débats se déroule dans cette auguste maison. C’est ici, en 2014, que j’ai déposé une proposition de loi pour un usage contrôlé du cannabis. Ce texte a été examiné en hémicycle en 2015, mais n’a hélas pas été adopté.
Est-ce parce que les mentalités ne sont pas encore prêtes à lever le tabou pour entrer dans le réalisme, quand un quart de la population de moins de 35 ans consomme du cannabis ? Les sujets de société peinent hélas à faire leur chemin. Il s’agit pourtant en l’occurrence d’une question de santé publique absolument primordiale.
L’idée de cette journée est née lors d’une discussion à bâtons rompus avec Olivier Faron, aujourd’hui administrateur général du CNAM. Nous nous connaissons depuis le temps lointain où je fus sa collègue à la Sorbonne, quand j’étais encore directrice de recherche au CNRS.
Olivier me suggéra d’organiser un colloque avec Didier Jayle, professeur titulaire de la chaire d’addictologie dans l’organisme qu’il dirige aujourd’hui. L’idée mûrit, Henri Bergeron, professeur sur la chaire Santé à Sciences Po se joignit à nous, et la Fédération Addiction devint partenaire.
Un sondage IPSOS sur la question de la légalisation, dont les résultats seront présentés en détails par Didier Jayle, a été réalisé il y a quelques jours à la demande de SOS Addictions, du LIEPP de Sciences PO et du CNAM.
Il révèle d’abord qu’une grande majorité des Français juge inefficace la législation actuelle relative à la consommation du cannabis. Les Français reconnaissent là une évidence.
Nous sommes l’un des pays les plus répressifs en la matière – et pourtant celui où la consommation de cannabis chez les mineurs et les jeunes est en constante augmentation. Cela pendant que d’autres pays européens ont pris le chemin de la dépénalisation. L’étude de législation comparée que commandée aux services du Sénat l’atteste amplement.
L’opinion française bouge. Le sondage IPSOS en témoigne. Ses résultats démontrent une avancée en direction d’une autorisation de la consommation de cannabis et de sa vente sous le contrôle de l’Etat.
Les efforts conjugués des différents acteurs engagés pour une légalisation doublée d’un effort important en matière de prévention et d’accompagnement commenceraient-ils à payer ?
Légiférer, en de pareilles matières, n’est pas chose simple. Mais lancer des propositions sérieuses, même si elles ne sont pas tout de suite retenues, contribue à sensibiliser l’opinion publique. J’espère que tel fut le cas de la proposition de loi que j’ai déposée ici au nom du groupe écologiste. D’autres m’ont précédée sur ce chemin, et je n’oublie pas qu’un Daniel Vaillant, par exemple, a beaucoup fait pour tenter de faire bouger les lignes.
Aux politiques d’assumer leur rôle. Et qu’on ne nous dise pas que l’heure n’est pas propice, en raison des élections en vue. Les Français interrogés se déclarent pour la plupart favorables à ce que les candidats à l’élection présidentielle s’emparent de la question.
L’opinion publique serait-elle donc en avance ? Et nos politiques en retard ? Ce ne serait pas la première fois. On a si peur de perdre de voix qu’on n’entend plus ce que le peuple dit, hélas.
Nous allons faire le tour des multiples aspects de la question, avancées, dangers, gains pour notre société et notre économie. Nous n’oublierons pas le cannabis thérapeutique, et je rappelle ici combien la mise sur le marché du Sativex est une urgence.
Juste une demande pour finir : que chacun et chacune respecte le temps de parole qui lui est alloué, la salle devra être libérée avant 19h. Si j’ai moi-même dépassé ici le mien, je n’en serai que plus brève lorsque viendra le moment des conclusions.
Last but not least, je remercie les membres de mon cabinet, Vincent, Marie, Benoît, Christophe et Aysin qui ont assuré avec abnégation et efficacité la partie logistique. Cela ne se voit pas mais c’est la condition d’un colloque réussi.
Bonne journée à toutes et à tous.