PJL n° 310:
relative à relatif à la sécurité publique
– Discussion générale –
Mardi 24 janvier 2017
Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de la commission des lois,
Monsieur le Rapporteur,
Mes ChèrEs collègues,
Le 8 octobre 2016, une quinzaine de personnes incendiaient deux voitures de police, occupées par quatre agents en mission de surveillance à Viry-Châtillon (Essonne). Deux policiers avaient été alors très grièvement brûlés.
Cet évènement avait sur le moment déclenché un mouvement de protestation sans précédent des forces de l’ordre, éreintées par des mois d’état d’urgence et de plan vigipirate alerte attentat.
Le projet de loi relatif à la sécurité publique qui nous réunit aujourd’hui constitue la réponse législative du gouvernement à la mobilisation des policiers et vise, selon ses auteurs, à assurer la protection des forces de l’ordre et la sécurité juridique de leurs interventions.
Je voudrais en préambule, mes chèrEs collègues, rendre hommage à ces hommes et ces femmes qui assument, chaque jour, la lourde tâche de nous protéger. Ils exercent leur mission dans des conditions extrêmement difficiles dues certainement à la menace terroriste qui pèse sur notre pays mais également au manque criant de moyens.
En fait, il ne s’agit pas ici du budget consacré au fonctionnement des commissariats, ni du nombre de postes dont la police aurait besoin pour travailler plus sereinement, mais il est plutôt question, c’est la mesure phare du texte, de définir les conditions dans lesquelles policiers et gendarmes peuvent faire usage de leur arme.
In fine, la question qui se pose à nous est celle de savoir si l’adoption des dispositions qui nous sont proposées est à même, pour reprendre les mots du gouvernement, d’assurer la protection des forces de l’ordre. Il convient également de s’assurer que les droits des citoyens et citoyennes de ce pays sont suffisamment garantis.
Le sentiment du groupe écologiste face à ce texte est plus que mitigé.
Le projet de loi contient des avancées certaines : l’instauration d’un cadre commun aux différentes forces de sécurité en matière d’usage des armes et l’inscription dans la loi des principes d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité en sont les exemples.
Toutefois les risques de dérives liés à une mauvaise interprétation de ces dispositions sont nombreux et devraient absolument être revus ou supprimés.
En effet, si la vocation de ce projet de loi est de protéger les policiers, certains spécialistes considèrent au contraire qu’en l’état, le texte serait source d’une plus grande insécurité juridique. Permettez-moi ainsi de citer Olivier Cahn, chercheur au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales qui s’inquiète : «si cette réforme ne s’accompagne pas d’un message clair, on peut craindre que les policiers n’en déduisent qu’ils auront plus de possibilités d’ouvrir le feu. Alors que ce n’est pas le cas, puisqu’ils devront de toute façon respecter la Convention européenne des droits de l’Homme, qui dit que la nécessité de recourir à la force doit être absolue.»
Maître Laurent-Franck Liénard, avocat spécialisé dans la défense des policiers, abonde dans le même sens, je cite «mes clients avaient parfois déjà du mal à saisir la notion de légitime défense, alors ils ne vont pas saisir les contours de l’absolue nécessité. Si on commence à dire aux policiers qu’ils peuvent tirer sur une voiture en fuite, nous aurons plus de coups de feu, plus de blessés et plus de condamnations de policiers.» «Cette réforme est extrêmement dangereuse pour les policiers et les citoyens».
En conséquence, le groupe écologiste, dont je porte la voix aujourd’hui, a déposé, malgré vos injonctions Monsieur le ministre de l’Intérieur à ne pas le faire, quelques amendements dont l’adoption, ou non, conditionnera le vote final sur ce texte.
Je souhaiterais, pour conclure, vous dire quelques mots mes chèrEs collègues. Nous avons, depuis plus de cinq ans maintenant, débattu d’une avalanche de textes sécuritaires qui ont souvent donné lieu à des débats parfois caricaturaux.
Aussi voudrais-je le rappeler, à l’aune de ce qui devrait être, oserais-je dire enfin !, le dernier débat en la matière et alors que nous sommes en pleine période pré-électorale, que notre seule préoccupation devrait être en principe la défense de l’état de droit et des valeurs cardinales qui fondent notre République.
Alors, si finalement, la majorité du groupe écologiste votera contre ce texte, ce ne sera pas par défiance envers les forces de l’ordre de notre pays, ce sera parce que nous aurons considéré qu’il échouera, s’il est voté, tant à protéger les policiers et les gendarmes que nos concitoyens.