Veuillez retrouver ci-dessous les deux versions (en français d’abord, puis en anglais) de l’interview croisée entre Esther Benbassa et Olivier Roy sur l’islam, publiée le 29 mars 2017 dans le « Green European Journal » :
« Sécurité et Identité: Entre Fantasmes et Réalités »
Published in
Green European Journal
Volume 15
Fear and Trembling: Perspectives on Security in Europe
Date of publication
Quel constat avez-vous de la place de l’Islam aujourd’hui en France et plus largement en Europe dans le débat public?
Olivier Roy: La place de l’Islam est centrale dans le débat public aujourd’hui en France et en Europe. Or elle recoupe d’autres thèmes: celui de l’immigration, amené par le Front National en France à partir de la fin des années 70; celui des réfugiés, comme si ces derniers étaient tous musulmans; ou encore celui des attentats. Ces trois perceptions sont liées à l’idée d’une menace extérieure. Et on retrouve la question fondamentale de l’identité, qui est posée comme étant essentiellement liée à l’Islam, mais en réalité va bien au-delà. La question identitaire, et en particulier le sentiment d’insécurité identitaire observable un peu partout, vient surtout de la crise de l’Etat nation, Etat nation remis en cause par la construction européenne d’un côté et par l’immigration de l’autre. Ce n’est pas un hasard si beaucoup d’islamophobes aujourd’hui sont également anti-européens.
Le deuxième élément, c’est la lecture en termes de choc de civilisations: on oppose à l’Islam des valeurs européennes qui seraient fondées uniquement sur la démocratie, les droits de l’homme, les droits des homosexuels, etc. Or il y a d’autres familles de valeurs en Europe: il y a la libérale qui regroupe ces droits, autour notamment du statut de la femme et de la sexualité, mais également la chrétienne qui est très différente: on ne peut pas dire que l’Eglise défende les droits des homosexuels et ait une conception très féministe de l’émancipation des femmes. Elle a notamment combattu avec force récemment l’enseignement de la « théorie du genre » dans les écoles. On ne veut pas voir cette ambiguïté qui existe sur l’identité européenne, tantôt fondée sur la chrétienté, tantôt sur les acquis libéraux des années 60. La question est donc au départ très mal posée. On répond par une vision séculière à une question identitaire, et en France la gauche refuse de regarder en face la question chrétienne, comme si elle était définitivement réglée par la loi de 1905. Or il existe bien encore aujourd’hui une Europe religieuse. Et en voulant expulser en France complètement l’Eglise de l’espace public, on fait le jeu de l’extrême droite qui la récupère.
Esther Benbassa: Le débat autour de l’Islam n’a fait que s’envenimer depuis la série d’attentats qui a frappé notre pays et bien d’autres pays. Le phénomène n’est certes pas nouveau. Historiquement parlant, l’Islam, dernier monothéisme, considéré comme inachevé par les chrétiens, n’a jamais eu dans l’imaginaire occidental la place qui lui revenait. De même, les conquêtes qui ont suivi la naissance de l’islam ont fait peur aux Occidentaux. Concernant la France, n’oublions pas non plus la période coloniale, notamment au Maghreb, où l’Arabe musulman était infériorisé. Les autochtones musulmans étaient soumis au Code de l’Indigénat (1881) qui institutionnalisait l’inégalité sociale et juridique. Tandis que, les Juifs d’Algérie, eux, considérés comme « utiles » à la colonisation, deviennent des citoyens français dès 1871. Ce dernier épisode laissera des traces au niveau des relations judéo-musulmanes, qui se répercuteront sur leur vivre-ensemble plus tard en France. Le contentieux colonial perdure dans la perception des Arabo-musulmans par les Français et par une partie de leur classe politique. Un Français de confession musulmane n’est pas appréhendé comme n’importe quel Français. Le doute sur sa francité est cultivé pour être instrumentalisé en période de crise. Les attentats ont servi de prétexte pour le relancer. Tout terroriste étant assimilé à un musulman, et tout musulman à un terroriste potentiel. Cette réflexion binaire n’est pas innocente, ni dénuée d’un imaginaire brouillé par des clichés hérités du passé. D’autant que les Français de confession musulmane, nés sur le sol français, d’invisibles qu’étaient leurs parents, sont devenus visibles en raison de leurs revendications identitaires.
Comment la question de l’Islam est-elle aujourd’hui liée à celle de l’insécurité, en particulier suite aux attentats de 2015 et 2016?
Esther Benbassa: La plupart des terroristes étaient des Français ou des Belges de confession musulmane, nés dans le pays où ils ont commis leurs attentats. Lier insécurité et Islam crée une confusion qui fragilise encore plus les musulmans de ces pays. L’Islam simple du quotidien, craint et méprisé à la fois en France où la laïcité, lorsqu’elle devient dogmatique, n’est que l’habillage d’un rejet viscéral du musulman, ne répondait pas aux attentes de ces jeunes Français. Les plus fragiles se sont engouffrés dans un autre Islam, celui d’une radicalité et d’une supposée authenticité, transmis par des guides autoproclamés sur Internet, mais aussi dans de nouveaux cercles de sociabilité. Un tout petit nombre d’entre eux a fini par opter pour un Islam politisé et revanchard, rejetant dans la haine un Occident jugé « impur ». Mais même dans ses formes les plus fermées, l’Islam ne produit pas automatiquement des terroristes. Acquis à travers des sources partisanes, rigoristes et dépourvues de tout esprit critique, cet Islam-là peut contribuer à la cristallisation d’identités bancales et dans certains cas destructrices. La conversion à cet Islam touche aussi des jeunes Français d’origine non musulmane, habitant des territoires abandonnés des services publics et sans lieux de culture. C’est à travers cet Islam agressif, et non plus seulement agressé, qu’ils font communauté. Sans Daech, un tel endoctrinement n’aurait sans doute pas suffi à générer du terrorisme. Mais en dehors d’un Islam à la fois rigoriste et politisé, Daech aurait-il pu, quant à lui, gagner un tel pouvoir de séduction ? En tous cas l’enrôlement dans le djihadisme concerne un tout petit nombre de musulmans, et mettre tous les musulmans dans le même sac relève de l’instrumentalisation.
Olivier Roy: La question de fond est dans quelle mesure ce terrorisme islamique se rattache-t-il à l’Islam? Car il y a d’autres actes terroristes, comme Anders Breivik par exemple qui a assassiné en Norvège au nom du catholicisme blanc en 2011. Mais depuis 2001 en effet, il y a eu principalement des actes de terrorisme en Europe se réclamant de l’Islam. Or ce terrorisme est-il une conséquence de la radicalisation du religieux, ou bien observe-t-on comme je l’affirme une islamisation de la radicalité? Quels rapports entretiennent ces jeunes marginaux qui ont commis des actes terroristes avec la communauté religieuse dont ils se réclament? Il y a un débat à avoir sur la violence chez les jeunes qui n’est certainement pas qu’une question d’Islam. Qu’ils soient convertis ou bien de seconde génération, force est de constater que leur révolte s’inscrit elle dans un discours islamique. Mais c’est parce que sur le marché de la radicalisation, le modèle islamique est le plus présent. Et si c’est le plus présent, c’est aussi parce que la radicalisation d’extrême gauche a disparu de la scène globale. Il y a toujours eu en Europe depuis de nombreuses décennies du terrorisme lié à l’extrême gauche: que ce soit les Brigades Rouges, la Bande à Baader, etc. Mais sur le marché de la contestation radicale à l’échelle globale, il n’y a malheureusement plus aujourd’hui que Daesh.
Est-ce que vous expliquez la montée des partis xénophobes en Europe par l’insécurité identitaire ressentie par une partie de la population face à la place que prend l’Islam dans le débat public? Comment répondre à cela?
Olivier Roy: L’insécurité identitaire qui se développe n’est pas causée par l’Islam, mais bien par la crise de l’Etat nation. La question de l’« identité » est plutôt assez récente, c’est une nouvelle venue dans le champ politique. Avant, cette question existait seulement à l’extrême droite, avec un auteur comme Alain de Benoist. C’est Nicolas Sarkozy qui a donné en France au débat sur l’identité ses « lettres de noblesse ». Si ce concept est ultra dominant aujourd’hui, c’est surtout parce que d’autres concepts ne sont plus opérants, comme la lutte des classes, le clivage gauche-droite, etc. La gauche est devenue libérale sur le plan économique mais a abandonné le libéralisme des valeurs. A l’inverse, la droite s’est ouverte sur le plan des valeurs. Jusque dans les années 80, à droite on défendait des valeurs traditionnelles. Puis il y a eu Margaret Thatcher, Nicolas Sarkozy, etc. Aujourd’hui, la nouvelle génération du Parti populaire espagnol par exemple est devenue libérale sur le plan des valeurs, de même la droite italienne devenue épicurienne avec Berlusconi, etc. La gauche ne l’a pas vu venir, que ce soit sur le plan des classes ou sur celui des valeurs. Ne reste plus que l’identité ou à l’opposé l’anarchisme pour se situer.
Il me semble qu’il faut arrêter de se préoccuper de ce que dit le Coran et cesser de faire du théologique, pour gérer l’Islam concrètement. On traite la religion comme si elle constituait une menace pour les droits de l’Homme, mais la liberté religieuse fait partie des droits de l’homme. Aucun acteur politique ne demande aujourd’hui à l’Eglise l’ordination des femmes, alors qu’on se permet tout avec l’Islam. Il faut repenser la question de l’Islam dans le cadre de la liberté religieuse offerte par une démocratie moderne et en revenir à du concret, à une vision juridique et constitutionnelle de la question religieuse. En faisant des statistiques sociologiques de base, on s’apercevra qu’il y a en France et en Europe des classes moyennes musulmanes et que l’ascenseur social a pu fonctionner. Mais dans la tête des gens, les musulmans se sont les jeunes de banlieue et les « barbus ». On a une vision imaginaire et fantasmée de l’Islam et on ne voit pas les vrais changements réels. Il est urgent d’ouvrir les yeux.
Est-ce que le pouvoir politique et le législateur vous paraissent actuellement apporter les bonnes réponses aux enjeux de sécurité identitaire?
Esther Benbassa: Le pouvoir politique a été pris dans la tourmente des attentats et a tenu à rasséréner la population en faisant beaucoup d’affichage. Or la question du terrorisme ne se règle pas en un clin d’œil et il y a tout un travail de long terme à mener en amont au niveau de la prévention. Rien n’excuse les actes de ces jeunes qui épousent le mal radical mais rien n’interdit de s’interroger sur ce qui les pousse à les commettre. Si on avait pu les faire bénéficier d’une manière plus équitable des valeurs dont nous nous réclamons et dont nous les considérons éloignés, peut-être que ces jeunes auraient fait d’autres choix. Certains ont besoin de croire, et pas seulement religieusement. De même en ce qui concerne la « déradicalisation ». Il n’y a pas de concertation, de rationalisation, de réflexion. L’affichage prime, parce qu’en politique il faut hélas faire vite.
Olivier Roy: Sur le plan sécuritaire, la politique actuelle est une politique de sécurité somme toute classique et qui se veut efficace en termes de protection physique de la population. Par définition, une politique sécuritaire de la sorte entre en tension avec les libertés et la sauvegarde des droits de l’homme. On peut alors avoir des débats légitimes sur l’équilibre à trouver entre sécurité et respect des libertés. C’est bien entendu un enjeu important, mais l’urgence me semble-t-il est avant tout de ne pas se tromper de danger. Si l’on considère par exemple que n’importe quel signe de radicalisation religieuse constitue un indice de terrorisme potentiel, on se trompe de cible et on risque alors de passer à côté de vraies menaces. Interdire le voile à l’université par exemple, faire la chasse aux produits hallal ou encore supprimer les repas végétariens dans les cantines en amalgamant cela avec une quelconque menace terroriste est totalement scandaleux.
Quelles seraient pour vous les bonnes réponses, tant politiques qu’économiques et sociales, à adopter face à cette insécurité identitaire et à la peur de l’Islam que l’on observe monter actuellement partout en France et en Europe?
Esther Benbassa: S’il n’y a pas un vrai travail de prévention en amont revisitant la catastrophique politique de la ville, une vraie lutte contre les discriminations, le racisme et la précarité qui touche davantage les jeunes des quartiers, le repli identitaire ne fera que s’accentuer. Tous les replis identitaires ne mènent heureusement pas au terrorisme. Par ailleurs, il est temps d’arrêter d’agiter l’épouvantail du communautarisme. Que les gens cherchent, face au rejet à l’extérieur, le repli dans leur communauté, n’a rien d’exceptionnel. Essayons par exemple en France de mener des statistiques ethniques ou au moins un recensement où figureraient le lieu de naissance des parents et la nationalité antérieure de la personne recensée pour avoir une radiographie précise. Mais on refuse de le faire en craignant que les résultats requerraient d’engager une politique d’ « affirmative action ».
Olivier Roy: On est dans une crise des imaginaires politiques. Et l’Union européenne est incapable de nous offrir un imaginaire désirable. On a atteint les limites du modèle européen. Il faut absolument démocratiser les institutions européennes, et le Parlement européen doit notamment jouer un plus grand rôle. Il faut également repenser l’Etat nation sur la base d’une réhabilitation de la vie politique citoyenne, et commencer tout en bas à l’échelle municipale. Il faut absolument développer la démocratie locale au lieu de la réduire. Sur le plan économique, la gauche a malheureusement totalement manqué le rendez-vous avec les banlieues, en particulier sur la question des violences policières. Les Français sont les « champions » en Europe en termes de violence dans les rapports police-citoyens. Il faut également tirer les conséquences de la liberté religieuse, et arrêter par exemple de présenter les gens de la Manif pour tous comme des fascistes. Oui il y a de nombreux croyants, et ce ne sont pas tous des terroristes potentiels. Il faut revoir cette conception autoritaire de la laïcité qui laisse du coup la religion aux marginaux et aux radicaux. Il faut imaginer une relation apaisée avec toutes les religions. On parle toujours du communautarisme musulman, mais il se développe également chez les Juifs orthodoxes, notamment dans l’espace scolaire. L’Etat finit par pousser les religions à se constituer en contre société. Il s’agit de repenser la liberté religieuse en France dans le cadre de la loi de 1905 qui est une excellente loi.
Security and Identity: Between Fantasy and Reality
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Green European Journal
Volume 15
Fear and Trembling: Perspectives on Security in Europe
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European societies such as France suffer from a fixation with a distorted vision of Islam, rooted in stereotypes and a lack of understanding of the traditions and history of the religion. This fantasised vision serves to justify the double standards set by the media and politicians, and contributes to fuelling a toxic discourse around identity. As a result, current responses to incidents of terrorism – generally carried out by home-grown radicalised individuals – only serve to aggravate fears and deepen mistrust.
Benjamin joyeux: What observations would you make about the place of Islam today in the public debate in France and more widely in Europe?
Olivier Roy: Islam occupies a central place in the public debate today in France and in Europe. It also overlaps with other topics: that of immigration, brought to the agenda by the Front National in France from the late 1970s onwards; that of refugees, as if all refugees were Muslim; and that of terrorist attacks. These three concerns are linked by the notion of a threat from the outside. And we also find the fundamental question of identity, which is framed as if essentially linked to Islam, but which, in reality, is much wider. The question of identity – and in particular, the feeling of insecurity over one’s sense of identity, which is so widespread these days – arises from the crisis of the nation state, challenged on the one hand by the European project and on the other by immigration. It is no coincidence that anti-Muslim sentiment goes hand in hand with an anti-European attitude.
The second point is the reading in terms of the clash of civilisations: Islam is set in opposition to European values, which are presented as being founded on democracy, human rights, gay rights, etc. Yet, there are other value systems in Europe: the liberal one, for example, which defends all these rights, with at its centre the status of women and of sexuality. There’s also a Christian one which, however, takes a different approach again: no-one can say that the Church defends gay rights nor that it has a very feminist approach to the emancipation of women. An example is the recent forceful opposition to the teaching on ‘gender theory’ in schools in France. Nobody wants to admit this ambiguity that exists with regard to the European sense of identity, for some people founded on Christianity; for others, on the liberal values of the 1960s. The question is therefore skewed from the start. People give a secular answer to a question of identity, and in France, the Left refuses to face up to the question of Christianity, as if it had been dealt with once and for all by the law of 1905, separating the Church and the State. And yet, religion in Europe is alive and well. And by trying to keep the Church out of the public space in France, we play into the hands of the Far Right, who simply take it over as a theme.
It is no coincidence that anti-Muslim sentiment goes hand in hand with an anti-European attitude.
Esther Benbassa: The debate about Islam has only become more inflamed since the wave of terrorist attacks that have hit European countries. It is by no means a recent phenomenon. Historically, Islam – as the last monotheistic religion and considered by Christians to be incomplete – has never had the place it deserves in the Western imaginary. Similarly, the expansionism that followed the birth of Islam served to create a climate of fear for the West. As for France, we should bear in mind the colonial period, notably in the Maghreb, where Muslim Arabs were made to feel inferior. The native Muslim population were subjected to the Code de l’Indigénat (1881), which institutionalised social and legal inequality. In contrast, the Algerian Jews, considered to be ‘useful’ for colonisation, were granted French citizenship as early as 1871. This episode was to leave its mark on Jewish-Muslim relations, which would have repercussions for their communal living later in France. The legacy of this colonial discrimination lives on in the perceptions of Muslim Arabs held by the French people and by a section of the political class. Being French and Muslim sets you apart from other French people. Doubts about your true Frenchness are cultivated and used in times of crisis. The terrorist attacks have served as a pretext to reignite the issue. Every terrorist is portrayed as a Muslim and every Muslim as a potential terrorist. This type of binary thinking is dangerous when coupled with a mind-set clouded by inherited clichés from the past. Even more so, since today’s French-born Muslims – unlike their parents, who were largely ‘invisible’ – have become ‘visible’ through their desire to claim their own identity.
How is the question of Islam linked to that of insecurity in Europe today, in particular since the terrorist attacks of 2015 and 2016?
Esther Benbassa: Most of the terrorists were French or Belgian Muslims, born in the country in which they committed the atrocities. Linking insecurity with Islam creates confusion, which further undermines the Muslims living in those countries. A simple everyday Islam, both feared and despised in France where secularism, in its most dogmatic form, is nothing more than a veneer covering a visceral rejection of Muslims, was not meeting the needs of these young French people. The most vulnerable among them have been swallowed up in another Islam, radical and supposedly authentic, passed on by self-proclaimed spiritual leaders via the internet, but also in new social circles. A minority of them have ended up opting for a political and vindictive form of Islam, rejecting with hatred a Western society they judge to be ‘impure’. But even in its most hard-line form, Islam does not automatically turn people into terrorists. Acquired as it is from sources that are partisan, purist, and lacking in critical analysis, this type of Islam can contribute to the crystallisation of a warped and, in some cases, destructive sense of identity. Conversion to this form of Islam also concerns young French people of non-Muslim backgrounds, living in areas that have been abandoned by public services and where there is a lack of cultural space. A sense of community is built through this type of Islam, which is no longer simply suffering from aggression but has itself become aggressive. Without the existence of Daesh, such indoctrination would not, in and of itself, have been capable of spawning terrorism. But, on the other hand, without such a purist and politicised form of Islam, would Daesh alone have managed to achieve quite such a power of attraction? Either way, involvement in ‘jihadi’ activism only concerns a small number of Muslims, and to put all Muslims in the same boat smacks of instrumentalism.
Historically, Islam has never had the place it deserves in the Western imaginary.
Olivier Roy: The fundamental question is to what extent Islamic terrorism is linked to Islam itself. There have been other terrorist atrocities after all, such as that of Anders Breivik, for example, in Norway, who killed in the name of white Christianity in 2011. But yes, since 2001, terrorist attacks in Europe have largely been claimed to have been committedin the name of Islam. Yet, is this terrorism a consequence of the radicalisation of religion, or are we witnessing, as I would argue, a phenomenon the other way around: an Islamisation of radicalism? What relationship is there between the marginalised youths committing acts of terrorism and the religious community to which they claim to belong? There is a debate to be had on violence among young people that is certainly not simply a question of Islam. Whether they are new converts or second generation Muslims, it has to be said that their revolt is part of an Islamic narrative. But this is because, in the world of radicalisation, the Islamic model is the most visible. This visibility is also due to the fact that the left-wing version of radicalisation has disappeared from the global stage. For decades, Europe has experienced a form of terrorism linked to the Far Left: the Red Brigade, the Baader Meinhof group, etc. But in the market for radical protest today on a global scale, sadly, only Daesh is on offer.
Can the rise of xenophobic parties in Europe be attributed to a sense of crisis or insecurity about identity experienced by a section of the population? And is this insecurity linked to the current debate around Islam in the public sphere?
Olivier Roy: The growing insecurity felt around issues of identity is not caused by Islam, but by a crisis in the status of the nation state. The question of ‘identity’ is a relatively recent phenomenon; a newcomer in the arena of political debate. In the past, this question belonged to the Far Right, with writers such as Alain de Benoist. In France, it was Nicolas Sarkozy who legitimised the debate on identity. If this concept is omnipresent today, it is largely because other concepts are no longer on the table, such as the class struggle, the Left-Right divide, etc. The Left has become liberal on economic policy but has abandoned its liberal values. On the other hand, the Right has espoused a wider set of values. Until the 1980s, the Right tended to defend traditional values. Then came Margaret Thatcher, Nicolas Sarkozy, etc. Today, the new generation of the People’s Party in Spain, for example, has adopted liberal values, in the same way as the Italian Right-wing under Berlusconi became Epicurean, etc. The Left didn’t see this coming, whether on the question of class or of values. To find one’s place in society, the choice is identity or anarchy.
It seems to me that we should stop worrying about what the Koran says and stop all the theologising in order to deal effectively with the question of Islam in concrete terms. Religion is treated as if it constitutes a threat to our human rights, but religious freedom is an integral part of those very rights. No politician today is asking the Catholic Church to adopt the ordination of women, yet when it comes to Islam, anything goes. The question of Islam should be reconsidered within the framework of the religious freedom offered by modern democracy and we should return to basics; to a legal and constitutional vision of the religious question. By collecting basic sociological statistics, we will see that in France, as in Europe, the Muslim middle classes exist and that social mobility has been able to function. But in people’s minds, Muslims are all either young suburban delinquents or ‘bearded’ fundamentalists. We have a fantasised and imagined vision of Islam and we don’t see the real changes and developments that have taken place. It is time we opened our eyes.
Would you say that politicians and law-makers are coming up with the right responses to the challenges of these questions around security and identity?
Esther Benbassa: Those in power have been caught up in the drama of the terrorist attacks and made it their priority to reassure people by putting on a show of strength. But the challenge of terrorism cannot be dealt with overnight, and there is a whole long-term effort to be made to put in place preventative measures. There can be no excuse for these acts committed by young people seduced by the evil of radicalism, but that should not prevent us from asking what incites them to commit such atrocities. If we had managed to let them share more equally in the values we hold so dear and from which we consider them to be excluded, perhaps these young people might have made other choices. There are those who need to have something to believe in, and not just in religious terms. The same goes for the issue of ‘de-radicalisation’. There is no dialogue, no rational discussion, no commitment to thought and debate. Public perception takes centre stage because, sadly, in politics, things have to move fast.
Olivier Roy: In terms of security, the current policy adopts the same old approach of measuring effectiveness solely in terms of ensuring the physical protection of the population. Fundamentally, this type of policy on security comes into conflict with freedoms and the safeguarding of human rights. There is, then, a legitimate debate to be had on the right balance to be struck between security and respect for freedom. It is, of course, of vital importance, but it seems to me more urgent to be clear about where the threat is coming from. If we consider, for example, that any sign of religious radicalisation is taken to indicate a potential terrorist threat, we have the wrong target in our sights and risk missing the real threats. Banning headscarves in universities, for example, clamping down on halal products, or taking vegetarian meals off the menu in our schools while somehow equating these things with a potential terrorist threat is completely outrageous.
We need to reinvent a peaceful relationship with all religions.
In your opinion, what would the right response be – in political as in economic and social terms – to this identity insecurity and to the fear of Islam that we see on the rise in France and throughout Europe?
Esther Benbassa: If there is no real work of long-term prevention through reviewing the catastrophic policies in urban development, real opposition to discrimination, racism, and the precarity faced by young people in urban neighbourhoods, identity politics will only increase. Thankfully, not all inward-looking attitudes to identity lead to terrorism. It is time we stopped raising the spectre of communitarianism. There is nothing unusual in the fact that people will turn to their community for answers in the face of rejection from outside. What about trying, for example, in France to collect statistics based on ethnicity, or at least a census of the birthplace of an individual’s parents and the previous nationality of that person, in order to obtain a more precise breakdown of figures? There is opposition to this proposal through fear that the results might result in a call for a policy of ‘affirmative action’.
Olivier Roy: We are in the middle of a crisis in the political imagination. And the European Union is unable to give us the sort of vision we can believe in. We have reached the limits of the European model. It is vital to make the European institutions more democratic, and the European Parliament in particular must have a greater role to play. Equally, we must rethink the nation state, based on a restoration of the political engagement of citizens and starting at the grassroots level of local councils. Democracy at a local level must be developed and encouraged, rather than stunted. In economic terms, the Left has completely failed in its engagement with deprived urban areas, in particular with regard to the question of police violence. The French are European ‘champions’ in terms of violence in the relations between police and citizens. We also have to accept the consequences of religious liberty and stop, for example, painting all those who take part in protests, such as ‘La Manif Pour Tous’ in France (a campaign opposed to equal marriage), as fascists. Many people have a religious faith, and they are not all potential terrorists. We need to revise this authoritarian conception of secularism which simply leaves religion to those who are marginalised or have radical tendencies. We need to reinvent a peaceful relationship with all religions. There is a lot of talk of communitarianism in a Muslim context, but it is just as present in Orthodox Jewish circles, particularly in the area of education. The State ends up simply forcing religions to set themselves up as counter forces of society. What is needed is a rethink on religious freedoms in France within the framework of the law of 1905, which is an excellent piece of legislation.