Le Sénat a adopté mardi une proposition de loi Les Républicains (LR) destinée à détricoter la politique pénale de l’ex-garde des Sceaux Christiane Taubira à qui selon la droite sénatoriale ignore les « besoins pressants » de la justice.
A trois mois de la présidentielle, la droite, LR et UDI-UC, (majoritaire) a voté contre l’avis du gouvernement la proposition de loi des sénateurs LR Bruno Retailleau, président du groupe, et François-Noël Buffet destinée « à renforcer l’efficacité de la justice pénale », l’ensemble de la gauche s’y opposant.
Toutefois, ce texte ne pourra entrer en vigueur que s’il est adopté également par les députés, ce qui est impossible avec l’Assemblée actuelle, où la gauche est majoritaire.
Mme Taubira « par ses décisions d’un dogmatisme à toute épreuve, n’a pas su répondre aux besoins pressants d’une institution judiciaire qui traverse une crise grave », a accusé M. Buffet. « Il fallait, nous expliquait-on, sortir du +tout-carcéral+ ». Depuis, a-t-il dit, « le nombre de détenus n’a cessé d’augmenter, pire, la justice, mise en difficulté, inspire de la défiance à nos concitoyens ».
Qualifiant la contrainte pénale d' »espèce de Canada Dry de l’alternative à la prison », il a estimé que cette mesure est « l’exemple le plus emblématique » de cet échec: « Les magistrats n’y ont presque pas recours parce qu’ils doutent de son efficacité ».
« L’effet de la peine tient davantage à la certitude qu’elle sera appliquée qu’à sa sévérité », a affirmé pour sa part le rapporteur François Pillet (LR). C’est la raison pour laquelle le texte rétablit les peines planchers, supprime la contrainte pénale et met fin à la réduction automatique des peines.
Mais pour le successeur de Mme Taubira Jean-Jacques Urvoas, ce texte « n’apporte pas d’efficacité à la justice, bien au contraire ». « Rétablir les peines minimales, renforcer les règles de révocation des sursis, supprimer la contrainte pénale, les mesures que vous proposez ont toutes un point commun: elles durciraient la répression », a-t-il dénoncé.
« Elles rigidifieraient, voire alourdiraient le travail de la justice », a aussi estimé M. Urvoas.
Pour les sénateurs socialistes, avec ce texte, « la droite prépare au Sénat le programme de justice pénale de son candidat à la présidentielle ». « Plus qu’une réaction, c’est un texte de restauration qu’a voulu imposer la majorité sénatoriale », « un arsenal digne des meilleures années Sarkozy » a lancé Jacques Bigot.
« Il a un mérite », a dit Alain Anziani. « Il montre qu’en matière pénale, les LR n’ont pas d’autre doctrine que le retour au passé et finalement le souci de plaire, sans se soucier des droits fondamentaux, sans évoquer les moyens qu’une telle loi supposerait, sans s’inquiéter d’une justice forte et indépendante ».
Une analyse partagée par Esther Benbassa pour qui ce texte « rappelle les fondamentaux de la droite: tout répressif, tout carcéral, accusations de laxisme et d’irresponsabilité vis-à-vis des socialistes ».
« La justice pénale ne sera efficace et humaine qu’avec plus de moyens, plus de magistrats – loin des suppressions de fonctionnaires annoncées par le candidat Les Républicains », a jugé pour sa part Cécile Cukierman (Communiste, républicain et citoyen) tandis que pour Jacques Mézard (RDSE, à majorité PRG), « la justice mérite une loi de programmation élaborée dans un large consensus politique et en concertation avec ceux qui la rendent, les magistrats ».