« Le Sénat a adopté la constitutionnalisation de l’état d’urgence à une large majorité. Il y a apporté quelques modifications pour mieux encadrer cette mesure d’exception. Plusieurs sénateurs, à gauche mais aussi à droite, souligne les risques encourus sur les libertés publiques.
C’est l’article le moins polémique de la révision constitutionnelle. Il est presque oublié. Pourtant, la constitutionnalisation de l’état d’urgence n’est pas anodine. Elle renvoie même à un sujet fondamental et qui concerne tout le monde : les libertés publiques. L’état d’urgence a été décrété le soir des attentats du 13 novembre. Il a été depuis prorogé de trois mois à deux reprises. Il permet au ministre de l’Intérieur de réaliser des perquisitions administratives et de prononcer des assignations à résidences, sans passer par l’autorité judicaire.
Le Sénat a cependant adopté l’article 1 à une large majorité, ce jeudi, par 301 voix contre 38, mais en lui apportant quelques modifications, pour mieux encadrer la constitutionnalisation de l’état d’urgence. Les groupes Républicains, UDI-UC (centristes) et socialistes ont voté pour. Les écologistes et les communistes et les radicaux s’y opposent.
Fidèle à sa tradition de défense des libertés publiques, la Haute assemblée a ainsi décidé de passer par une loi organique, et non une loi ordinaire, pour la mise en application de l’état d’urgence, si un pouvoir décide d’en user. Une loi organique impose de consulter avant le Conseil constitutionnel. C’est un garde-fou supplémentaire. « Le législateur de demain devra soumettre toute modification de l’état d’urgence afin de protéger nos libertés » explique Philippe Bas, président LR de la commission des lois. Un principe défendu aussi par le sénateur PS Jean-Yves Leconte. Jean-Jacques Urvoas s’y oppose car « une loi organique impose un délai » de « 15 jours entre les deux chambres ». « Ça nous paraît contradictoire avec la notion même d’urgence », argumente-t-il. […]
« Vouloir régler les problèmes uniquement en augmentant les contraintes policières, ce n’est pas la voie suivie par les démocraties »
La sénatrice EELV, Esther Benbassa, opposée depuis le débat à l’état d’urgence, souligne que sur « les 3000 perquisitions, il n’y a que 4 ou 5 procédures » et des « personnes assignées à résidence injustement ». « Je ne crois pas qu’on puisse vous laisser dire qu’il y a des abus pendant l’état d’urgence » répond le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas. La sénatrice écolo lui demande en retour d’être « un peu plus près de la vérité que des affirmations un peu cavalières ». Elle évoque le jour où l’ancien président de la commission des lois de l’Assemblée avait évoqué l’essoufflement de l’état d’urgence. Piqué au vif, l’intéressé lui répond : « Je n’ai jamais dit, Madame, qu’il fallait arrêter l’état d’urgence. J’ai dit, le 16 janvier, que l’essentiel de ses mesures me paraissaient être maintenant derrière nous. Ça ne veut pas dire arrêter ».
Pierre-Yves Collombat, sénateur PRG du Var, fait référence à Hannah Arendt, figure souvent évoquée par les parlementaires dans ces débats. « Elle dit que les méthodes utilisées par les Etats totalitaires pour faire face à leur problème survivront à leur défaite. Vouloir régler les problèmes uniquement en augmentant les contraintes policières, ce n’est pas la voie suivie par les démocraties » lance-t-il. Il salue cependant « le travail d’équilibre qu’on essaie de faire, insuffisant. Mais c’est déjà un mieux ». »
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